Isabelle de Baillenx (Fa Dièse 2) "Le capital-risque français va connaître une profonde transformation"

Pourquoi les regroupements de business angels vont-ils très vite devenir indispensables aux fonds d'investissements ? Explications.

Quand avez-vous créé Fa Dièse et quel est son positionnement ?

"Un fonds d'investissement ne peut pas faire du vrai amorçage"

J'ai créé Fa Dièse à Paris en 2007 après l'avoir expérimenté plus tôt à Bordeaux. L'idée est venue du constat que l'investissement en amorçage nécessite une mutualisation des risques car il est très difficile pour un investisseur en capital risque classique de suivre correctement un nombre important de dossiers. Autrement dit, un fonds d'investissement ne peut pas faire du vrai amorçage. Fa Dièse est donc à la fois une société de capital-risque et un réseau de business angels qui prend la forme d'un comité d'investissement présidé par Bruno Chetaille, également président de Médiamétrie.

Quelle part de vos investissements l'e-business représente-t-il ?

Nous avons aujourd'hui 21 sociétés à notre portefeuille et une capacité totale de financement de 16 millions d'euros. Un tiers de nos start-up sont dans l'Internet, un tiers dans les sciences de la vie et un tiers dans les technologies industrielles. Nous sommes globalement capables d'investir de 200 000 à 1,5 million d'euros par ticket. Dans l'e-business, nous avons investi dans SoCloz, dans Exponaute, dans un site présent en république Tchèque et Slovaquie destiné aux femmes baptisé Kankan, dans Carré de Bœuf, mais aussi Love Coaching, Novapost et The Other Store. Depuis la création de Fa Dièse, nous avons déjà investi 8,3 millions d'euros dont 2,9 en réinvestissements.

Concrètement, qu'est-ce qui vous distingue d'un fonds d'investissement ?

Notre indépendance nous permet de décider comment, quand et auprès de qui investir puisque les décisions sont prises par un comité d'investissement et non par des institutionnels. Et cela bien que 55% de nos actionnaires soient institutionnels comme la Caisse des dépôts, Aviva ou Scor. Nos business angels sont principalement des dirigeants qui ont gagné beaucoup d'argent grâce à des opérations de LBO mais leur apport n'est pas uniquement financier. Ils permettent aux jeunes entrepreneurs d'appréhender le management d'entreprise avec plus de hauteur puisqu'ils suivent les dossiers à leurs côtés. Enfin, les contraintes d'investissements dictées par l'AMF ne nous concernent pas.

Mais alors pourquoi ne pas avoir créé un fonds d'entrepreneurs ?

Il n'est pas possible de mobiliser des individus d'une telle stature sans leur donner du pouvoir. Chez nous, le processus est simple et permet de les impliquer dans toutes les décisions. Dans un premier temps, l'équipe de Fa Dièse propose un dossier à un business angel en fonction de ses affinités sectorielles. Ce dernier l'étudie et peut ensuite le proposer au comité d'investissement, s'il le souhaite. S'il le désire, le comité peut demander à voir l'entrepreneur pour une présentation de son projet. Le choix d'investir intervient ensuite de manière collégiale. Chaque entrepreneur aura alors un parrain mais à la différence des business angels qui investissent indépendamment, il est hors de question qu'un membre du comité d'investissement contacte directement un entrepreneur en dehors du comité stratégique.

Etes-vous concurrents ou complémentaire des venture capitalists traditionnels ?

"Les VC vont devoir réaliser davantage d'investissements en amorçage"

Nous sommes clairement complémentaires. En amorçage, l'entrepreneur doit réaliser des tours de table structurés car il est doit penser au "coup d'après". Les investisseurs doivent donc répondre à cette même logique. Le capital-risque français va connaître une profonde transformation. Les VC ont du mal à trouver des fonds et sont donc de plus en plus contraints de les investir dans des bons dossiers. Ils vont devoir réaliser davantage d'investissements en amorçage pour pouvoir présélectionner leurs projets. Le problème est qu'à ce stade-là, ils n'auront pas les moyens de suivre de près ces start-up. D'où l'intérêt d'un réseau de business angels comme le nôtre, avec qui les VC peuvent co-investir et trouver des personnes qualifiées pour suivre leurs dossiers.

Diplômée d'HEC, Isabelle de Baillenx crée Emergences en 1990, une société spécialisée dans le conseil financier auprès d'entrepreneurs. En 2011, elle fonde un premier Fa Dièse à Bordeaux pour venir créer Fa Dièse 2 à Paris en 2007.