Les dix principales tendances du marché publicitaire en 2023

Les dix principales tendances du marché publicitaire en 2023 Si l'année démarre avec des annonceurs quasiment à l'arrêt, l'industrie publicitaire continue de préparer sa transition vers le cookieless et la performance énergétique.

La baisse des investissements publicitaires, le contexte macroéconomique tendu, la transition écologique, la fin des cookies tiers attendue pour 2024 et l'entrée en vigueur du Règlement européen sur les marchés numériques (DMA) vont sans doute renforcer en 2023 certaines tendances déjà en gestation ces dernières années et en créer de nouvelles. Dix principales tendances se dégagent pour cette année. Les voici passées au crible de six experts, dirigeants et responsables d'agences médias (KR Wavemaker/GroupM et Agence79/Havas), d'un trading desk (ZBO Media), d'un SSP (Triplelift), d'un DSP (The Trade Desk) et d'une régie (Prisma Media).

#1 Performance et retail média : les priorités des annonceurs

Levier en forte croissance depuis plus de quatre ans, le retail média (on site et en extension d'audience sur le web, le social, le replay et cette année en TV segmentée) va continuer de croître en 2023 à un rythmes soutenu. Tant que la crise économique se poursuivra, et du moins pendant tout le premier semestre, les annonceurs donneront priorité aux canaux offrant la plus grande visibilité sur le ROI de leurs campagnes comme c'est le cas de ce levier. Alliance digitale et l'Union des marques ont posé les jalons en 2022 pour qu'une certification de la mesure de l'efficacité de l'e-retail media par le CESP puisse voir le jour en 2023. Par ailleurs, le marché du programmatique s'attend à ce que plus d'inventaires retailers soient mis à disposition directement sur les ad exchanges en 2023.

#2 Le multiscreen en hausse 

La diversification de l'offre et de la consommation sur grand écran se poursuivra et se développera en 2023. Et avec elle l'appétit des agences et des annonceurs (dans la limite de ce que la crise permettra de faire). Au menu, les chaînes gratuites en TV connectée (FAST), le replay et la VOL, le linéaire segmenté et les grands acteurs de la SVOD (Netflix, Disney+, Paramount…) qui s'ouvrent à la publicité. Tout cette logique de plus en plus "multiscreen" va intensifier en 2023 la demande des annonceurs et des agences pour :

  • une mesure d'audiences des nouveaux entrants selon les mêmes critères et la même transparence de ce qui est déjà pratiqué pour les chaînes TV historiques
  • l'adoption d'une monnaie commune pour l'achat média en TV et en digital
  • le recours à un seul mode/outil d'achat pour tous les leviers. Personne n'est encore prêt : 2023 sera une année décisive pour le marché français s'il veut réussir cette transition. 

#3 La montée en puissance de la TV segmentée et du DOOH en programmatique

2023 sera aussi l'année de la montée en puissance à la fois de la TV segmentée et du DOOH, deux leviers qui ont réussi leur mue vers l'achat programmatique avec trois éléments clés : un écosystème techniquement huilé pour permettre aux différentes maillons de la chaîne (régies, telcos, SSP, DSP, acheteurs, annonceurs) de s'interconnecter, la présence de grands acteurs et les audiences. "Alors qu'en 2022 tout n'était pas encore au point, en 2023 je sais que je pourrai proposer aux annonceurs des combinaisons DOOH et TV segmentée. Sur ces deux leviers on obtient des ciblages géographiques précis et une visibilité forte comparé au digital qui est surchargé. De plus, les CPM sont très corrects, ce qui rend ces leviers accessibles désormais aux annonceurs de taille moyenne", explique Antoine Saglier, directeur général de ZBO Media.

#4 TikTok et Twitch entrent dans les priorités des agences

Parmi les tendances les plus attendues en social média pour 2023, la poursuite du développement de TikTok, le flottement de Twitter (qui ne semble pas avoir perdu tant d'annonceurs que cela en France depuis l'arrivée d'Elon Musk) et la montée en puissance de Twitch pour l'événementiel. Ceci étant, rien n'est jamais acquis en social : "Sur cette catégorie de consommation, le social, on se demande toujours quand est-ce que le prochain va arriver et détrôner le précédent", analyse Aurélie Chaux, directrice des opérations chez KR Wavemaker (GroupM). Quant au métaverse… le compte n'y est pas encore, contrairement au gaming dont l'offre se diversifie et se structure en France attirant l'attention d'agences qui le recommandent aux marques. "La publicité doit divertir pour répondre aux attentes des consommateurs. Quasiment tout le monde joue, à des degrés et de manières différentes, sans compter que le marché (offre, technos, data) a énormément grossi et se structure : nous préconisons à nos annonceurs d'explorer le territoire du gaming en 2023, il y a beaucoup à y faire en publicité en tout cas bien plus que sur le métaverse qui pour le moment est inexistant et anodin pour les marques",  conclut Aurélie Chaux.

#5 2023 : année des tests et du déploiement d'alternatives aux cookies tiers

A un peu plus d'un an de la fin des cookies tiers sur Chrome, une technologie qui ne fonctionne déjà plus sur Safari et Mozila, le marché semble loin d'avoir testé et validé toutes les solutions alternatives aux cookies pour le ciblage, le retargeting et la mesure. Le développement et les tests des différentes API de la Privacy Sandbox de Google ont pris du retard. L'adoption d'ID dits universels est encore modeste, la diversité de technologies proposées rend complexe leur industrialisation à moins que l'arrivé en France en 2023 d'EUID, l'identifiant open source de The Trade Desk qui affiche la volonté de faciliter l'intéropérabilité, fasse bouger les lignes. De nombreuses autres solutions émergent, comme les data clean rooms, qui continueront de pousser comme des champignons en 2023 (voir ci-après), et le cookie first party en cross domain, qui semble séduire régies et agences. En parallèle, le ciblage contextuel deviendra de plus en plus sophistiqué en ayant recours aux échantillons ou panels pour définir des parcours probables des personae. Enfin, pour la mesure, différentes méthodes plutôt historiques se bonifient et s'adaptent au digital comme le MMM et la mesure d'incrémentalité. Nous l'avons compris : que ce soit pour le ciblage ou la mesure, la transition vers le cookieless se fera avec l'emploi d'une palette de solutions alternatives. L'ère de la solution unique semble terminée. Tous les regards se tournent donc vers 2023, année de la transition.

#6 Explosion des offres "Data clean room"

Les initiatives de partage de données entre retailers, régies et annonceurs au sein des data clean rooms (DCR) hors Gafam (qui ont été parmi les premiers à le proposer) vont continuer de se multiplier tout comme l'offre de tiers technologiques. En 2023, de nombreuses annonces sont en effet attendues, peut-être dès le premier semestre, de la part d'éditeurs de plateformes de gestion de données (DMP) qui se mettent discrètement sur ce créneau des clean rooms eux aussi depuis deux ans. "Il y a une effervescence très intéressante sur le marché des data clean rooms, mais personne ne semblait vraiment tout à fait prêt en 2022", en convient Pauline Boedels, directrice générale adjointe d'Agence79 (Havas).

#7 L'adtech en quête de maîtrise du gaspillage énergétique et de traçabilité

De grandes régies telles que Media Figaro et Prisma Media ont annoncé au deuxième semestre 2022 la réduction des intermédiaires et des chemins d'accès programmatiques vers leurs inventaires, et d'autres vont suivre le même chemin. "Je pense que les éditeurs vont opérer une grosse épuration en 2023 de leurs partenaires technologiques pour n'en garder que les principaux à forte valeur ajoutée", analyse Julien Gardès, directeur général supply EMEA et APAC chez TripleLift.

Même tendance du côté des plateformes d'offre (SSP) et de demande (DSP) qui cherchent à promouvoir la curation d'inventaires aux acheteurs, pour les premières, et des accès directs aux marques vers les éditeurs, pour les secondes, dont un exemple emblématique, OpenPath de The Trade Desk, arrive en France en 2023. L'objectif affiché est triple : renforcer la transparence, améliorer l'efficacité et réduire le gaspillage financier et énergétique. Une plus forte traçabilité se verra également dans la construction des segments de données puisque les publishers français vont commencer à tester en 2023 le standard de qualité pour les données des éditeurs Seller Defined Audiences, mis en place par l'IAB Tech Lab.

Enfin, la traçabilité pourra toucher même le volet financier. "La bêta en cours de Confirming gross revenue de Google va sans doute inspirer bien d'autres plateformes : elle permettra à l'acheteur de voir sur le montant investi dans le DSP combien est reversé à l'éditeur et où part l'argent en programmatique", précise Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data chez Prisma Media. Enfin, la perte de vitesse des cookies tiers pourrait favoriser l'adoption par les éditeurs du header bidding sur le serveur moins encombrant et énergivore que la solution la plus répandue encore, client side, mais réputé beaucoup plus chère.

#8 RSE, attention… vers l'émergence de nouveaux KPI ?

Depuis au moins deux ans, l'industrie de la publicité s'engage sur la mesure et la réduction de son empreinte carbone. Certifications, calculettes, offres vertes… les initiatives vont se poursuivre en 2023. La nouveauté sera de faire de la sustainability des campagnes et des inventaires un nouveau KPI d'achat média. La tendance commence à se confirmer aussi bien du côté des agences que des régies, qui mettent en place les mesures pour rendre les campagnes moins énergivores. En parallèle, différents organismes poussent pour l'adoption d'un standard partagé, ce qui va encore faire couler beaucoup d'encre cette année. Pour ce qui est de l'achat média basé sur l'attention, si de nouvelles solutions sont nées en 2022, des initiatives visant l'établissement d'un standard en la matière devraient se multiplier en 2023. Certaines adtech, régies et annonceurs poussent pour favoriser l'émergence d'un KPI de l'attention. "J'ai déjà énormément de demande à la fois sur la sustainability et l'attention. Les annonceurs sont très orientés sur ces KPI", précise Paul Ripart.

#9 DMA, autorité de la concurrence… une année défavorable aux Gafam ?

L'industrie s'interroge sur les répercussions possibles de l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen sur les marchés numériques (DMA) ainsi que sur la suite que l'Autorité de la concurrence française donnera aux plaintes en cours contre Apple. Le DMA sera applicable dès le 2 mai. Son objectif est de lutter contre les abus de position dominante des géants du numérique, en particulier les grandes plateformes du search et du social qui jusque-là ont monopolisé les investissements publicitaires. "On pourrait imaginer comme conséquence possible l'ouverture des inventaires de Youtube voire des segments data à d'autres DSP que celui de Google. Or, dès que le marché se sert d'autres outils d'achat que le DSP de Google, la part des investissements alloués à l'environnement Google baisse… La répartition des investissements médias pourrait changer assez fortement au bénéficie de l'open web", analyse Paul Ripart.

#10 Achat média, programmatique, data... La guerre des talents va-t-elle continuer ?

En 2022, agences, régies et adtech ont continué de s'arracher les nouveaux talents et de se battre pour garder leurs précieuses ressources humaines. Sauf que la crise est passée par là et que 2023 s'annonce quasiment à l'arrêt du moins pendant le premier semestre. Les licenciements vont-ils déferler ? Affaire à suivre…