Pourquoi le jumeau numérique est devenu "tendance" ?

En regardant ce qu'est un jumeau numérique et ce qui détermine son fonctionnement, on comprend qu'il est un multiple de plusieurs grandes avancées du 21ème siècle.

Quand nous regardons les prévisions météorologiques ou que nous recherchons l’itinéraire qui évite les bouchons sur une application GPS, nous devenons utilisateurs de jumeaux numériques. Un jumeau numérique, c’est d’abord des capteurs sur le monde réel, des algorithmes qui traitent les données captées pour simuler comment pourrait évoluer une situation, puis une interprétation des résultats pour informer des utilisateurs. La caractéristique la plus intéressante des jumeaux numériques, c’est qu’ils permettent de prédire le futur, donc de prendre les décisions qui changeront ce futur.

La fiabilité d’une prévision numérique tient d’abord à la qualité des données. Dans beaucoup de domaines, les modèles scientifiques qui sous-tendent les algorithmes sont disponibles et offrent des niveaux de précision pour "copier" le comportement réel amplement suffisants au regard du besoin de prédiction. Dans ces cas, c’est donc exclusivement la qualité des données en entrée qui déterminera la qualité de la prédiction. Dans d’autres domaines plus complexes, les bases scientifiques existent mais les algorithmes sont particulièrement gourmands en calculs et la précision de la prédiction dépendra des temps de calcul. Typiquement les méthodes dites d’intelligence artificielle entrent le plus souvent dans cette catégorie d’algorithmes gourmands à la fois en volume de données en entrée et en temps de calculs. L’évolution exponentielle des capacités de stockage de données et des capacités de calcul est donc un inducteur majeur du développement des jumeaux numériques.

En regardant ce qu’est un jumeau numérique et ce qui détermine son fonctionnement, on comprend qu’il est un multiple de plusieurs grandes avancées du 21ème siècle : l’Internet des objets développe les capteurs qui vont acquérir les données dans le monde réel, le big data développe les infrastructures qui vont stocker et organiser les données, l’intelligence artificielle développe des algorithmes qui vont permettre des prédictions dans des domaines encore inexplorés, la réalité virtuelle et la réalité augmentée développent des modes de restitution qui permettent d’immerger l’humain dans le virtuel.

Prédire le futur, être capable de changer le cours des choses pour le meilleur, l’humanité en rêve depuis toujours. D’un point de vue beaucoup plus trivial, la valeur économique d’une telle capacité est immense dans tous les domaines qu’ils soient industriels, médicaux, financiers, politiques, sociétaux. Industrie 4.0, maintenance prédictive, formations en environnement virtuel, télé-opération en réalité augmentée, les formes et les usages des jumeaux numériques se multiplient partout.

Les jumeaux numériques ont aussi leurs limites et leurs dangers, en particulier quand ils sont mis en œuvre dans des domaines non déterministes qui dépendent de comportements humains. On connaît déjà le caractère auto-réalisateur d’une prédiction partagée de chute des bourses financières. Il a été démontré que des algorithmes entraînés à partir de données inégalitaires reproduisent les stéréotypes et les discriminations de nos sociétés et de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les dangers de l’intelligence artificielle. Même cachée dans la coquille d’un jumeau numérique, une intelligence artificielle peut être dangereuse.

L’utilisation de jumeaux numériques qui copient le comportement du réel tangible et déterministe est une vaste mine de création de valeur qui n’en est qu’à ses balbutiements. Comme dans toutes les nouveautés technologiques, le phénomène de mode va générer des déceptions chez ceux qui, trop pressés, auront mal préparé leur projet et oublié les clefs du succès :  sélection et mise en qualité des données d’entrée, détermination des précisions nécessaires au regard des objectifs, choix des technologies et dimensionnement des infrastructures, qualité de l’interprétation et des interfaces de restitution. Passée la phase d’essais-erreurs, le nombre de jumeaux numériques va croître continûment ; ils seront partout dans l’industrie et dans notre quotidien.