Topics : que retenir de la nouvelle alternative aux cookies proposée par Google ?

Topics : que retenir de la nouvelle alternative aux cookies proposée par Google ? Après FLoC, qui manquait de transparence et impliquait des risques pour la vie privée, la nouvelle solution de Google suscite beaucoup de questions quant à ses limites en matière de reach et de granularité.

En annonçant une nouvelle version de sa Privacy Sandbox, avec notamment le lancement de Topics, Google continue de donner des signaux au marché que la transition vers un monde sans cookies n'est pas simple. Topics est une composante importante de la Privacy Sandbox, solution de ciblage, reciblage et mesure publicitaires censée venir à terme remplacer les cookies tiers. C'est l'API qui devra gérer la segmentation des internautes par centres d'intérêt, déduis de leur historique de navigation. Mais si Topics est salué, c'est surtout parce qu'il vient remplacer et mettre un terme à FLoC (federated learning of cohorts), un système critiqué pour son opacité et ses risques pour la vie privée, qui était loin de collecter l'adhésion de l'industrie et des autorités de la concurrence.

"Sur FLoC, Google nous indiquait le numéro de cohorte qui performait le mieux dans une campagne sans que l'on en sache plus", explique Damien Mora, directeur des opérations du trading desk Gamned!. Les cohortes de FLoC étaient des groupes d'individus classés par l'intelligence artificielle de Google pour leurs similitudes de comportement et de recherches sur le web et sans que personne, ni l'utilisateur, ni les acteurs de l'industrie, n'en comprenne les critères. "La curation était totalement algorithmique alors qu'avec Topics il y a une intervention humaine, ce qui permet a priori d'éviter toutes sortes de dérives de création de segments à connotation politique ou d'orientation sexuelle par exemple", ajoute Damien Mora. Ce professionnel salue l'arrivée de Topics qui vient apporter cette transparence et permettre à l'opérateur de la campagne publicitaire d'évaluer la pertinence des segments proposés.

Topics semble en effet cocher les cases de la transparence et du respect de la protection de la vie privée. Pour chaque utilisateur, le navigateur définira des thèmes (topics) principaux associés à la somme de toutes les pages visitées dans la semaine. Pour ce faire, Google dispose de sa propre taxonomie pour associer un même nom de domaine à plusieurs thématiques liés. Ainsi un site avec "tennis" comme nom de domaine relèverait de tennis mais également de sport et pourquoi pas life style. Les internautes auront accès à cette liste. Au terme de trois semaines, 15 topics seront listés, mais seuls 3 (un par semaine), sélectionnés au hasard, seront activables par les partenaires publicitaires.

Les performances publicitaires vont-elles baisser ?

Même s'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, Topics soulève déjà des questions quant à son efficacité, aussi bien en termes de reach que de pertinence du ciblage pour les annonceurs.

La première raison est que les thèmes seront différents pour chaque site consulté. Le fait que chaque site se voie attribuer des thématiques qui lui sont spécifiques pourra à terme limiter l'exposition des campagnes personnalisées dans la mesure où on ne pourra plus retrouver le même internaute sur différents sites avec la même aisance qu'aujourd'hui. "Comme les thèmes changeront d'un site à un autre, on ne pourra pas s'en servir pour établir un trait de caractère commun entre différentes marques médias par exemple", explique Julien Delhommeau, pilote de la task force navigateurs de l'IAB France et architecte système de la plateforme publicitaire Xandr. Or, dans le système actuel, basé sur une logique de ciblage à l'individu, les annonceurs se sont habitués à la facilité de toucher une même personne à travers le web. Pour la même raison, comme le calcule ce spécialiste, "en théorie, seulement 1 site sur 5 touchera le centre d'intérêt que l'annonceur voudra cibler sur une même semaine".

Mais il y a un autre aspect : pour les équipes des éditeurs de sites, les trois thèmes resteront figés dans l'API pendant encore trois semaines. Cela signifie que ces segments ne prendront pas en compte, pour le même site, des internautes qui auront entre-temps changé de centre d'intérêt. "À l'opposé, la durée de vie de ces segments n'étant pas très longue, cela pourrait poser problème aux campagnes d'acquisition dans les secteurs dont la prise de décision d'achat s'étale sur plusieurs mois", précise Damien Mora.  Il reste que de nombreux inconnus entourent encore le nouveau système comme notamment les modalités de consentement pour les internautes.

Une analyse limitée des centres d'intérêt

Topics aura également pour conséquence de limiter l'analyse que l'industrie fait des centres d'intérêt des utilisateurs et impacter la qualité des segments. Dans le système actuel, chaque éditeur ou technologie publicitaire a accès aux parcours de navigation peut établir ses segments. Demain, ce sera le navigateur de Google qui le fera. Pour le moment l'API, se base sur 350 thèmes, "ce qui n'est pas beaucoup comparé aux 1 500 topics listés par l'IAB", précise Julien Delhommeau. "Tout dépendra aussi de la granularité proposée par ces topics et de comment ce système nous permettra d'atteindre de bonnes performances pour des campagnes d'acquisition", ajoute Damien Mora.

Même interrogation du côté de chez 1plusX, éditeur de plateformes de gestion de données (DMP) : "Quel est le degré de granularité ? La taxonomie est-elle suffisamment dynamique ?", lance Jürgen Galler, CEO et cofondateur. "Les topics généraux diminueront radicalement la valeur pour les annonceurs qui ont l'habitude de travailler avec des groupes cibles beaucoup plus granulaires et sophistiqués", analyse-t-il.

À ces questions s'ajoute le fait qu'en se basant uniquement sur les noms de domaine (et non sur les url) pour établir la corrélation avec les centres d'intérêt, Google ne se servira pas de l'apport de gros sites multi-secteurs comme Amazon ou Youtube. "Les petits sites verticalisés vont participer beaucoup plus fortement à l'élaboration des segments", commente Julien Delhommeau.

L'API Topics ne fait pas tout

Si les changements annoncés par Google sont importants, ils ne doivent pas faire oublier qu'ils ne résument pas toutes les fonctionnalités qui viendront remplacer les cookies publicitaires au sein de la Privacy Sandbox. "Topics ne sert que ce tout petit cas d'usage qui est le ciblage par centre d'intérêt. Ce qui compte, c'est l'ensemble de fonctionnalités, dont Fledge (pour le retargeting), à mon sens encore plus importante, et toutes les applications de mesure", conclut Julien Delhommeau. Par ailleurs la mise en place de Fledge par les technologies publicitaires sera beaucoup plus compliquée et lourde à mettre en œuvre que Topics, puisqu'elle intervient au cœur des mécanismes d'enchères gérés par ces plateformes.