L'affaire FTX : 48 heures qui ont mis l'écosystème crypto à terre

L'affaire FTX : 48 heures qui ont mis l'écosystème crypto à terre Après de nombreux rebondissements, Binance a finalement retiré son offre d'achat de la plateforme FTX., condamnant cette dernière à la faillite. Retour sur un évènement Web3 qui fera date.

En quelques jours, le monde des cryptos aura basculé. Même les plus assidus et ceux présents depuis de longues années ont parfois du mal à suivre. La semaine dernière, nous publiions un portrait de Sam Bankman-Fried (SBF), que rien ne semblait pouvoir arrêter. Mais SBF avait des failles, qui lui auront fait perdre la maitrise de son navire jusqu'à heurter un iceberg. Un iceberg sciemment placé par Binance, qui a tout fait pour profiter de la situation. Quitte à couler un navire concurrent, autant s'attaquer au plus gros d'entre eux.

Alors que Binance s'était portée candidate pour racheter FTX suite à la demande en dernier recours de Sam Bankman-Fried, Changpeng Zhao (CZ) a finalement refusé, arguant que les trous dans les comptes de FTX et Alameda Research ne pourront être comblés. SBF s'est montré trop maladroit, voire malhonnête, et son point faible aura été la gestion de la trésorerie de son fonds d'investissement. Retour sur ce cataclysme.

FTX : un effondrement en 48 heures

Alameda Research, le maillon faible de l'empire de SBF

Jusqu'à l'article de nos confrères anglophones de CoinDesk, nous n'aurions probablement rien su. Et la surprise aurait été la même que pour l'affaire Celsius Network, à savoir une incapacité à gérer la chute du cours d'un token. Néanmoins, l'affaire FTX reste un cas d'école de tout ce qu'il ne faut pas faire dans les cryptos et ailleurs.

De nombreux projets ont été financés par Alameda Research, première entreprise de Bankman-Fried. Il faut dire qu'Alameda a réussi à lever plus centaines de millions de dollars. L'entreprise rassurait. Dirigée par l'ange de la crypto, les risques semblaient limités et les gains potentiellement importants. Sauf que tout était artificiel et Alameda avait une trésorerie plus que bancale.

D'une part, SBF a sciemment utilisé son jeton FTT pour garantir Alameda. En d'autres termes, FTX a émis des FTT dans le seul objectif de renflouer les caisses d'Alameda. Grâce aux FTT, Alameda pouvait justifier d'une bonne santé financière, ce qui lui permettait de lever des fonds. Personne n'a remarqué ce tour de magie financière.

D'autre part, garantir une entreprise par son token maison et volatil, c'est courir le risque d'une perte en capital. Ce fut une erreur fondamentale. CZ, le patron de Binance, affirme à juste titre qu'il ne faut jamais utiliser un token maison en garantie et certifie que le Binance Coin (BNB) ne sert pas à cette fin. C'est un jeton utilitaire permettant d'alimenter la blockchain BNB et d'offrir des réductions aux clients de Binance.

Sam Bankman-Fried : l'ange s'est-il transformé en démon ?

Au-delà de cette gestion fortement critiquable, c'est la personnalité même de Sam Bankman-Fried qui est discutée. Comment une personne si bien perçue et qui a communiqué de manière aussi ouverte avec les régulateurs a-t-elle pu être aussi malhonnête ? En effet, les dernières 48 heures ont révélé son lot de très mauvaises surprises. FTX est notamment accusé d'avoir utilisé les fonds des clients pour renflouer les caisses de son fonds d'investissement. C'est une accusation grave, mais qui semble fondée.

La raison ? Lors de la chute de l'écosystème Terra (LUNA), Three Arrows Capital et Voyager Digital ont été déclarés en faillite. Le second a été sauvé par SBF, qui était alors le Zorro du Web3. Le problème, c'est qu'Alameda était aussi très mal en point, justement à cause de Voyager Digital.

Bankman-Fried a donc utilisé FTX.US, branche américaine de sa plateforme d'échange, pour racheter les actifs Voyager Digital, dont un tiers appartenait en fait à… Alameda Research ! Au vu de la somme colossale, certains fonds des utilisateurs ont servi à renflouer Alameda.

SBF a donc trompé son monde, des utilisateurs aux fonds d'investissement. Ainsi, Sequoia Capital a fait savoir que son investissement de 214 millions de dollars dans FTX ne valait désormais plus rien.

Une remise en cause des plateformes centralisées ?

Binance : bourreau puis sauveur puis bourreau

Durant ces dernières 48 heures, le rôle de Binance est également capital. Soyons clairs : c'est bien CZ qui a déclenché la panique, en faisant savoir que Binance comptais se débarrasser de tous ses FTT. Or, de nombreux observateurs y ont vu un coup tactique de Zhao, qui a appris comme tout le monde qu'Alameda ne survivait qu'artificiellement.

Lorsque CZ a fait part d'une offre d'achat pour s'emparer de FTX, le coup semblait parfait. En effet, SBF n'avait plus que son concurrent vers qui se tourner. Cependant, Zhao a été clair : Binance allait effectuer une due diligence. Autrement dit, il fallait, entre autres, vérifier les comptes de l'empire de FTX. Or celles-ci sont visiblement aussi saines que celles de Lehman Brothers lors de sa faillite en 2008.

Conséquence : Binance renonce à racheter FTX, qui ne pourra désormais plus être sauvée sans l'intervention d'un tiers. Au moment où ces lignes sont écrites, Bankman-Fried chercherait désespérément un repreneur. Mais qui ferait confiance à SBF aujourd'hui ? Alors que FTX sponsorise la salle de basket des Miami Heat et l'écurie de Formule 1 Mercedes, reprendre FTX va s'avérer plus que complexe. Sans même évoquer les dépôts des clients, dont Tom Brady et Gisèle Bundchen qui auraient 650 millions de dollars bloqués sur la plateforme

La transparence des plateformes centralisées est devenue indispensable

L'affaire FTX a aussi révélé l'urgent besoin d'une transparence renforcée des plateformes d'échange centralisées. En effet, le problème vient bien de ces plateformes et les protocoles de finance décentralisée ne sont pas touchés par l'affaire FTX. C'est la raison pour laquelle de nombreux observateurs appellent à une preuve de réserves (Proof of Reserves).

Kraken est la première grande plateforme d'échange à avoir publiquement déclaré ses réserves. Binance lui a emboîté le pas aujourd'hui, en publiant les adresses de ses portefeuilles où se trouve une somme d'environ 70 milliards de dollars. On y apprend notamment que la plateforme d'échange possède 25% des USDT en circulation, ce qui représente une part très (trop ?) importante…

Cette année 2022 a déjà été très dure pour l'écosystème Web3. Il pourrait en sortir grandi et assaini. Il pourrait aussi ne pas s'en relever.