La technologie au service de la santé : oui, mais prudence !

A l'ère du digital, tous les secteurs d'activité sont impactés par les nouvelles technologies. La santé ne fait pas exception. Entre révolution et prudence, l'automédication à distance est à prendre avec des pincettes.

Si dans certaines zones développées du monde, notamment en France, le secteur de la santé se modernise à une vitesse grand V et la plupart des habitants ont accès à des soins de qualité, cette industrie souffre d’une forte augmentation constante de la demande. Selon une étude de la Drees, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé, même si en janvier 2018 la France comptait 226 000 médecins en activité, soit 1 500 de plus que l’année dernière et 10 000 de plus qu’il y a six ans, cela ne suffit toujours pas… et ça se voit : centres de soins saturés, effectifs dépassés, infrastructures dégradées, problèmes d’approvisionnement de certains médicaments et augmentation des temps d’attente des patients dans les couloirs des hôpitaux, le système solidaire français a besoin de plus de professionnels et de budget pour répondre aux demandes d’une population croissante. Dans ce contexte compliqué, l’accélération du numérique ouvre de nombreuses opportunités. Mais lesquelles ? Pour qui ? Et surtout, à quel prix ?

Nouvelles technologies : un remède miracle pour une population isolée

Imaginez que vous vivez loin de tout, dans la montagne ou dans un village perdu quelque part dans la diagonale du vide entre La Meuse et les Landes. Vous avez besoin de médicaments pour vous soigner mais l'acheminement de ce traitement jusqu'à votre lieu de vie nécessite plus d’un jour. Que feriez-vous ? Attendre ? Imaginez à présent si vous pouviez commander ce médicament depuis l'écran de votre salon alimenté par l'énergie solaire, régler la facture depuis votre téléphone mobile et récupérer votre livraison déposée par un drone devant votre porte sous moins de 90 minutes... grâce aux nouvelles technologies, cela est maintenant possible.

Face à l’inégalité d’accès aux soins, l’e-santé prend chaque jour un peu plus de place dans le secteur. Selon les experts, le numérique est un facteur clé qui permettra l'expansion de la couverture sanitaire universelle en faisant tomber certaines barrières comme les coûts, l'accès compliqué ou le manque de qualité des soins, tout en étendant la gamme des services proposés en particulier dans les régions où les infrastructures et le personnel sont rares ou inexistants.

Médecine à distance : une solution adaptée pour des patients responsables

L'e-santé favorise l'automédication, une pratique dite responsable et autonome permettant aux personnes malades de soigner des petits maux tels qu'un rhume, une migraine ou encore des troubles digestifs passagers sans passer par une consultation médicale. Un gain de temps ? Oui. Une ouverture pour mieux soigner les populations isolées ? Sûrement. Mais est-il possible d'empêcher la surconsommation, de limiter le mauvais usage et d'interdire la constitution de stocks de médicaments à distance ? Cela semble être très compliqué. Et que faire lorsqu'une intervention d'un expert sur place est requise ? Cela nous renvoie à la problématique de départ.

Si la technologie ne peut être la médecine de demain, elle peut néanmoins aider ce secteur à se développer. La complémentarité entre les humains et les machines pourra notamment contribuer à améliorer la transmission d'informations entre les professionnels de santé et les patients, à assurer un suivi médical continu de bonne qualité grâce à des indicateurs automatisés, à intervenir plus vite, plus loin et avec des coûts réduits, à hiérarchiser les consultations via la télémédecine ou encore à apporter une meilleure qualité et une plus grande diversité des soins proposés dans les centres hospitaliers qui aujourd'hui croulent sous la demande trop importante d'une population grandissante.

Dans ce contexte, entre inquiétudes et espoirs, l'avenir du secteur de la santé semble être contrasté et parfois même contesté par des experts inquiets de l'utilisation de la data fournie par les patients à des entreprises privées qui surboostent la digitalisation du secteur pour sauver des millions de vie en échange de millions d’euros. Face à cette révolution numérique, trouver un juste équilibre entre les interventions des humains et celles des machines sera sûrement l'un des principaux défis des sociétés modernes.

La confiance : élément central du parcours patient

Inclure le numérique dans le parcours patient est un défi de taille pour les professionnels de la santé. Plus qu’ailleurs, la notion de confiance est clé lorsqu’il s’agit du bien-être physique et mental d’une personne. Du traitement des données personnelles à la livraison de médicaments en passant par les consultations en ligne, bien que la dématérialisation puisse rapporter gros, elle inquiète beaucoup en France. Selon l’étude Global Consumer Insights 2018 de PwC, seulement trois patients sur dix feraient confiance à des fournisseurs dits non-traditionnels pour des livraisons de produits pharmaceutiques ou encore recevoir des résultats de tests médicaux via un appareil connecté. Le numérique : oui, s’il se montre rassurant et qu’il prouve qu’il est sécurisé. Pour que le progrès puisse être partagé par tous, l'innovation numérique doit se démocratiser en s'appuyant sur des tiers de confiance ouverts et neutres garantissant la confidentialité des données.

La course à la data de santé est donc lancée. Le caractère sensible de ces données pose des questions éthiques quant à leur collecte et leur traitement par les algorithmes. La numérisation irréversible des corps dépasse pourtant la manière d’exploiter ces données dans un parcours de soin stricto sensu. Si la France souhaite réellement se démarquer, elle devra garantir que les considérations éthiques et déontologiques sont intégrées dès la conception des outils jusqu’après la phase de déploiement et aussi s’inscrire dans une perspective mondiale plutôt que nationale.