Philippe Vanrie (EBN ) "Les états ne doivent pas couper leurs aides à l'amorçage"

Coordonnant un réseau de centres d'innovation et d'incubateurs européens, Philippe Vanrie estime que la crise ne justifie pas l'arrêt des aides à l'amorçage.

JDN. Vous animez le réseau European BIC Network, qui représente-t-il ?

P. Vanrie. L'European Business & Innovation Centre Network (EBN, ndllr) est né il y a 25 ans suite à une initiative publique-privée sous l'égide de l'Union Européenne et des collectivités territoriales. L'idée était de créer un système pour stimuler, détecter, sélectionner, incuber, accélérer et internationaliser les start-up ou tout objet économique créant de la valeur et de l'innovation. Sa couverture géographique n'est toutefois pas uniquement limitée à l'Europe car l'UE intègre également les pays voisins dans sa stratégie économique et géopolitique. En chiffres, ce sont 200 centres d'innovation qui sont membres de l'EBN et la moitié d'entre eux a été créée à notre initiative. Il peut s'agir d'incubateurs, d'accélérateurs ou encore de centres de recherche. Ces centres d'innovation disposent d'un label baptisé "label BIC" qu'il est possible d'obtenir du moment où une structure dispose d'une équipe de trois personnes et est en mesure d'accompagner et de conseiller des entreprises innovantes.

Outre ces structures d'accompagnement, quelles sont les principales aides européennes à l'innovation pour les sociétés du Web ?

Il existe d'une part les fonds européens comme le FSE et le Feder (fonds social européen et fonds européen de développement régional, ndlr) qui apportent aux états des moyens budgétaires à destination de leurs régions. Ils peuvent également être affectés à des fonds d'amorçage parapublics, comme par exemple à la Caisse des Dépôts en France. D'autre part, le programme cadre de recherche et de développement technologique lance des appels à projets dans des domaines technologiques prioritaires comme l'Internet du futur, l'e-santé, les télécommunications par satellite ou encore l'usine du futur. Il existe également une foultitude de petits programmes d'aides, parfois sans intérêt pour les entreprises mais qui représentent 4,5 milliards d'euros, destinés principalement aux intermédiaires comme les agences de développement.

La crise actuelle acte une diminution des fonds publics et ce notamment dans l'innovation. Qu'elle en est-votre analyse ?

Malgré une ambiance économique morose par exemple en Espagne, ce pays reste un bon élève dans l'utilisation des fonds européens où le rôle des incubateurs dans une société en récession est perçu comme un espoir de reconstruction des tissus économiques. Le modèle français est différent, c'est un pays où l'on a expérimenté presque tous les types de centre d'innovation mais de ce fait, les ressources se retrouvent fragmentées et cela donne l'impression qu'on recombine des expériences existantes pour les faire survivre. Cela veut dire qu'on ne peut pas éternellement vivre grâce aux aides, mais qu'il est cependant impératif que les états ne coupent pas leurs aides à l'amorçage. Les pays à la pointe de l'innovation ne le font pas et ce n'est pas cela qui va mettre une économie en péril.

Vous êtes aux premières loges pour analyser les différents modèles d'accompagnement européens. Quels sont les pays à observer avec attention ?

En Norvège, Finlande, Suède et au Danemark, les centres d'innovation sont plus équilibrés et plus ouverts. En réalité c'est parce que ces pays savent se focaliser sur quelques priorités et non une multitude. Les investisseurs en capital risque y sont installés mais ce sont les états qui ont un impact considérable de par leurs actions dans les écosystèmes régionaux. En Finlande, les fonds d'amorçages ont par exemple des rôles importants dans l'innovation universitaire, car ils donnent aux universités des moyens leur permettant de créer des spin-off.

Ingénieur agronome et diplômé en management de l'innovation, Philippe Vanrie débute sa carrière en 1984 en tant que statisticien à l'Université libre de Bruxelles. Il devient par la suite responsable de projet dans un centre d'innovation de Liège jusqu'en 1988 pour ensuite prendre la responsabilité du marketing et des ventes chez Derkenne-Coulinne puis chez Gonthier. En 1992, il devient directeur de l'assistance technique et des projets européens de l'European BICs Network (EBN), pour en devenir le dirigeant en 1999 jusqu'à ce jour. En 2006, Philippe Vanrie devient membre du board du Micro-Entreprise Acceleration Institute, titre qu'il occupera jusqu'à fin 2010.