Les cryptos mal aimées des Etats ? C'est leur raison d'être !

Après une flambée record, les crypto-monnaies, Bitcoin et Ethereum en tête, subissent des attaques de nombreux Etats. Et en ce moment, les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent : de Chine, des Etats-Unis, de Turquie et dans une moindre mesure de France. Les autorités semblent vouloir s'attaquer à la raison d'être des cryptos : ne plus dépendre d'une autorité centrale comme c'est le cas pour les monnaies établies. Bref, ce qui devait arriver arriva...

13 années avant de réagir

Il est toujours intéressant de se replonger dans le White Paper de Satoshi Nakamoto, créateur du Bitcoin, publié le 1er novembre 2008. Dès les premières lignes, c’est une véritable déclaration de guerre aux institutions financières et aux monnaies dites de “confiance” (fiat). Si 13 ans après, les autorités monétaires décident de riposter, c’est normal. Cependant c’est très tardif. N’ayant jamais eu de soutien, les acteurs de l’écosystème Blockchain s’en plaignent assez souvent. Néanmoins cette technologie n’avait jusque-là pas été interdite ou rejetée.  Les Etats ne semblaient pas considérer que leur droit régalien de battre monnaie était attaqué. Changement de ton en ce début de 2021.

Impossible de perdre le contrôle sur la monnaie

Du côté technologique, les Etats n’ont pas grand-chose à reprocher aux crypto-monnaies. Ce qu’ils ne peuvent pas accepter c’est de perdre le contrôle sur la monnaie, qu’elle soit numérique, électronique, en papier ou même en métal.

La Chine veut imposer sa monnaie digitale

La posture récente de la Chine en est l’illustration. Avec l’ambition de devenir à court terme la première puissance mondiale, l’Empire du Milieu et ses dirigeants savent très bien que pour asseoir leur influence, il faut maîtriser la monnaie de référence. Ils ont bien vu comment le dollar a pris la place de l’or avec la fin de l’étalon or avec plusieurs décennies d’hégémonie des Etats-Unis à la clé. Pour réussir leur plan, la Chine compte bien remplacer le Dollar par le Yuhan ! Pour aller plus vite, les dirigeant chinois ont décidé de créer un e-Yuhan, une cryptomonnaie certes, mais avec un contrôle totalement centralisé, c’est donc l’exact inverse de la gouvernance du Bitcoin. Attribuer en quelques millisecondes des millions de e-Yuhan à un Etat ou à une population, c’est une chose ; à l’inverse supprimer d’une ligne de code des milliards pour punir ou freiner un partenaire (appellé « burn » dans le monde des cryptos, le pouvoir de détruire de la monnaie), c’est reprendre un contrôle absolu sur la monnaie.

La concurrence de Bitcoin et des autres cryptos trop forte ?

Les autorités chinoises viennent donc de demander aux banques et aux sociétés de paiement de rejeter toutes les activités liées aux crypto-monnaies en rappelant le risque de volatilité de ces actifs qui ne sont “pas de devises”. Et de conclure que “cela porte atteinte aux biens des personnes et perturbe l’ordre économique mondial”. Quelques jours plus tard, la Chine interdit carrément le minage, c'est-à-dire la création de Bitcoin, alors que c’était une industrie florissante. Certains craignaient même qu’avec leurs capacités informatiques, les Chinois pourraient prendre, un jour, le pouvoir sur le Bitcoin en maîtrisant 51% du réseau. Visiblement, ce ne sera jamais le cas.

Pourquoi les Etats s’en prennent aujourd’hui aux crypto-monnaies ?

Partout dans le monde, on tente de reprendre la main

Les Etats-Unis ont annoncé qu’ils réfléchissent à mieux encadrer le marché des cryptos. En France, l’autorité de supervision des banques et des assurances a mis en place un cadre administratif spécifique pour les prestataires de crypto (PSAN). On relève aussi un gros rejet des banques traditionnelles, toujours frileuses pour accorder des comptes bancaires à ces prestataires...déclarés aux autorités françaises. L’argument est toujours le même : la lutte contre le blanchiment et la protection du citoyen qui pourrait être une victime mal informée des risques sur ces actifs.

La monnaie turque victime des cryptos ?

Depuis que la Livre turque est attaquée, de nombreux citoyens ont décidé de passer par les cryptomonnaies. Pour le gouvernement d’Erdogan cela ne fait qu’affaiblir la monnaie du pays. Donc, la Banque Centrale vient d’annoncer qu’il est interdit dans le pays d’utiliser autre chose que la monnaie frappée par l’Etat. C’est la concurrence frontale entre les deux systèmes ; le régalien et le décentralisé. La Turquie n’accepte pas qu’une autre “monnaie” circule sur son territoire et entre ses citoyens.

Cryptos : monnaies d’usage ?

Le Bitcoin existe depuis 2008. Pourquoi cette bascule soudaine depuis le début de l’année 2021 ?

Déjà, de grands acteurs comme Tesla ont commencé à dire qu’ils allaient accepter le Bitcoin (avant de se rétracter). Aussi, de grandes institutions financières de Wall Street ont créé des produits basés sur les cryptomonnaies. Les gouvernements craignent un risque “turc” : l’appropriation par les citoyens de monnaies digitales décentralisées. Ça n'arrange pas ceux qui souhaitent récolter les fruits d’un plan de relance. L’argent déversé dans l’économie doit revenir au pays sous forme de travail, impôts, cotisations sociales, etc. Il ne doit pas partir dans les nœuds anonymes d’une blockchain.

Vers un retour en grâce de l’or ?

En tant qu’actif qui s’échange entre les différents pays avec un rôle important pour garantir la valeur d’une monnaie, l’or est décidément le plus universel et reconnu par tous les pays, de la Chine aux Etats-Unis en passant par le Venezuela et l’Iran.  Il contribue à établir la “confiance” dont se réclament les monnaies fiat versus les cryptomonnaies. D’ailleurs, de nombreux pays renforcent leurs stocks d’or ces derniers mois, comme la Pologne et la Hongrie.

Pendant que certains tentent d’affaiblir le pouvoir du Bitcoin, d’autres s’en remettent à la traditionnelle valeur refuge. Dans cette guerre des monnaies, qui va l’emporter ?

Comme disait Jacques Chirac, « c’est à la fin du marché que l’on compte les bouses ».