Marc Fournier (Serena Capital) "Nous avons demandé à notre portefeuille de préparer différents scénarios de crise"

Associé fondateur de Serena Capital, Marc Fournier conseille aux start-up de se préparer à la crise, sans pour autant perdre leur optimisme.

JDN. Serena Capital a investi une quinzaine de millions d'euros en 2011. Un bon cru ?

Marc Fournier. C'était une bonne année car le portefeuille a bien progressé dans sa globalité. La plupart de nos sociétés sont dans le business plan voir au-dessus. La reprise aux US donne de bons signes puisque les chiffres de l'économie américaine de début d'année sont plutôt encourageants. A l'évidence le métier d'investisseur est affecté par la crise et nous devons rationnaliser nos priorités. Mais on n'investit pas en fonction de la crise. On regarde surtout l'évolution du comportement des consommateurs face à la technologie. Et comme on ne sait pas comment le marché sera dans six ans, on mise sur des sociétés à valeur ajouté qui de facto sont moins perméables à la crise.

Quelles sont vos perspectives pour 2012 ?

Il n'y aura pas de conséquence majeure dans les équipes d'investisseurs dans un futur proche du fait que les montants sous gestion sont récurrents pour les prochaines années. Chez Serena Capital, nous maintenons notre cœur de métier et prévoyons entre trois et quatre investissements en 2012 pour un montant d'une quinzaine de millions d'euros.

Comment accompagner son portefeuille dans un contexte de crise ?

Nous avons demandé à tout notre portefeuille de préparer différents scénarios. Le premier supposant un business plan normal, un autre supposant une réduction de 30% des revenus et un dernier imaginant un assèchement total de la dette bancaire. Au final l'idée était de voir comment les sociétés envisageaient leur survie pendant deux ans. Finalement il n'y a aucun dénominateur commun entre chaque société. Certaines décident d'acheter des stocks sur du court terme à un prix plus élevé, d'autres d'élargir leurs emprunts à différentes banques et certaines envisagent un plan de réduction des coûts impliquant une diminution de leurs effectifs. Le principal étant que les start-up soient préparées à sortir ces scénarios de leurs tiroirs.

Vous recommandez de faire de même aux entrepreneurs qui viennent vous présenter des projets ?

Dans l'e-business, les modèles économiques possibles sont sans fin. Il faut noter qu'une période de crise comme celle-ci est propice à la création d'entreprises. Ces dernières, ainsi que leurs modèles, seront instantanément mis à l'épreuve du marché. Et plus une société trouve son modèle rapidement, moins elle aura besoin de capitaux. Reste que quand ils en cherchent, les entrepreneurs doivent obtenir la confiance de leurs investisseurs et le fait de présenter plusieurs scénarios y contribue. Mais ce qu'il faut garder en tête, c'est qu'en tant qu'investisseur nous cherchons avant tout à identifier des dirigeants proposant un concept novateur qui s'adresse à un marché de taille. Et à l'évidence, nous cherchons des sociétés qui ont déjà engendré du chiffre d'affaires, qui ont fait leurs preuves.

Face à une large typologie d'investisseurs, comment l'entrepreneur doit faire ses choix ? L'essor des business angels signe-t-il l'arrivée d'une nouvelle profession dans le capital risque ?

Cela ne change pas grand-chose pour l'entrepreneur puisque les bons trouveront toujours des capitaux dans la mesure où ils restent concentrés sur leurs priorités. Ils doivent principalement savoir que l'apport de capitaux de la part d'investisseurs externes est un accélérateur de start-up et non un créateur d'entreprise.

Les business angels ont pris une place dans le marché du capital risque. Il est difficile de vivre de ce type d'activité, c'est une manière de diversifier un portefeuille. Quoi qu'il en soit, les cycles d'investissements sont très longs donc il ne faut pas s'attendre à des retours immédiats. C'est une activité qui nécessite un apprentissage permanent. L'écosystème des business angels se formalise peu à peu à travers des réseaux qui correspondent typiquement aux fonds d'entrepreneurs de la Silicon Valley. En France, on parle de Femmes Business Angels, Paris Business Angels, France Angels ou encore de Province Angels et bien d'autres...

Diplômé de l'université de Tufts et de l'ESCP Europe, Marc Fournier fonde sa première société en 1995, qui fournit des services de traductions aux agences de publicité et société de conseils. Il la vend en 1997 pour se consacrer au développement de plusieurs sociétés du web dans la Silicon Valley. En 2000, il cofonde un incubateur baptisé Kangaroo Village qui fut racheté en 2002 par la SGAM. Il cofonde Serena Capital en 2008 avec Philippe Hayat et Xavier Lorphelin. Marc fournier est également professeur affilié à l'ESCP Europe. Il est le co-auteur d'un ouvrage intitulé "Profession Business Angel : devenir un investisseur providentiel averti" et prévoit sous peu la parution d'un ouvrage sur la gestion de crise en entreprise.