Oui, les réseaux de téléphone mobile risquent bien d'être coupés cet hiver

Oui, les réseaux de téléphone mobile risquent bien d'être coupés cet hiver Enedis envisage des coupures électriques allant jusqu'à deux heures par jour cet hiver. Un délestage qui devrait impacter l'infrastructure télécom, même si les opérateurs se préparent tant bien que mal.

Les grandes manœuvres ont commencé pour éviter une rupture du réseau électrique cet hiver. Pas moins de 32 réacteurs nucléaires sont à l'arrêt pour cause de corrosion ou de maintenance. Certes, trois d'entre eux vont pouvoir redémarrer d'ici fin novembre a promis EDF. Mais ce redéploiement est loin d'être suffisant pour encaisser les futurs pics de consommation. Pour preuve : le plan de sobriété énergétique annoncé ce 6 octobre par le gouvernement. Si ce plan venait à ne pas suffire, Enedis envisage des coupures de courant par plaques géographiques pouvant aller jusqu'à deux heures. Seules les sections du réseau relatives aux services jugés essentiels seront préservées : police, défense, hôpital, industries critiques...

Mais qu'en est-il des télécoms ? "Il sera de la responsabilité des collectivités d'ajouter les infrastructures (locales, ndlr) des opérateurs à la liste", explique un ministre du gouvernement à Reuters (lire l'article). Une mesure qui pourrait permettre potentiellement de protéger les réseaux fixes, mais pas les réseaux mobiles. Les 50 000 antennes de téléphonie sans fil, compte tenu de leur nombre, ne peuvent de facto pas être isolées d'un délestage tournant.

"Les réseaux mobiles n'ont pas été conçus pour fonctionner en autonomie, à la différence des réseaux fixes"

"Nous travaillons avec les préfectures et tout l'écosystème pour qu'un maximum de sites soient tagués comme essentiels en vue de réduire l'impact du délestage sur les réseaux mobiles", rassure Gaëlle Le Vu, directrice la communication et de la RSE d'Orange France. "De notre côté, nous sommes le plus transparents possible avec les pouvoirs publics pour que les zones d'effacement choisies nous permettent de continuer à y assurer une couverture via des antennes installées sur des zones adjacentes." Quant au réseau fixe de l'opérateur historique Orange, il ne sera pas coupé, ses milliers de sites techniques à travers la France étant équipés de batteries capables de tenir plusieurs heures. "La capacité des batteries de nos antennes n'est en revanche pas suffisante", précise Gaëlle Le Vu. "Les discussions que nous avons au sein de la Fédération française des télécoms (FFCT, ndlr) tendent à démontrer que les réseaux mobiles (et pas seulement celui d'Orange, ndlr) n'ont globalement pas été conçus pour fonctionner en autonomie à la différence des réseaux fixes."

Enedis dans le viseur des opérateurs

Par le biais de la FFCT, les opérateurs télécoms français ont demandé à être associés à la conception du plan d'Enedis. L'enjeu ? Obtenir une exemption de coupure sur les nœuds réseau essentiels. L'objectif est de parer à toute éventualité, même si ces nœuds, à la différence des antennes, sont équipés de générateurs de secours capables de les maintenir en fonctionnement. Pour les acteurs, le but est aussi d'anticiper les conséquences d'un délestage tournant sur les réseaux de téléphonie cellulaire. "Le minimum sera de donner la possibilité aux opérateurs de maintenir les appels mobiles d'urgence sur les mailles de l'infrastructure électrique concernées. Dans cette optique, il faudra avoir accès aux cartes de maillage prévues par Enedis en vue d'anticiper la compensation des antennes impactés par celles situées à proximité et toujours alimentées", analyse un expert du marché, qui souhaite rester anonyme. Chez Orange, Gaëlle Le Vu confirme : "Plus Enedis sera transparent sur ces informations, plus on sera efficace pour assurer la continuité de service mobile."

Enedis prévoit de communiquer la localisation et la plage horaire des coupures la veille pour le lendemain. "Un délai beaucoup trop serré"

Reste à savoir quelle sera l'étendue des mailles définies par Enedis. "Elles sont inférieures au département", affirme une source proche du dossier interrogée par le JDN. De leur taille dépendra la capacité des opérateurs à continuer à couvrir les zones délestées via des antennes voisines. Sachant qu'une antenne porte à environ 500 mètres dans les grandes villes, 1 à 2 kilomètres dans les villes de taille moyenne et 10 à 30 km dans les petites communes.

Autre élément en discussion : Enedis prévoit de communiquer la localisation et la plage horaire des coupures la veille pour le lendemain. "C'est un délai beaucoup trop serré pour réagir en vue d'assurer le maintien du réseau mobile. Nous demandons plus de temps", lâche un opérateur français, avant d'ajouter : "Nous envisageons en parallèle de fermer nos boutiques pour pallier aux risques de pillage au moment des coupures de courant." Chez Orange France, Gaëlle Le Vu précise : "Nous planchons sur un plan de continuité d'activité visant à anticiper et nous adapter au plus vite le moment venu, la priorité étant d'éviter toute rupture de service."

Des délestages volontaires

"D'un point purement rationnel, il aurait été plus logique de cibler un petit nombre de sites ou d'activités à très forte consommation en énergie, là où les réseaux mobiles représentent chacun environ 1% de l'électricité consommée au niveau national. En diminuant de 10% la fréquence des trains par exemple, on parviendrait à des économies en ligne avec le règlement européen sur les mesures d'urgence, qui a fait l'objet d'un accord collectif le 30 septembre dernier", se désole l'expert consulté par le JDN. Ce règlement prévoit "un objectif de réduction contraignante de 5% de la consommation d'électricité aux heures de pointe" entre le 1er décembre 2022 et le 31 mars 2023.

En attendant, Orange a annoncé un plan global de sobriété énergétique qui concerne ses bureaux et ses boutiques, avec à la clé des baisses de la température et de l'éclairage des devantures. "Il porte aussi sur nos infrastructures réseau. Lors des pics de consommation, nous prévoyons de basculer une heure par jour plusieurs milliers d'installations du réseau fixe sur batteries. Ce qui permettra d'économiser sur ce laps de temps jusqu'à 20MW, soit la consommation instantanée d'une ville moyenne de 40 000 habitants", explique Gaëlle Le Vu. "Ces opérations d'effacement invisibles pour les utilisateurs visent à participer à l'effort collectif qui, s'il s'avère suffisant, éviterait d'en arriver aux délestages tournants." 

Quant à Iliad, il annonce aller plus loin dans l'extinction de certaines bandes de fréquences la nuit en étendant son dispositif actuel aux fréquences 2 100 Mhz en 4G, 2 100 en 3G et 3,5 Ghz en 5G. "Un effort qui se traduit par une baisse de la consommation électrique du site supérieure à 10% [...] sans impacter les usages et la qualité de service", précise le groupe. Last but not least, Iliad s'engage à "effacer jusqu'à 7,05MW de la consommation instantanée de ses datacenters cet hiver en cas de tension énergétique à l'échelle du pays, et ce pendant des durées de 1 à 24 heures consécutives à chaque fois que nécessaire pour participer à l'équilibre du réseau français d'électricité".