Pierre-papier : épisode 2, découvrir le crowdfunding immobilier

La pierre-papier revêt différentes formes : SCI, SCPI, SIIC ou encore le crowdfunding immobilier. Ce financement par la foule consiste à récolter de l'argent auprès des épargnants pour la réalisation de projets.

 La "pierre-papier" est un placement financier ayant pour support des actifs immobiliers. Elle s’inscrit, comme son nom l’indique, au croisement de deux logiques. En tant que support "papier", elle est constituée, au même titre que les portefeuilles d’actions ou d’obligations, de titres dont l’objectif est de générer un rendement. Mais au lieu de financer des Etats ou des entreprises, ces titres sont investis dans la "pierre", c’est-à-dire dans tous types d’actifs immobiliers : bureaux, commerces, immobilier résidentiel, locaux d’activité, entrepôts, parkings, etc. Le plus souvent, l’expression "pierre-papier" désigne les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et les organismes de placement collectif immobilier (OPCI). Le développement du financement participatif dans le secteur de l’immobilier, plus connu sous le nom de crowdfunding immobilier, constitue une nouvelle forme de "pierre papier". Revenons sur le fonctionnement du crowdfunding immobilier avant d’en étudier les avantages et les inconvénients et de le comparer avec les SCPI.

Le crowdfunding immobilier associe des particuliers au financement de projets de promotion immobilière

Le crowdfunding ou financement (funding) par la foule (crowd) est une technique de financement venue des Etats-Unis qui consiste à récolter des sommes d’argent auprès des particuliers pour la réalisation de projets. Initialement réservé aux initiatives culturelles et associatives, le crowdfunding se développe de plus en plus comme une source de financement d’entreprises, voire de projets immobiliers. Depuis 2012, des plateformes de financement participatif proposent en France des projets immobiliers avec des taux de rendement annoncés le plus souvent entre 4% et 12%. Le principe paraît simple : la plateforme récolte des fonds auprès de particuliers (les "crowdfunders"), les reverse à un promoteur qui réalise son projet immobilier et rembourse la plateforme, laquelle rend le capital et verse les intérêts à chaque investisseur. La plateforme se rémunère par une commission prélevée auprès des particuliers et du promoteur.

Le crowdfunding immobilier ne finance pas l’intégralité d’un projet immobilier mais vient en complément des fonds propres de la structure créée par le promoteur, qui a également recours à l’emprunt bancaire et à la vente d’une partie des lots avant construction. La structure est responsable du succès du projet : si celui-ci est mené selon les prévisions, elle encaisse les revenus, est dissoute et rembourse les investisseurs (les banques, le promoteur et les crowdfunders). La logique est vraie dans le cas inverse : si le projet se passe mal, la structure doit éponger les pertes. La perte en capital des investisseurs peut donc atteindre jusqu’à 100%.

Le crowdfunding immobilier présente un couple « rendement-risque » élevé

 En d’autres termes, le crowdfunding immobilier revient à faire des particuliers des « mini-promoteurs ». Les rendements proposés sont certes très supérieurs au rendement des placements « classiques » telle l’assurance-vie mais ils s’accompagnent logiquement d’un niveau élevé de risque. Le métier de la promotion immobilière est en effet risqué : il n’est pas rare que les coûts de construction se révèlent très supérieurs aux prévisions, que les délais ne soient pas tenus ou que les lots ne trouvent pas acquéreurs.

Il faut également noter que toutes les plateformes n’ont pas le statut de conseiller en investissement participatif (CIP) délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF), et que certaines proposent des montages hasardeux. Par exemple, les montages via des SCI (sociétés civiles immobilières) ou des SNC (société en nom collectif) sont très dangereux car la responsabilité pécuniaire des associés est illimitée : si le projet est mal mené et que les pertes se chiffrent en millions d’euros, les crowdfunders perdent non seulement l’intégralité de leur placement, mais risquent également la faillite personnelle.

Les SCPI, produit-phare de la pierre-papier, ont une espérance de rendement plus faible que le crowdfunding mais offrent davantage de garanties

 Les SCPI demeurent le produit-phare de la pierre-papier et connaissent un succès grandissant depuis la crise de 2008 et l’effondrement des rendements des placements classiques (Livret A à 0,75%, assurance-vie à 2,25% en moyenne en 2015). Gérées par des sociétés de gestion agréées par l’AMF, ces sociétés collectent des capitaux auprès de particuliers par l’émission de parts, acquièrent des actifs immobiliers, gèrent leur patrimoine immobilier ainsi constitué et reversent des dividendes aux associés grâce au produit des loyers.

Les SCPI de rendement affichent de nombreux avantages. Leur rendement moyen (rapport entre les dividendes versés et le prix d’acquisition des parts) atteint presque 5% en 2015 : c’est certes moins que les rendements potentiels du crowdfunding immobilier, mais environ deux fois plus que l’assurance-vie. En outre, investir en parts de SCPI est bien moins risqué que de participer à du crowdfunding immobilier. D’une part, les SCPI constituent un patrimoine immobilier composé de plusieurs actifs, ce qui permet de lisser les éventuels à-coups sur la performance. D’autre part, il est possible – et même recommandé, de diversifier son portefeuille de parts de SCPI en investissant dans plusieurs sociétés, ce qui atténue encore le risque de perte.

 

Un investissement en parts de SCPI répond à un projet de placement à horizon 7-8 ans minimum. Il s’agit d’abord d’amortir les frais liés à la souscription (commission de l’ordre de 10% du prix de la part) et à la gestion (frais de gestion prélevés par la société de gestion sur les revenus locatifs). Ensuite, la pierre-papier est conçue comme un moyen de percevoir des revenus de manière régulière, soit en complément des revenus actuels, soit pour préparer sa retraite. Plusieurs années sont également nécessaires à la réalisation d’une éventuelle plus-value de cession, qui constitue une autre source de rendement pour les propriétaires de parts. A l’inverse, le crowdfunding est un investissement certes à moyen-terme, mais beaucoup plus spéculatif : le remboursement intervient en moyenne trois ans après la souscription.


Pour conclure, le crowdfunding constitue bien une nouvelle forme de pierre-papier dans la mesure où il s’agit d’une technique de financement de projets immobiliers à destination des particuliers. Ceux-ci acquièrent des titres financiers (le plus souvent sous forme d’obligations émises par la structure responsable du projet) et perçoivent des intérêts si le projet est mené à terme dans les conditions prévues avant son lancement. Le crowdfunding immobilier n’en est pas moins très différent des supports pierre-papier classiques tels que les SCPI qui gèrent des patrimoines immobiliers dans le but de percevoir des loyers et de réaliser des plus-values de cession. Placer son épargne dans l’un ou l’autre de ces supports dépend de la nature du projet d’investissement considéré : recherche d’un rendement élevé couplé à un risque significatif pour le crowdfunding immobilier, ou perception de revenus complémentaires (notamment en vue de la retraite) et diversification d’un portefeuille d’épargne classique (assurance-vie) pour les SCPI.