Schizophrénie digitale : menace ou opportunité pour les marques ?

Avouons-le, la relation client apparaît parfois comme une discipline ingrate et où on peut avoir le sentiment de courir constamment derrière le consommateur et les ruptures.

Alors que les entreprises ont déjà lancé depuis des années  différents chantiers visant à leur permettre enfin à sortir d’une problématique aussi chronique que douloureuse qu’est celui de l’entreprise en silos , voici que se profile déjà à l’horizon un nouveau défi , « enfant maudit » du digital, du Big Data et des réseaux sociaux et qui est celui de la gestion de la multiplicité des identités numériques liées au consommateur.

Silos et identité déclarative : l’équation aux multiples inconnues pour le marketing en silos
Comment définir ce sujet dont il semble qu’il ait été essentiellement traité sous l’angle juridique jusqu’à présent ? Or la définition que nous donne Wikipédia de ce sujet met en évidence plusieurs dimensions intéressantes dans ce qui vient caractériser le nouveau « moi digital » du 21ème siècle. La première réside dans le fait que Wikipédia définit 3 grandes identités digitales : L’identité déclarative, l’identité calculée et enfin l’identité agissante.La seconde étant que la notion d’identité digitale s’accompagne de pas moins de 12 autres attributs et critères afin de la définir : Les coordonnées, les certificats, l’expression, les avis, les hobbies, la connaissance, les avatars, l’audience, la consommation, la réputation, la profession et enfin la publication …

Cette nouvelle complexité dans la compréhension du consommateur induit de nouvelles problématiques pour les marques dans la mesure où elles ne savent plus vraiment à qui elles parlent réellement : S’agit-il encore d’un consommateur ? Ou bien s’agit-il d’une nouvelle entité caractérisée par la combinatoire de plusieurs « moi digitaux » ? Comment envisager la cohérence de communication ou tout simplement repenser sa posture de marque face à un tel phénomène qui s’annonce comme bel et bien durable ?

Ce phénomène vient non seulement amplifier les effets déjà bien connus liés à l’entreprise en silos tels que ceux liés au manque de cohérence des offres et des communications adressées au consommateur, mais il vient également créer de nouvelles problématiques sur la stratégie et la gouvernance même des investissements publicitaires : Déperdition des impressions, campagnes sur des audiences hors cibles, modalités de calcul de l’attribution et de la rémunération…

Dans les faits, gérer et réconcilier 8 identités digitales différentes relève encore du possible sauf qu‘il nous faut à cela ajouter deux autres facteurs : la notion de temps et l’impact des réseaux sociaux en matière de génération de données et d’ID supplémentaires. Ainsi, si vous devez essayer de retrouver qui est votre consommateur après que celui-ci ait été exposé à 60 jours consécutifs de campagnes digitales sur l’ensemble de ces devices et qu’il ait été amené à interagir sur les réseaux sociaux, ce ne sont plus 8 identités digitales qu’il vous faudra gérer mais au moins une quinzaine !

Mais finalement pourquoi cette notion de « device » est-t-elle aussi importante dans notre propos ? Tout simplement parce que le nombre de « devices » mobile en circulation aujourd’hui dans l’ensemble des grands pays industrialisés vient cristalliser la dimension quantitative de cet enjeu. Au-delà du nombre de « devices » en circulation il faut également prendre en considération la progression inexorable et continue du nombre d’heures passées sur le mobile et où le consommateur est exposé et consomme pléthore de messages publicitaires ou de contenu de marque.

Face à ce phénomène, il n’est donc pas étonnant que les marques grand public prennent de plus en plus conscience de la nécessité à pouvoir assurer et gérer une reconnaissance et identification continue du consommateur indépendamment du « device » ou du contexte d’interaction Une étude réalisée par eMarketer appelée “Average Time Spent with Media » met en évidence qu’entre 2012 et 2016, la consommation média quotidienne sur mobile aura augmenté de plus de 100% pour passer de 1H46 à 3H34.

Et de façon logique, c’est donc le mobile qui a vocation à capter de façon majoritaire la part d’investissements publicitaires générés sur le marché (sachant qu’en 2016 la part d’investissements publicitaires sur mobile sera deux fois plus importante que sur les desktops).Dans ce nouvel eldorado, ce sont bien les « GAFA » qui se partagent la plus grosse part du gâteau, puisque ces acteurs concentrent à eux seuls environ 70% du marché du « digital advertising ». Que peuvent avoir ces acteurs en commun afin de générer une telle performance ? Tout simplement le fait d’avoir ancré au cœur de leur modèle d’offres et d’usage, le principe d’identification de leurs utilisateurs.

Dans ce nouvel eldorado, ce sont bien les « GAFA » qui se partagent la plus grosse part du gâteau, puisque ces acteurs concentrent à eux seuls environ 70% du marché du « digital advertising ». Que peuvent avoir ces acteurs en commun afin de générer une telle performance ? Tout simplement le fait d’avoir ancré au cœur de leur modèle d’offres et d’usage, le principe d’identification de leurs utilisateurs, cette identification permettant d’absorber et gérer la notion de Data privacy »

Quels outils et nouvelles approches pour les marques ?
Chacun l’aura bien compris, le paysage actuel lié à la multiplicité des identités digitales impose donc aux marques de digitaliser et connecter leurs stratégie et leurs plans marketing à de « réels consommateurs » Or, comment procéder afin de réussir à identifier, reconnaître et réaffecter un consommateur en fonction de son « empreinte digitale » ? Quelles techniques et méthodologies entre l’approche déterministe ou probabilisée ? Quels apports de la part de la géo localisation dans le cadre de ce processus et comment en évaluer sa fiabilité ?

Si le « login » demeure l’outil le plus fiable pour identifier un client / individu, les marques doivent aujourd’hui pouvoir exploiter d’autres techniques d’identification afin de pouvoir maximiser leur couverture d’identification et de compréhension des nombreuses données digitales générées par le consommateur.

Parmi ces données, les données de géolocalisation constituent des données clés pour les marques et dont le potentiel d’exploitation marketing est au cœur des nouveaux modèles gagnants tels que celui d’un Uber par exemple.

Le niveau de récurrence  de certains « check in » peut permettre par exemple de déterminer ou de probabiliser une adresse d’habitation, toutefois le caractère anonyme des données de géolocalisation dans certains cas ne peuvent permettre de se révéler fiables dans des zones urbaines trop denses puisque dans certains cas un même ensemble de coordonnées peut s’appliquer à 75 adresses postales différentes dans le cadre de certains quartiers en zone hyper urbaine.

Après avoir vu les possibilités mais également les limites liées aux données de géolocalisation, nous pouvons aborder les possibilités offertes par la gestion du graphe lié aux « devices » et qui permet de gérer des données liées au « multi-devices » pour un seul et même individu en exploitant les données liées au wifi et aux adresses IP : tous les “devices” connectés au même réseau WiFi partageant une seule adresse IP.

Filtrage régulier des mauvais signaux wifi (ex. : aéroports, bar/brasserie, etc.)  pour identifier quels “devices” appartiennent à un même utilisateur. Face à un tel champ de prolifération de données, les marques auront intérêt à s’appuyer sur une technologie exploitant différentes sources de données et méthodologies (déterministe et probabiliste) afin de construire les liens entre les identités digitales et l’ensemble des données qui s’y associent de la façon la plus fiable possible.

Par ailleurs, et au-delà d’un simple enjeu technologique, la finalité pour les marques est bel et bien de venir enrichir la connaissance de leurs consommateurs, puisque très souvent à chacun des différents « devices » concernés, se rapportent des données de comportement et des données d’achats très spécifiques leur conférant une valeur essentielle pour l’animation client .

Un seul et même consommateur peut par exemple utiliser majoritairement son Smartphone pour gérer ses activités sur son réseau social préféré et n’utiliser sa tablette que pour effectuer des achats en ligne… Ou encore imaginez un consommateur non identifié, initiant un achat sur un site mobile.

E-Commerce depuis son Smartphone mais sans valider son panier, et qui grâce à une technologie de type « ID Graph » pourrait se voir relancer chez lui, à son domicile au moment où il prendrait sa tablette en mains afin de finaliser son panier d’achat, via les processus ou algorithmes de réconciliation de données gérés par cette technologie.

Cette capacité qui vient ouvrir de nouvelles perspectives sur la notion même de relation entre marque et consommateurs puisque nous parlons ici d’une relation exercée de façon « permanente » et qui quelque part s’affranchit des obstacles techniques liés à la « silotisation » des données, vient également poser de nouvelles questions d’ordre éthique et réglementaire : Jusqu’où pouvons nous aller dans la collecte et l’exploitation de toutes les données digitales générées par le consommateur afin d’entretenir le lien et la connaissance à « tout prix » ?

Quelles sont les forces (réglementaires ou non) qui peuvent permettre de garantir un équilibre d’ensemble entre la « Data privacy » légitimement attendue par le consommateur et les intérêts commerciaux des marques ?

Et à contrario, est-ce que l’usage d’une telle technologie pourrait par exemple permettre de participer à une vision plus vertueuse de la relation entre marque et consommateurs au travers d’une meilleure compréhension des attentes et des caractéristiques du consommateur, rendue possible par une nouvelle façon de maîtriser la donnée consommateur ?

Avant d’assimiler ce débat à une « boîte de Pandore » potentielle, synonyme de toutes les dérives possibles, mieux vaut prendre en considération les effets vertueux à court terme générés par l’adoption d’une telle technologie : gommer l’effet silos, développer la connaissance clients, diminuer la déperdition des investissements publicitaires tout en augmentant sa couverture sur les audiences cibles, mieux piloter la pression commerciale et la cohérence de communication et réussir à moins subir la diversité des nombreux standards imposés par les « GAFA ».