Les géants du Web signent un code d'éthique sur la liberté d'expression

Google, Yahoo et Microsoft adoptent un code commun de bonne conduite pour respecter la liberté d'expression et la vie privée des internautes. Cette charte offre peu de garanties et de moyens d'action.

Longtemps critiqués pour leur coopération avec la censure gouvernementale dans certains pays, notamment la Chine, Google, Yahoo et Microsoft ont annoncé le 28 octobre s'être mis d'accord sur un code global de bonne conduite pour leurs activités en ligne dans les pays où la liberté d'accès à Internet peut être enfreinte. Baptisée "Global Network Initiative", cette charte a pour objectif "l'avancement des droits des utilisateurs à la liberté d'expression et à la vie privée".

Fruit de deux ans de travail impliquant universitaires, ONG et diverses sociétés, dont Human Rights First, Human Rights Watch, le Comité de défense des journalistes, le Centre pour la démocratie et la technologie ou encore le groupe Business for Social Responsibility, la "Global Network Initiative" est lancée pour "résister aux efforts de gouvernements cherchant à enrôler des sociétés dans des actes de censure et de surveillance violant les normes internationales".

Cette initiative a été lancée suite à la critique par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme, ainsi que par les membres du Congrès américain, de pratiques des géants de l'Internet en Chine notamment, qui pour s'implanter sur ce marché ont accepté de coopérer avec les autorités de censures locales. Yahoo par exemple avait reconnu en 2004 avoir fourni aux autorités chinoises des informations sur les dissidents Li Zhi et Shi Tao, conduisant à leur arrestation. Google de son côté est souvent accusé de censurer une partie de ses résultats en Russie et en Chine.

Une coquille vide ?

Que va changer ce code d'éthique ? Pas grand-chose en réalité. Les trois géants de l'Internet s'engagent tout d'abord à vérifier le respect des droits de l'homme dans un pays avant de s'y développer, ainsi qu'à discuter du problème en comité d'entreprise. Un engagement plutôt léger, les trois géants du Web étant déjà implantés dans les pays qui font polémique en matière de droits de l'homme, de censure du Web et de liberté d'expression.

Dans ces cas-là, Google, Yahoo et Microsoft s'engagent à protéger les informations personnelles de leurs utilisateurs en interprétant "sans zèle" les demandes gouvernementales qui compromettent la vie privée. Ce qui ne signifie pas qu'ils renoncent à transmettre aux gouvernements les données exigées. Les trois sociétés restent en effet soumises à la législation des pays dans lesquelles elles opèrent.

Le texte encourage par ailleurs les entreprises à former leurs employés afin qu'ils soient aptes à gérer des situations de crise. L'initiative prévoit enfin qu'un groupe d'experts indépendants soit mis en place pour vérifier la tenue de ces engagements. Mais aucune sanction n'est prévue par le texte en cas de non respect de ces principes.

"Après deux ans d'efforts, ce texte n'a aucune substance, estime Morton Sklar, dirigeant de World Organization for Human Rights USA, cité par de nombreux quotidiens américains. Il faut se poser des questions plus sérieuses sur les obligations légales de ces sociétés."

Les premiers signataires de la charte invitent bien sûr les autres sociétés de l'Internet dans le monde à rejoindre la "Global Network Initiative". Selon le "Wall Street Journal", eBay - dont la filiale de VoiP Skype a été récemment accusée de surveiller les conversations de ses utilisateurs chinois - serait intéressé.