Avec Fledge, Google espère faire prendre son envol à Privacy Sandbox

Avec Fledge, Google espère faire prendre son envol à Privacy Sandbox Le géant américain confirme l'introduction d'un serveur tiers de confiance, chargé de stocker les informations nécessaires au bon déroulement des enchères. Il compare également les performances de sa méthode Floc par rapport au ciblage cookie tiers.

Fledge, ou s'envoler en bon français. C'est le nom de la nouvelle proposition de Chrome pour aider les annonceurs à faire du reciblage publicitaire sans cookies tiers sur le Web. L'enjeu est de taille : abandonner la logique de ciblage one-to-one, selon les préférences individuelles des internautes, pour un ciblage réalisé à partir de groupes d'individus ayant des centres d'intérêt communs, plus respectueux de la vie privée. Le navigateur, qui s'était fendu d'une première proposition baptisée Turtledove et mollement accueillie par l'adtech début janvier 2020, a revu sa copie. Fledge introduira, contrairement à son prédécesseur, le concept de serveur tiers de confiance chargé, lors du processus de mise aux enchères publicitaires, de stocker toutes les informations sur les enchères et les budgets d'une campagne. Un concept que Chrome n'a pas été cherché bien loin. L'équipe publicitaire de Google, Google Ads, a effectué une proposition de ce genre en octobre dernier. Proposition qui a donc été retenue.

"Chrome a l'intention de rendre Fledge disponible pour des tests plus tard cette année"

C'est une vraie victoire pour l'adtech, qui estimait irréaliste de vouloir déployer des logiques aussi sophistiquées que celles des algorithmes de bidding dans le navigateur, comme l'ambitionnait initialement Chrome. "Chrome a l'intention de rendre Fledge disponible pour des tests plus tard cette année avec la possibilité pour les sociétés d'adtech d'utiliser l'API sous un modèle où elles peuvent apporter leur propre serveur", précise Chetna Bindra, group product manager, user trust et privacy chez Google. Les SSP, qui n'ont aucune implication côté buy-side via une plateforme DSP, semblent les mieux positionnés pour jouer ce rôle, comme le rappelait Thibault Montanier, data et integration specialist chez Sirdata.

Du nouveau également du côté de Floc, cette méthode de cible par segments d'audience que le Chrome veut établir en fonction des habitudes de navigation des utilisateurs pour permettre aux annonceurs de faire de l'awareness ou de l'acquisition. Les premiers résultats, dévoilés en octobre dernier, avaient laissé le marché dubitatif. Google se félicitait en effet d'apporter 70% de précision supplémentaire dans les prédictions de conversion par rapport aux segments… non ciblés. Un moindre mal pour la plupart des observateurs du marché, qui déploraient que l'Américain ne se soit pas hasardé à effectuer des comparaisons avec les méthodes cookies based qui permettent à l'industrie de fonctionner aujourd'hui.

"Les annonceurs peuvent générer au moins 95% des conversions qu'ils auraient obtenues par dollar dépensé via un ciblage cookie based"

C'est désormais chose faite et les résultats sont, à en croire Google, concluants. "En moyenne, les annonceurs peuvent s'attendre à générer au moins 95% des conversions qu'ils auraient obtenues par dollar dépensé via un ciblage basé sur les cookies", révèle Chetna Bindra. La dirigeante précise toutefois que "ce résultat spécifique dépend de la puissance de l'algorithme utilisée par FLoC pour former des groupes ainsi que du type d'audience touchée." Chacun pourra néanmoins se faire son avis. Chrome annonce qu'il rendra cette méthode de ciblage par cohortes disponible pour des tests publics, à l'occasion de la prochaine mise à jour en mars. Les annonceurs qui passent par Google Ads pourront, eux, tester la méthode directement au sein de l'outil à partir du 2e trimestre 2021.

Mesure de la conversion et fingerprinting

Chrome fait également de nouvelles propositions concernant un autre cas d'usage, essentiel au bon fonctionnement du marché de la publicité digitale : la mesure de la performance des campagnes. Les API proposées signaleront les conversions d'une manière qui protège la confidentialité des utilisateurs, en limitant les données de conversion qu'elles peuvent envoyer en même temps, détaille le navigateur. "Les annonceurs devront donc hiérarchiser les conversions les plus importantes pour leurs besoins en matière de rapports", précise Chetna Bindra. Une itération au niveau de l'événement de l'API est proposée en test pour mesurer les conversions post-clic. Chetna Bindra ajoute que les équipes publicitaires de Google continueront, au cours des prochains mois, à évaluer "la manière dont les API de mesure de conversion proposées peuvent être utilisées avec les produits de mesure de Google pour prendre en charge des cas d'utilisation tels que le reporting des conversions après affichage, la détermination de l'incrémentalité et du reach, ainsi que la réalisation d'attributions." Enfin, Privacy Sandbox s'attaque sans surprise au fingerprinting, cette tactique consistant à utiliser toute une série de signaux, notamment l'adresse IP, pour récréer des profils d'internautes. Chrome a publié une nouvelle proposition, Gnatcatcher, permettant de masquer l'adresse IP d'une personne sans perturber le fonctionnement habituel du site Web.

Toutes ces propositions suffiront-elles à faire de Privacy Sandbox LA solution permettant au marché publicitaire de survivre à la disparition des cookies tiers ? Rien n'est moins sûr. La solution, qui peinait jusque là à faire de réelles avancées, est depuis quelques jours dans le viseur des autorités de la concurrence. En Europe, c'est la DG Concurrence,  qui a soumis adtech et agences, à un questionnaire comportant quelques passages sur Privacy Sandbox et ses conséquences pour le reste du marché. Au Royaume-Uni, c'est son pendant, la CMA, qui a initié une enquête pour voir si la disparition des cookies tiers au sein de Chrome et l'arrivée de Privacy Sandbox ne sont pas un prétexte pour permettre à Google de renforcer son emprise sur le marché.