Quels modèles pour la France ?

On veut motiver la France en lui donnant des réussites en exemple. Ce qui ne fait qu’empirer le mal. Car ces exemples ne sont pas les bons.

Osons la France, Bleu, Blanc, Zèbre… On nous dit que le salut ne nous viendra pas d’en haut. Il faut prendre notre sort en main. Croyons en nous. Notre pays a des atouts.
D’accord. Mais quelque-chose cloche. Je soupçonne que les exemples que l’on nous donne, pour nous motiver, sont ceux « d’héritiers de la chance ». Impossible de s’identifier à eux. Qu’entends-je par là ?

Les héritiers de la chance

Mark Zuckerberg, Bill Gates, Sergey Brin doivent leur succès à leur milieu. Certes, ils ont été plus entrepreneuriaux que leurs semblables. Ils ont travaillé dur. Mais ils courraient peu de risques. Et ils aimaient ce qu’ils faisaient. Et, surtout, comme le dit lui-même Bill Gates, ceux qui partageaient leur ligne de départ étaient une poignée.
Bien sûr, les réussites que l’on nous cite ne sont pas de cet ordre de grandeur. Mais, grandes ou petites, elles ont la même caractéristique. La voie était tracée. Et elle a mené à bon port.
Je ne pense pas que ce soit le médicament dont a besoin la France.

La France déprime

Je rencontre un ingénieur. 58 ans, au chômage et pisse vinaigre de surcroît. Encore un parasite me suis-je dit. Pauvre France ! Jusqu’à ce que je lui parle. Je découvre un homme remarquable, un manager subtil et humain, une expérience riche, un savoir-faire rarement présent chez la même personne (à la fois commercial et technique). Ne voudrait-il pas reprendre une société ? lui dis-je. Bien sûr. Il se trouve que je connais quelqu’un qui recherche des gens comme lui. Pourquoi n’y a-t-il pas pensé ? Comme beaucoup d’ingénieurs de sa génération, il ne s’est jamais vu autrement que salarié. Puis il a découvert que la voie était bouchée. Trop vieux. Une série d’échecs. Il est tombé dans une sorte d’engourdissement. Le psychologue Martin Seligman parlerait de « learned helplessness ».
Ne serait-ce pas le cas de la France ? Notre pays et beaucoup de ses entreprises et de ses habitants ont essuyé trop de revers. KO debout ?
A moins que nous ne ressemblions aux Indiens de « La conquête de l’Ouest » ? On est à la fin du 19ème siècle. Un constructeur de chemin de fer dit d’eux : ils devront bien s’adapter à notre société. Eh bien, ils ne se sont pas adaptés. Parce que cette société n’avait aucun sens pour eux. Et si les exemples que l’on nous donne nous faisaient plus de mal que nos défaites ?

Alors de quoi avons-nous besoin ? Retrouver l’envie d’y croire

J’ai animé une émission de Décideurs TV. Je demandais à des dirigeants quels étaient les pires problèmes qu’ils avaient eus, comment ils avaient fait et quels enseignements en tirer. A ma grande surprise, on m’a dit que cette émission était formidablement optimiste. Pourquoi ? On voyait le dirigeant face à plus fort que lui. Il avait cru à l’échec. Mais il avait tenu bon. Et il avait eu une idée étonnante, inattendue. Et il avait retourné la situation. Avec des résultats surprenants. Mais serait-il capable de recommencer ? se demandait-il. Et si un dirigeant pouvait être humble et compétent ? La vie vaudrait peut-être la peine d’être vécue ? pensent sans doute ceux qui regardent ces vidéos.

D’où ma conclusion. Pour nous remettre en selle, on veut nous donner des exemples édifiants. Très bien. Mais encore faut-il qu’ils soient les bons. A mon avis ils doivent avoir 3 caractéristiques. Nous avons besoin de voir des gens qui nous ressemblent. Ils ont été dans la panade, et en sont sortis par leurs propres moyens. Mais, surtout, leurs succès nous montrent la possibilité d’une société dans laquelle nous avons envie de vivre.