Publicité Mobile : enfin une courbe qui ne souffre pas d’interprétation !
Il a beaucoup été question de courbes durant la fin de l’année 2013. S’il en est une qui ne souffre pas d’interprétation, c’est celle de la publicité mobile, qui a vu sa croissance s’accélérer définitivement sur la deuxième partie de l’année.
En affichant un investissement publicitaire sur le mobile de €229M sur l’année 2013, le 11ème Observatoire de l’e-Pub SRI marque réellement un tournant. Dans un marché où l’ensemble des médias traditionnels - hormis peut-être la radio -est à la baisse et où même la promesse digitale s’essouffle (+3% seulement en 2013), les 57% de croissance du mobile détonnent.
Après des années d’atermoiements durant lesquelles la France était souvent considérée comme le cancre du marketing mobile malgré le dynamisme de son écosystème (rappelons que la Mobile Marketing Association France est le deuxième bureau au monde derrière les US et loin devant le UK ou l’Allemagne), que s’est-il donc passé entre septembre et décembre 2013 ?
Une correction technique majeureLa mesure des investissements sur mobile est principalement portée par le SRI (Syndicat des Régies Internet), à laquelle la Mobile Marketing Association France est associée. Mi-2013, le SRI a fait le choix de confier la mesure de ce marché à PwC. Notons que PwC assure également la mesure du marché au UK, ce qui permet d’envisager une vision plus homogène de l’approche entre ces pays.
Comme pour le chômage, les ruptures sont parfois liées à des corrections techniques dans la méthodologie et/ou le périmètre de mesure. Le mobile n’a pas échappé à cette règle.
Jusqu’à présent, seul le display faisait partie de la mesure du mobile, là où l’Internet (et le mobile au UK) intégrait l’ensemble des leviers : search, marketing direct, vidéo, affiliation,….
Une revendication longtemps portée par la MMA France, quand on connaît le poids de ces leviers dans l’investissement global : le display ne représente que 26% de l’investissement publicitaire digital en France.
C’est désormais chose partiellement faite puisque le SRI intègre le search dans sa mesure; search qui représente tout de même €150M sur les €229M de l’investissement mobile (65%). Autant dire que son absence était une absurdité notamment dans la comparaison avec les chiffres du UK.
Un périmètre encore à définir
Il reste malgré tout une zone de progression sur ces €229M, car il est encore parfois difficile de collecter des chiffres précis et des chiffres tout court auprès d’un certain nombre d’acteurs et de formats : par exemple, Google, Facebook ou Twitter, acteurs clés du domaine, ne fournissent pas de chiffres par pays.
L’intégration du SMS (pendant de l’emailing sur le web & intégré au UK) représente une opportunité de croissance, compte-tenu des volumes et de l’adoption de ce média par les annonceurs, notamment sur les problématiques de drive-to-store. Un travail, en particulier avec les opérateurs est à mener sur ce front.
L’évaluation des mesures du format vidéo reste un challenge, un certain nombre d’acteurs n’ayant pas une vue précise – ou en tout cas partagée - de la segmentation de ces formats entre web et mobile. Quand on sait que 40% du temps passé sur Youtube provient de terminaux mobiles et que le développement des dispositifs de replay et de second écran accélère le transfert de la consommation de la TV sur ces nouveaux supports, une bonne vision de ces chiffres constitue également un enjeu de croissance.
Il est par ailleurs primordial que les investissements effectués sur des App boosters (type AppGratis ou Appsteur) & sur les plates-formes d’affiliation (notamment via les modèles au CPI – coût par installation - en vogue sur le mobile) soient bien intégrés dans la mesure du mobile.
Même si la France reste en retard sur les pays anglo-saxons et le Royaume-Uni essentiellement, l’intégration de l’ensemble de ces leviers dans la mesure des investissements mobiles donnera une image plus juste de son poids dans le marché publicitaire. Le premier travail fait par le SRI & PwC montre déjà un certain rééquilibrage :
· Part du digital dans l’ensemble des investissements : 22% en France contre 35% au UK.
· Part du mobile dans le digital : 8,2% en France contre 17% au UK.
Afin d’avoir une vision plus juste, il conviendra certainement d’avoir à terme une lecture matricielle des formats (display, vidéo, marketing direct, search), des modèles (CPM, CPC, CPA) et des terminaux (mobile, Smartphones, tablettes, objets connectés), là où l‘approche est encore mixte aujourd’hui, phase de transition oblige.
Une audience qui a basculé
Cette correction technique ayant été établie rétrospectivement, elle n’explique pas la croissance exponentielle (la courbe en prend la forme en tout cas) de l’investissement mobile sur 2013, et notamment le rattrapage avec les autres pays européens. Nous affichons désormais une croissance proche du UK et des US.
Cette croissance s’explique bien évidemment par une audience de plus en plus mobile, notamment portée par l’équipement en tablettes. Il s’est vendu cette année en France plus de tablettes que de PC (6,2M contre 4,8M) ! L’investissement publicitaire a quasiment doublé sur ce support en 2013 (€19M sur les €80M de display mobile, soit 25%). Et compte tenu du nombre de SDK « web » servant des bannières sur les tablettes, il y a fort à parier que ce chiffre sera considérablement revu à la hausse dans les prochaines mesures.
La plupart des grands médias voient leur audience digitale basculer vers le mobile. C’est déjà le cas pour les grands réseaux sociaux dont l’audience (et les revenus publicitaires) sont désormais mobiles : 75% pour Twitter et 53% pour Facebook. Les grands titres de la presse quotidienne sont également, de l’Equipe au Figaro, en train d’atteindre ce point d’inflexion en 2013/2014.
Pour l’instant, le mouvement est moins massif sur la TV (qui porte toujours près de 40% de l’investissement publicitaire), mais nous avons vu que le replay & les dispositifs de second écran allaient progressivement accélérer la tendance.
Une prise de conscience des annonceurs
Si l’audience est en train de basculer vers le « mobile first », il y a toujours eu un décalage naturel entre audience et revenus publicitaires. C’est encore le cas sur le web aujourd’hui et ce phénomène est accentué sur le mobile. On estime ainsi qu’environ 30% de l’audience est mobile pour seulement 8% des investissements publicitaires.
2013 semble avoir marqué le début de la fin de cet effet ciseau avec un rapprochement de la croissance des investissements & de l’audience. Cela s’explique par un certain nombre de facteurs :
· Le mobile n’est pas qu’un media que l’on consulte 2 minutes à l’arrêt de bus.
Trop souvent cantonné à un usage « fast-food » dans les transports, les annonceurs ont aujourd’hui intégré que la consommation du média mobile était plus attachée à une personne – client ou prospect – qu’à un lieu. Du réveil au coucher (22% des recherches mobiles se font entre 20 heures et minuit), à la maison ou au travail, le mobile accompagne le consommateur tout au long de sa journée de shopper. Le développement des interactions avec la TV est également un élément important dans cette extension d’usage.
· Le mobile reste un média que l’on consulte aussi à l’arrêt de bus.
Dans le même temps la promesse de l’hyper local et du drive-to-store prend forme notamment au travers du search & du prédictif. Cela pourrait paraître paradoxal par rapport au premier point mais ne l’est pas quand on sait que 77% des recherches locales se font à domicile… Solocal - acteur majeur du domaine - annonçait récemment près de 40M€ de revenus sur le mobile. Google de son côté annonçait qu’environ un tiers des recherches effectuées sur le moteur avait un caractère local. Compte tenu du poids du search dans l’investissement digital cette capacité du mobile à devenir le point d’entrée des recherches est un élément clé du changement.
· Le mobile est un média autorisant la créativité.
Sur le display, le mobile a longtemps souffert d’être un média « pauvre », d’abord parce que 160 caractères et puis ensuite écran de 7 pouces, peu à même d’appuyer des objectifs de branding et d’image. Là encore, la donne change. En premier lieu grâce à l’avènement de nouveaux formats plus riches & impactant (HTML5 et native advertising). Mais aussi avec le développement de campagnes « mobile-centric » plaçant ces terminaux et leurs capacités (accéléromètre, réalité augmentée, géolocalisation,…) au centre du dispositif. La MMA France a, à l’occasion des Cannes Lions, identifié 10 publicités mobiles créatives, preuve de cette nouvelle dynamique.
· Le mobile est un média d’acquisition
Enfin, et c’est peut-être un point clé, le mobile devient un média d’acquisition, notamment pour les acteurs du e-commerce. Longtemps cantonnés à une mécanique de transfert de leur base clients web vers le mobile, ces derniers voient aujourd’hui le mobile comme un moyen d’élargir leur base clients avec une notion d’achat d’impulsion.
29% du trafic d’Amazon provient même désormais de shopper « mobile-only », un phénomène qui accélère fortement l’investissement sur ce même média.
Comment être roi sans être ROIste ?
Ce fût le thème de la dernière table ronde du MMA Forum Paris en décembre 2013. La question du ROI, et notamment de l’analytics et du tracking publicitaire sur le mobile, reste un sujet sur lequel l’industrie doit travailler pour définitivement accélérer l’adoption du média.
La complexité et les limites du tracking actuel, résumées dans une récent article de Christopher Mariel, illustrent les difficultés rencontrées par les acteurs pour avoir un suivi sans couture du shopper dans son parcours mobile, puis digital, puis offline (soyons ambitieux !) : absence de cookies dans le monde applicatif et blocage par défaut sur certains navigateurs mobiles, changement permanent d’identifiant (UDID, Open UDID, IFDA,…) au sein des applications, solutions miracles autour du fingerprinting & du watermarking avec toujours plus d’ingénieurs ayant passé toujours plus d’années à définir un algorithme forcément secret dont personne ne sait exactement comment il fonctionne (mais après tout seul le résultat compte !) … l’industrie a encore du chemin à faire pour rendre le mobile plus « accessible » aux annonceurs.
Ce
n’est pas une problématique spécialement française, mais c’est un paradoxe pour
un media toujours à nos côtés.
Espérons
en tout cas que cela n’infléchira pas la courbe actuelle. Selon les
projections, elle amènerait le mobile à
20% de l’investissement publicitaire digital en France en 2017. Sans être trop optimiste,
je pense pour ma part que l’on peut doubler la mise. Et même imaginer qu’à
cette date le mobile sous toutes ses formes sera devenu roi, régnant sur le monde
(digital).