Jean-Luc Chrétien (Accor) Jean-Luc Chrétien (Accor) : "La force de notre programme de fidélisation, c'est la flexibilité de la communication Web"

Accor lance un programme de fidélisation gratuit, mondial et multimarques. Le ciblage des informations et des offres permet à son directeur général distribution de tabler sur 5 millions de membres d'ici 3 ans.

 

Vous avez lancé le 15 septembre un programme de fidélisation mondial, multimarques et gratuit baptisé A|Club. Pourquoi maintenant ?

Jean-Luc Chrétien. Nous avions jusqu'à présent des programmes de fidélisation par région du monde, dont les audiences étaient naturellement limitées. Le groupe s'est considérablement développé ces dernières années, tout comme les voyages internationaux. De plus, nos clients, à 70 % des clients affaires, sont habitués aux programmes de fidélisation des compagnies aériennes. Avoir une clientèle fidélisée est une force, il était donc temps qu'Accor reconnaisse la fidélité sur une base mondiale. Jusqu'ici, nous totalisions environ 1 million de membres dans nos différents programmes de fidélisation. Nous visons 5 millions de membres A|Club dans les 3 ans.

Quelles sont les chaînes d'hôtels concernées par ce programme ?

Toutes les chaînes du luxe à l'économique : Sofitel, Pullman, MGallery, Novotel, Mercure, Suitehotel, Ibis et All Seasons, ce qui représente 2 000 de nos 4 000 hôtels dans le monde. Nos enseignes Formule 1, Motel 6 et Etap Hotel, qui ne procèdent pas de la même logique économique, ne font pas partie du programme. Les clients de ces chaînes veulent en effet des prix bas plutôt que de la reconnaissance, qui impliquerait des coûts qui ne s'inscrivent pas dans le modèle économique de cette hôtellerie.

En quoi consiste concrètement ce programme de fidélisation ?

"Nous avons choisi Internet comme unique mode de communication avec les membres"

Le principe était de faire le plus simple possible. Le client s'inscrit sur Internet ou en arrivant dans l'un de nos hôtels. Il reçoit sa carte de membre A|Club trois jours après et peu immédiatement l'utiliser pour réserver sur Internet. Il est crédité de 1 ou 2 points par euro dépensé, selon la chaîne d'hôtels. Dès 2 000 points, il reçoit un chèque cadeau d'une valeur de 40 euros. Le programme permet d'accumuler rapidement les points et de les utiliser très vite aussi.

Les points sont valables sans limite de temps, à condition de passer au moins une nuit par an chez nous. Les chèques cadeaux peuvent être utilisés dans nos hôtels, mais aussi auprès d'un certain nombre de grandes compagnies aériennes - Air France, British Airways, Lufthansa, US Airways, Qantas, Singapore Airlines, Delta Airlines, Thai Airways... - et de plusieurs partenaires - pour l'instant EuropCar et Club Med. Ce qui rend le programme paticulièrement intéressant est le fait de pouvoir en bénéficier sans restriction de date ou de condition. A partir de 10 nuits par an, le client accède au statut Silver, puis au-delà de 30 nuits à celui de Gold et enfin au Platinum pour plus de 60 nuits. A niveau égal de dépense, chaque statut permet d'augmenter les gains de points de façon exponentielle.

Le programme A|Club repose beaucoup sur Internet...

Même si nous conservons pour l'instant un centre d'appel pour les programmes préexistants, nous avons choisi Internet comme unique mode de communication avec les clients. C'est le meilleur canal pour interagir avec eux, car il permet une communication différenciée et plus pertinente. La clientèle affaires - qui est la première concernée par la fidélisation, puisque la clientèle loisirs passe plutôt par des voyagistes - dispose de téléphones mobiles et d'ordinateurs portables avec accès Internet : c'est donc plus facile pour elle aussi d'être en contact avec le programme.

La force de ce programme, c'est la flexibilité de la communication web. Mais plus largement, c'est aussi tout simplement la force du e-commerce, qui repose sur la capacité à donner aux gens des idées de consommation qu'ils n'auraient pas eues et bien sûr à être présent avec la bonne offre. Enfin, plus rapide, plus flexible et permettant un meilleur ciblage, Internet est aussi moins cher que les actions de marketing direct plus classiques...

"47 systèmes d'information ont dû être reliés entre eux"

Depuis combien de temps développez-vous ce projet ?

Il y a 2 ans et demi, Gilles Pélisson a souhaité doter le groupe Accor d'un programme de fidélisation gratuit, multimarques et global, qui soutienne la croissance du groupe et soit complémentaire du marketing, des systèmes de réservations, de ventes et de distribution, ainsi que de la politique de prix. Nous avons réalisé des études auprès de nos clients, nous avons observé les programmes de la concurrence, puis nous avons effectué des analyses et des simulations économiques prenant en compte la diversité des niveaux de prix et des modèles économiques de nos chaînes. Et avant de nous lancer, nous avons étudié tous les aspects technologiques du programme.

En quoi a consisté le versant informatique du projet ?

Nous souhaitions avant tout que le système soit transparent pour le client. Or dans l'hôtellerie, les systèmes d'information ne sont pas harmonisés comme ceux des compagnies aériennes. Selon la zone du monde ou la marque, le property management system utilisé pour la réservation et la vente n'est pas nécessairement le même. 47 systèmes ont dû être reliés entre eux, d'où des développements informatiques conséquents, réalisés en interne. Après un travail destiné à convaincre nos franchisés d'adopter ce nouveau système, s'est déroulée la phase de déploiement. Elle s'est conclue par la formation et la sensibilisation de nos équipes - 15 000 personnes au total - aux nouveaux process, qui s'est déroulée de mars à septembre.

Vous avez fusionné les bases de données de vos différents programmes de fidélisation...

Oui, après avoir demandé aux clients s'ils étaient d'accord pour basculer dans le nouveau programme, bien sûr. Cette base de données centralisée a aussi été reliée à la base des internautes ayant effectué des réservations sur Accorhotels.com.

"Si nous ouvrons un hôtel Ibis à Singapour, nous saurons quels clients sont susceptibles d'être intéressés"

Quelle utilisation comptez-vous faire de cette nouvelle base de données ?

Elle va nous permettre de comprendre quelles sont les destinations où nos clients se rendent, quel type d'hôtels ils privilégient, et donc d'affiner notre offre marketing. L'idée est de pouvoir leur envoyer des newsletters ciblées en plus de leurs relevés de compte électroniques. Par exemple, si nous ouvrons un hôtel Ibis à Singapour, nous saurons qui est susceptible d'être intéressé. Dans ces newsletters, on trouvera d'abord des informations concernant nos nouveaux services, produits et hôtels. Nous proposerons aussi des offres spéciales, en basse saison notamment, et des opérations bonus : le client gagnera plus de points s'il choisit un hôtel sur telle ou telle destination. Enfin, nous pensons à terme ouvrir un espace d'expression sur le site A|Club, qui nous permettra de recueillir l'avis des membres sur nos services.

Quelles évolutions prévoyez-vous ?

Pour l'instant, nous sommes dans une logique de recrutement de clients. Depuis le lancement d'A|Club le 15 septembre, 102 200 personnes se sont inscrites. Nous en sommes très satisfaits et allons continuer de les y inciter. Ensuite, il faut que les gens utilisent le programme et se constituent un stock de points. Puis qu'ils prennent conscience des bénéfices qu'ils peuvent en retirer. En un mot, nous cherchons à ce que les membres ne soient pas simplement des porteurs de carte, mais véritablement des membres actifs.

D'autre part, nous cherchons à simplifier les process clients. Nous imaginons par exemple pour certaines marques économiques de proposer des services permettant aux membres d'accéder à un check in automatisé dès la réservation pour leur faire gagner du temps.

Enfin, nous voulons intégrer complètement A|Club au processus de réservation sur Internet. La prochaine étape consistera à pouvoir régler sa réservation directement en ligne avec ses points sans passer par un chèque cadeau aujourd'hui en papier. C'est prévu pour le courant de l'année 2009.