Acquisition marketing, éloge (contre-intuitif) de la frugalité

Avoir plus de budget marketing, ce n'est plus suffisant. Et même parfois contre-productif. Redécouvrons les vertus de la sobriété au profit d'expériences client mieux pensées

Le budget semble aujourd’hui être devenu l’Alpha et l’Omega des stratégies d’acquisition marketing. Avec la loi d’airain : plus c’est gros et mieux c’est ! Pour les agences d’abord, qui bien souvent sont rémunérées encore au pourcentage du média investi. Pour l’équipe interne ensuite qui y voit là le moyen ultime pour damer le pion à la concurrence. Pour le manager également, dont l’assise dans le sociogramme de l’entreprise est parfois directement corrélé aux millions qu’il investit (et moins aux millions qu’il rapporte). Pour le consultant enfin qui aura droit en entretien à la sempiternelle question disqualifiante :  "avez-vous déjà géré de gros budgets ?". Dans tout cela, point de mention de rentabilité évidemment…

Seulement, faire du budget marketing la mère de toutes les batailles, c’est le meilleur moyen de réduire la pensée. Et de favoriser des comportements contreproductifs. Deux exemples : certaines agences qui "crament du budget" (sic) puisque leur rémunération y est adossée et certains annonceurs qui vont dépenser sans compter parfois de façon déconnectée du marché puisque autrement leur budget de l’année prochaine sera moins important…

https://www.larevuedudigital.com/wp-content/uploads/2022/05/Depenses-marketing-2022-BFXX-.jpg
https://www.larevuedudigital.com/les-budgets-marketing-recuperent-leur-retard-en-2022-avec-des-depenses-hybrides/

Entendons-nous bien : la question du budget est évidemment centrale pour bâtir une stratégie d’acquisition ambitieuse. Mais à l’heure de l’automatisation à tout crin ; de l’IA générative et des techniques de growth hacking, il reste un des proxys pour aider les entreprises à scaler.

Et ce, même en SEA ! Un comble dans un univers structuré autour de l’enchère au CPC. Fini le temps où seules les entreprises qui dominent sont celles qui ont le plus gros budget. C’est naturellement une donnée importante de l’équation, mais plus la seule. Pire, j’ose penser que l'abondance est parfois mauvaise conseillère, potentiel terreau fertile de toutes les paresses et gaspillages

Revenons à la sagesse populaire : si on n’a pas de budget, on a des idées. Ou mieux, pilotons notre budget Acquisition/SEA comme en période d’ascèse. Focus sur 4 bonnes pratiques de la sobriété

1 – OPTIMISATION DU QUALITY SCORE

Tiens on l’avait presque oublié celui-ci. Si le Quality Score était la boussole qui indiquait le Nord des consultants SEA il y a encore cinq ans, il a perdu de sa superbe à force de bascule vers des stratégies de smart bidding et d’automatisation de la gestion des comptes. Erreur ! En prenant en compte des critères comme le CTR, la convivialité de la landing page ou la pertinence de l’annonce, il reste un puissant marqueur de la qualité  et de l’hygiène de compte.

Un bon moyen pour maximiser sa rentabilité sur Google est justement d’optimiser le QS de ses tops mots-clés. En creux, cela revient tout simplement à proposer la meilleure expérience qui soit aux utilisateurs avec des annonces ultra personnalisées et des landing pages aux petits oignons. L’essence même du marketing finalement.

Or quels sont aujourd’hui les acteurs qui travaillent le plus le copywritting et l’expérience client en ligne ? Je vous le donne dans le mille : plutôt les start-ups et annonceurs middle market.

2 – ÉVITER LE GASPILLAGE

La rigueur budgétaire a ceci de vertueux qu’elle contraint à une plus grande vigilance sur les investissements, mais surtout la rentabilité ainsi générée. Une dépense, ça s’empêche ! Par expérience, il peut être souvent plus ardu de piloter des comptes à budget contraint. Le moindre test qui tourne mal ou la plus petite erreur se payent cash (si j’ose dire)… tandis que sur des comptes à plusieurs millions il est parfois plus aisé de cacher des cadavres dans le placard.

John Wanamaker quote: Half the money I spend on advertising is wasted; the ...
https://www.azquotes.com/quote/546167

Dès lors, il n’est pas rare de voir que finalement les comptes les plus matures ne se trouvent pas forcément du côté des plus gros dépensiers. A quoi bon en effet passer des journées entières à faire des SQR, des exclusions de termes de recherche ; de travailler en profondeur ses audiences ; d’enchaîner les AB Tests créatifs ; d’envoyer les bons signaux aux algorithmes… autant de tâches besogneuses quand il est plus simple finalement de remettre une pièce dans la machine à budget de Google ou de capitaliser simplement sur la notoriété de marque de l’annonceur ?

On sous-estime parfois la préférence de certains acteurs à injecter du budget là où il suffirait d’injecter de l’intelligence collective.

3 – LA RENTABILITÉ TOUT DE SUITE

Le milieu des start-ups illustre de façon paradigmatique cette tension. Avec d’un côté des acteurs qui multiplient les levées de fond engrangeant ainsi des millions de budget marketing à dépenser où l’obligation de moyen prend le pas sur l’obligation de réussite. J’exagère (à peine). Et d’un autre côté des acteurs booststrappés qui doivent assurer la rentabilité de chacune de leur action au détriment parfois d’une croissance peut-être un peu moins dynamique.

Résultat, les premiers investissent massivement en dépenses d’acquisition, parfois à tort et à travers ; quand les seconds doivent choisir avec précaution leurs canaux et leurs investissements marketing. Et lorsque la marée se retire, comme aujourd’hui avec le ralentissement macro-économique, ces derniers ont bien souvent une meilleure position sur l’échiquier de l’acquisition marketing.

Par expérience, en SEA, souvent les meilleurs consultants sont ceux qui ont déjà été skin in the game, c’est-à-dire qui ont dû investir pour leur propre compte ou dans des contextes de rentabilité obligatoire. L'approche vise à réduire tout ce qui est de l’ordre du parasitage, du brouhaha afin de se concentrer sur les fameux 20% qui apportent 80% de la valeur.

Et côté organisation, cela oblige aussi à mettre le bon niveau de priorité afin de porter l’effort collectif vers la réussite du SEA comme canal prioritaire de recrutement. Face à des concurrents qui ont ouvert la cash machine  pour l’achat de mots-clés, la bonne réponse n’est pas toujours de se lancer dans une inflation budgétaire. Mais parfois plus dans la priorisation des tickets pour le SEA ; ou la mise en place d’une organisation qui permettrait par exemple de produire à grande échelle des assets créatifs pour Performance Max…

4 – PENSER AT SCALE

Au gaspillage des budgets médias peut aussi s’ajouter celui des ressources. Pêle-mêle : des équipes SEA surdimensionnées ; des assets créatifs onéreux à produire ; des landing pages boursouflées qui visent plus à respecter la charte graphique que l’expérience client ; des protocoles de tracking qui bien que best in class virent aussi à l’usine à gaz… Conséquence, l’annonceur perd en traction et en réactivité. C’est l’immobilisme qui gagne ; la compliance sur la performance.

Navigating AI Hype cartoon
https://marketoonist.com/2023/04/navigating-ai-hype.html

Pourtant, l’automatisation et l’industrialisation devraient être les maîtres mots des stratégies SEA. 

  • Règne n°1 - tout ce qui peut être automatisé doit l’être : reporting ; scripts Google ; usage de ChatGPT ; stratégies d’enchères automatiques ; balises dynamiques dans les annonces.
  • Règle n°2 – tout produire at scale : assets créatives types bannières et vidéos ; optimisation du flux shopping ; templatisation des landing pages ; AB tests natifs dans la plateforme Google Ads.
  • Règle n°3 : l’exécution>perfection. Les annonceurs qui réussissent souvent le mieux sur Google Ads sont ceux qui arrivent à se mettre en ordre de marche pour déployer les dernières nouveautés. Ceux qui ont basculé en stratégies d’enchères automatiques il y a cinq ans ou pivoter sur du Performance Max dès 2021

Finalement, ça ne coûte pas plus cher de faire mieux.