Silicon Valley Bank : l'écosystème crypto menacé lui aussi

Silicon Valley Bank : l'écosystème crypto menacé lui aussi La fermeture administrative de la banque américaine a conduit à une perte de parité avec le dollar de deux stablecoins majeurs pour l'ensemble du Web3.

Dans le monde de la crypto, tout le monde surveillait en ce début mars les déboires de la Silvergate Bank, très appréciée du secteur. Pour une fois, les entreprises concernées, incluant Circle et Paxos, avaient pu prendre les devants et sortir leurs fonds des coffres de la banque désormais liquidée. On pensait alors que tout allait rentrer dans l'ordre, pour revenir à la bataille entre la SEC, régulateur financier américain, et le secteur crypto. C'était sans compter sur la Silicon Valley Bank (SVB). Jusqu'il y a peu, seuls quelques spécialistes savaient que la banque californienne n'était pas dans une grande forme économique. La décision de fermeture administrative prise vendredi 10 par les autorités américaines est donc une véritable surprise.

D'abord, c'est une large partie du secteur tech américain qui pourrait être touché. Nous avons expliqué dans cet article que la SVB était en effet la banque préférée des start-up, et justement en quoi cela lui a coûté cher, au point de rappeler la situation de Lehman Brothers en 2008. Mais le secteur crypto pourrait lui aussi être fortement impacté. En cause, le stablecoin USDC, qui a perdu sa parité avec le dollar.

Circle et l'USDC, victimes collatérales ?

Pourquoi l'USDC a perdu sa parité avec le dollar ?

Dans le monde des stablecoins, l'USDC de Circle a toujours fait office de bon élève. Il a souvent été comparé en bien par rapport à son concurrent, l'USDT de Tether, et ses nombreux déboires avec la justice. Circle a effectivement toujours été transparent sur ses réserves en dollars.

Pour rappel, la parité d'un stablecoin avec son actif sous-jacent peut être garantie de plusieurs façons. Pour l'USDC et l'USDT, ce sont des réserves en dollars déposées et disponibles sur un compte bancaire. Pour 1 USDT/USDC émis, il faut 1 vrai dollar sur un compte ou en titres financiers. Circle possède bien cette garantie. Le problème, c'est qu'une large partie se trouve sur les comptes de la SVB.

Or, la fermeture administrative soudaine de la banque californienne a entraîné le blocage d'une partie des fonds de Circle. Très transparente sur Twitter, l'entreprise californienne a indiqué que 3,3 milliards étaient encore sur les comptes de SVB, contre 25% des réserves auparavant. Circle a donc pu retirer une large partie des fonds bloqués, la capitalisation de l'USDC atteignant 37 milliards de dollars.

Mais cela n'a pas empêché la perte de parité (ou "depeg"), car de nombreux investisseurs ont souhaité se débarrasser de leurs USDC. Circle n'a pas honoré toutes les demandes, d'où un USDC qui navigue entre 0,88 et 0,95 dollars au moment où ces lignes sont écrites.

Quels sont les risques à court terme pour l'écosystème crypto ?

Il y a principalement deux risques à court terme. Le premier, c'est bien entendu que l'USDC ne parvienne pas à retrouver la parité avec le dollar, tout en restant proche, autour de 0,95 dollars. Ce serait un entre-deux pas vraiment rassurant, mais pas non plus traumatisant, avec lequel les traders pourraient s'en donner à cœur joie. En d'autres termes, cela n'aurait rien à voir avec l'UST de Terra, qui a sombré en quelques heures en mai 2022.

Le second risque à court terme est la victime collatérale des difficultés de l'USDC : le DAI. En effet, bien que sa gestion soit officiellement décentralisée, cet autre stablecoin est principalement garanti par de… l'USDC. Ainsi, si l'USDC perd sa parité avec le dollar, le DAI la perd également. Au moment où ces lignes sont écrites, le prix de l'USDC et du DAI est à peu près équivalent.

Cependant, c'est bien à long terme que les risques sont potentiellement catastrophiques et pas seulement pour l'écosystème crypto.

La Silicon Valley Bank : too big to fail ?

La chute de l'USDC, un potentiel arrêt de mort pour les cryptos ?

Les risques à moyen et long termes sont potentiellement bien plus graves, pour ne pas dire fatals. En effet, si l'USDC et le DAI venaient à subir la même fin que l'UST, c'est tout l'écosystème crypto qui serait impacté.

Tout d'abord, une immense partie de l'écosystème de la finance décentralisée (DeFi) repose sur des pools de liquidités, dont une majorité des mieux valorisés est composée avec de l'USDC ou du DAI. Si la garantie stablecoin n'existe plus, le pool s'effondre et les protocoles de DeFi subissent les mêmes conséquences.

Ensuite, comme une majorité des grands protocoles sont basés sur Ethereum (ETH), la blockchain star des applications décentralisées serait fortement impactée, au point de voir son écosystème s'écrouler, entraînant également le marché de NFTs, libellés en ETH, dans sa chute. Au final, il ne resterait que Bitcoin (BTC), mais les maximalistes pourraient ne pas se réjouir longtemps, car il est fort possible que le BTC subisse également une perte de confiance et donc une vente massive.

En résumé, l'écosystème crypto tel que nous le connaissons n'existerait plus. Pourtant, nous pensons que cela n'arrivera pas et cela n'a rien à voir avec les cryptos.

La SVB sauvée pour éviter une crise financière mondiale

Dans notre article précité, nous parlions de "désastre mondial". C'est bien le terme, car la faillite de la SVB, qui suit la demande en liquidation de la Silvergate Bank, pourrait avoir un impact aussi important que la faillite de Lehman Brothers en 2008. Peut-être même plus.

La SVB est la banque préférée des startups américaines. Aujourd'hui, beaucoup sont inquiètes et craignent pour leur survie. Cela pourrait donc entraîner des faillites en masse et la problématique va bien au-delà de l'USDC et des cryptos. C'est la raison pour laquelle de nombreux observateurs pensaient que la SVB allait être sauvée, rachetée ou renflouée par les autorités. Ils avaient vu juste : dans la nuit de dimanche à lundi, les autorités américaines ont décidé de garantir les fonds déposés à hauteur de... 100%, contre 250 000 dollars en temps normal.