Fin du confinement : comment faire revenir les clients en magasin

Fin du confinement : comment faire revenir les clients en magasin Les commerçants ne doivent pas tous s'attendre à des vagues de clients dès le 11 mai. Il va leur falloir faire passer certains messages clés pour redonner au point de vente physique toute son attractivité.

Branle-bas de combat chez les retailers. La grande majorité des commerces (hors bars, restaurants et centres commerciaux de plus de 40 000 m2) peuvent rouvrir à partir du 11 mai. Forcément une bonne nouvelle pour tous ces commerces à l'arrêt depuis quasiment deux mois. Et pour autant, une nouvelle étape à appréhender avec soins. Car si pour certains, on pense notamment aux salons de coiffure, il risque d'y avoir embouteillage, pour la majorité, communiquer en mode "revenez nous sommes ouverts" ne suffira pas. C'est du moins l'avis de Sébastien Etorre, COO de Labelium, un réseau d'agences digitales. "Les gens ont appris à vivre autrement durant cette période. Certains ont simplement arrêté de consommer, d'autres ont pris goût au e-commerce." Notre expert assimile la période du confinement à un traumatisme dont la plupart des Français ne ressortiront pas indemnes : "C'est comme après un accident de voiture, il faut du temps pour que l'on remonte dans un véhicule." Charge aux marques de réfléchir aux raisons qui inciteraient leurs clients à revenir.

Une certitude, il est plus que jamais important de rester visible. "Les dernières crises nous ont montré que les marques qui ne communiquaient plus perdaient des parts de marché", rappelle le fondateur de la solution drive-to-store S4M, Christophe Collet. Comme certains dépenseront moins par soucis d'économies, il va falloir communiquer plus intelligemment pour, selon les mots de Christophe Coller, "rester dans le top of mind des clients". Pour y arriver, rien de mieux que d'être à l'écoute, conseille Sébastien Etorre. "Il faut cerner leurs attentes et y répondre clairement." Et la plus évidente d'entre elles concerne les conditions sanitaires au sein du point de vente.

Rassurer sur les conditions sanitaires

"Il faut que le magasin apparaisse à tous comme virus proof, estime Jean-Christophe Hermann, EVP retail chez Valtech. C'est un message qu'il faudra marteler, quel que soit le canal de communication." Depuis la vitrine du commerce de proximité jusqu'à la campagne d'emailing d'un grand réseau de distribution, tout doit être fait pour rassurer sur le sujet. Sébastien Etorre recommande lui de passer par les réseaux sociaux pour faire passer le message. "Les live en direct des boutiques, sur Facebook ou Instagram, peuvent aider votre audience à se projeter, à voir que la vie continue tout en s'étant adaptée aux conditions exceptionnelles." Aux marques de faire preuve de psychologie pour trouver le ton juste. "Il faut être convaincant sans être trop anxiogène. Les gens ont besoin de légèreté", prévient Sébastien Etorre.

Parler des valeurs… mais penser au prix

Si les campagnes de communication vont mettre l'accent sur les conditions sanitaires, Christophe Collet estime qu'elles seront également moins centrées sur le produit. "Les premiers briefs que l'on reçoit montrent que les annonceurs veulent mettre en avant de nouvelles valeurs de marque", observe le fondateur de S4M. En ces temps troubles, il est important de rappeler que l'on fait attention à ses employés, partenaires et clients. "Je ne suis pas certain que la campagne d'un annonceur qui explique casser tous ses prix dès le 11 mai soit forcément bien accueillie", justifie Christophe Collet. Pour lui, le registre sera davantage inspirationnel que promotionnel.

"Avec une chute annoncée de 15 à 20% du PIB, le retail non-alimentaire ne sera pas dans les priorités d'achat, même après le confinement"

Jean-Christophe Hermann n'est, sur ce point, pas tout à fait d'accord. La mécanique inspirationnelle ne fonctionnera que si elle est soutenue par le pouvoir d'achat, prévient-il. "Il ne faut pas se leurrer. Avec une chute annoncée de 15 à 20% du PIB, le retail non-alimentaire ne sera pas dans les priorités d'achat, même après le confinement." Le facteur prix restera, dans ces conditions, déterminant. "Les acteurs du textile ont intérêt à se concentrer sur les basiques à petit prix", suggère Jean-Christophe Hermann. Christophe Collet s'attend, lui, à "une vague de déstockage et de promotions sur la période de juin-juillet".

Mettre l'accent sur le local

Pour les grandes enseignes nationales, le principal casse-tête sera de gérer la communication des magasins, au cas par cas. Car c'est une certitude, 11 mai ou non, tous les membres d'un réseau de franchise ne rouvriront pas au même rythme. "Certains ont dû fermer du jour au lendemain. Il va leur falloir quelques jours pour réaménager leur espace de vente", rappelle Sébastien Etorre. La situation est encore plus floue pour les réseaux dont certains magasins sont situés en zone rouge, où les grands centres commerciaux resteront fermés jusqu'au 2 juin au moins. "C'est un vrai problème pour les réseaux qui ont l'habitude de communiquer de manière nationale", estime Christophe Collet. Communiquer dans toute la France sur la réouverture du réseau alors que certains magasins restent fermés, c'est non seulement décevoir des clients, mais aussi dépenser de l'argent dans le vide. "Ces grands réseaux vont devoir segmenter leurs campagnes médias par géographies, de façon à ne communiquer qu'auprès de gens qui peuvent vraiment venir dans leur magasin", ajoute Christophe Collet.

"On sent que les Français sont plus attentifs aux conditions de production d'un produit. Aux commerçants de mettre l'accent dessus"

Difficile de savoir s'il s'agit d'un changement durable mais la crise du coronavirus a par ailleurs mis en exergue les vertus du consommer local. "On sent que les Français sont plus attentifs aux conditions de production d'un produit. Aux commerçants de mettre l'accent dessus", analyse Christophe Collet. Les grandes enseignes, souvent décriées sur le sujet, devront être capables de reconnecter le consommateur au producteur local. Les plus petits commerçants devront, eux, ne pas hésiter à jouer la carte de la solidarité. "Qu'ils communiquent sur leur porte d'entrée ou sur Google My Business, ils ne doivent pas hésiter à rappeler à la population qu'il en va de leur pérennité, estime Jean-Christophe Hermann. Ça sera payant car on voit que les Français veulent vraiment aider les artisans dans cette épreuve. Il y a un mouvement de solidarité."

Mettre en avant de nouveaux services

"Beaucoup de retailers ont profité de cette crise pour repenser le parcours consommateur. La notion de phygital, qui voit le online et l'offline s'entremêler au cours de l'expérience utilisateur, prend tout son sens", observe Sébastien Etorre. Pour rassurer les plus récalcitrants, les points de ventes physiques vont devoir faire appel au digital. "Tous les nouveaux services de type click and collect et livraison à domicile devraient avoir des poussées de fièvre, même chez les petits commerçants", prédit Jean-Christophe Hermann. Ces derniers devront exister sur le Web pour gagner en visibilité dans leur quartier, les déplacements physiques ne reprenant sans doute que tout doucement. Sébastien Etorre conseille, à ce titre, aux marques de procéder à une revue de leurs actifs digitaux pour y introduire des promesses comme la livraison à domicile. "C'est particulièrement important pour le SEA et le SEO." Les fiches Google My Business, de plus en plus consultées par les internautes, doivent mettre en avant ces nouvelles promesses.

Les points de vente vont, eux, devoir repenser leur raison d'être. "Je pense, qu'à court terme, ils devront offrir de nouveaux services, plus personnalisés, comme le conseil via une prise de rendez-vous ou la livraison à domicile, pour séduire", analyse Sébastien Etorre. Libre à chacun de se positionner quelque part entre le mini-entrepôt logistique, capable de livrer en circuit court ou long, et le magasin de showrooming, où l'expérience consommateur prime.