Pourquoi la polémique enfle autour du filtrage pub de Free ? L'économie des sites Web mise en péril ?

En perturbant le modèle des sites Web gratuits pour qui les revenus publicitaires sont indispensables, cette décision sans précédent pour un fournisseur d'accès nourrit vite les fantasmes les plus fous. De quoi augurer une apocalypse publicitaire ? "Difficile à dire", rétorque Yann Gabay, directeur général de Netbooster France, qui suit attentivement l'évolution des impressions publicitaires réalisées par Google et les visites effectuées par les freenautes. "Il est encore trop tôt pour estimer l'impact de cette décision. D'autant que très peu des détenteurs de la Freebox Revolution ont dû procéder à une mise à jour, même si la lumière médiatique apportée sur cette histoire risque de booster le nombre ce week-end."

Un script créé pour fermer l'accès ceux qui utilisent un adblocker

Pour autant, les webmasters n'ont pas attendu de voir leurs revenus publicitaires dégringoler pour multiplier les prises de parole, entre les réactions mesurées estimant qu'il est nécessaire d'éduquer les internautes pour leur faire comprendre qu'on ne peut accéder à du contenu gratuitement, sans publicité, et les déclarations de guerre qui brandissent la menace d'une coupure de l'accès à leurs sites aux abonnés de Free. Un script "sobrement" intitulé Freebox AdBlock Sucks, permettant de bloquer tout utilisateur ayant recours à un adblocker, a ainsi été massivement relayé.

Si l'on peut regretter que les internautes soient une fois de plus pris en otages, Yann Gabay estime que l'action cavalière de Free peut s'avérer être un mal pour un bien. "Les sites ont longtemps négligé la prolifération des adblockers, les considérant comme des épiphénomènes, et ne faisant pas toujours les efforts nécessaires pour concilier expérience utilisateur et environnement publicitaire", explique-t-il. Et de brandir l'obligation pour les éditeurs d'évangéliser leur audience sur l'importance des revenus publicitaires dans leurs revenus publicitaires. "Je conseillerais aux éditeurs de changer les scripts d'affichage des bannières de leurs sites adressées aux freenautes pour leur expliquer qu'il ne peut y avoir de contenus de qualité, sans publicité."

Cet épisode serait l'opportunité pour un milieu pris en étau entre ses impératifs de survie économique et la lassitude des internautes à l'égard de toute publicité, de rebondir. Quitte à sévir, un certain délai passé, "en ne proposant plus que des versions limitées aux personnes utilisant un adblocker." C'est exactement le raisonnement adopté par Thierry Debarnot, éditeur du site Média Etudiant, très actif hier pour dénoncer l'action de Free, qui adresse d'ores et déjà un message aux freenautes.

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Le message adressé aux internautes utilisant un adblocker. © Capture d'écran Mediaetudiant.fr

Les grosses régies étonnamment silencieuses

Chose étonnante, la contre-attaque est surtout portée par des "petits" acteurs. Du côté des plus grosses régies Internet, on reste réservés. Pas de commentaires de la part de Lagardère Publicité et Amaury Medias, qui se refusent à toute prise de parole, ce dernier préférant s'abriter derrière la position du Syndicat des Régies Internet. Lequel est tout aussi sobre : "Nous sommes bien évidemment contre toute activation par défaut de blocage de la publicité, se contente d'avancer Marie Delamarche, sa directrice déléguée. C'est une option qui est préjudiciable à nos adhérents, parmi lesquels nombreux sont ceux dont l'activité repose sur ce revenu, et qui ne laisse pas le choix aux utilisateurs."

Sans pour autant souhaiter entrer dans un débat qui opposerait Google à Free, l'organisme préfère rester en retrait. "Nous attendons de voir comment se déroulera la réunion entre Fleur Pellerin, Xavier Niel et les éditeurs en ligne pour aviser du comportement à adopter." La preuve que chacun y voit un coup médiatique plutôt qu'une prise de position durable ?