Jeux en ligne : à qui le tour ?

En dépit d’une réglementation stricte, les jeux de hasard payants connaissent un fort succès sur Internet. Un marché qui représente plusieurs milliards d’euros, et qui ne devrait que s’accroître avec le projet de sa libéralisation.

L'article 2 de la loi du 21 mai 1836 dispose qu'à peine de sanctions pénales "Sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d'immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles auraient été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement au hasard [...]"

 

La notion de "jeux de hasard" payant s'appuie sur plusieurs critères : il faut une opération portant sur des biens ou des services, un paiement sous une forme quelconque, peu important son montant, l'espérance d'un gain, une publicité, et, évidemment, une intervention du hasard, aussi faible soit-elle.

 

Cette réglementation s'applique également à l'Internet (Cour d'appel de Paris, 14ème chambre, section A, 04/01/2006, Zeturf et Eturf vs PMU). Récemment, des sociétés exploitant des jeux, comme Unibet, ont été condamnées pour leurs activités (TGI Nanterre, 15ème chambre, 15/03/200 ; TGI de Paris, 3ème chambre, 2ème section, 30/05/2008). Beaucoup de  jeux en ligne restent offerts au public, nombreux sont ceux qui sont illicites.

 

Plusieurs arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes valident les réglementations nationales restreignant les jeux de hasard, à la condition que ces dernières se fondent sur la protection de l'individu ou de la société (CJCE, Placanica, Palazzese et Sorricchio vs Italie, 06/03/2007).

 

Sous l'influence de cette jurisprudence européenne, les magistrats de la Cour de cassation ont admis qu'il n'y avait pas lieu de restreindre la liberté de proposer des jeux de hasard payant, sauf si cette restriction répond à trois critères :

 

-         Etre adaptée à un objectif de limitation des fraudes et des occasions de jeux ;

-         Ne pas servir une politique expansive dans le secteur du jeu afin d'augmenter les recettes de l'Etat ;

-         L'intérêt général justifiant le monopole n'est pas sauvegardé par la loi du pays où le prestataire de jeu est établi (Cour de cassation, Chambre commerciale, Zeturf limited vs GIE Pari mutuel urbain, 10/07/2007).

 

Or, selon les instances européennes, il n'apparaît pas que la réglementation Française réponde à ces critères.

 

Une réglementation évolutive

 

Face à la procédure d'infraction initiée par l'Union européenne, la France est contrainte de faire évoluer sa réglementation : le marché du jeu en ligne devra s'ouvrir à la concurrence au deuxième semestre 2009. Cette déclaration, faite le 6 juin 2008 par Eric Woerth, annonce l'ouverture maîtrisée des jeux en ligne. Un projet de loi devait être présenté cet automne.

 

A priori, cette ouverture se ferait par l'octroi de licences légales, au même titre que celles déjà possédées par les casinos. Le nombre de ces licences, leur durée et leur prix demeurent encore inconnus, mais deux types de jeux seraient concernés : les paris hippiques mutualisés et certains jeux de casino, dont le poker et le black-jack.

 

Au-delà du côté économiquement pertinent de cette opération, il convient de s'interroger sur les autres jeux de hasard que sont les loteries et les jeux dit "de grattage". Ces derniers ne sont, a priori pas concernés par cette ouverture du marché, mais représentent 96 % de l'activité de La Française Des Jeux.

 

De nombreuses questions demeurent ainsi en suspens. Gageons que le projet de loi attendu clarifiera la situation.

Tribune rédigée par Arnaud Dimeglio et Martin-Daniel Gleize