Comment l'affaire SVB dévoile une fragilité structurelle du secteur crypto

Comment l'affaire SVB dévoile une fragilité structurelle du secteur crypto La DeFi, qui repose en grande partie sur des stablecoins centralisés, aurait pu s'effondrer sans l'intervention de la Fed. Un comble pour un écosystème qui s'est construit en opposition à la finance traditionnelle.

En quelques jours, beaucoup de personnes sont passées par toutes les émotions. Stupeur, peur, colère et soulagement, parfois plusieurs en même temps. Alors que tout le monde avait les yeux rivés sur les difficultés de la Silvergate Bank, qui a depuis demandé sa liquidation, c'est la fermeture administrative de la Silicon Valley Bank (SVB), décidée par les autorités californiennes vendredi 10 mars, qui a fait trembler l'économie mondiale. La Réserve fédérale américaine (Fed) ayant, dans un premier temps, décidé de ne pas intervenir, on craignait un désastre mondial.

Finalement, pour éviter une contagion et une crise majeure, la Fed a changé d'avis et décidé de garantir 100% des dépôts. Cette garantie permet notamment de soulager Circle, émetteur du stablecoin USDC, qui avait perdu sa parité avec le dollar durant le week-end. Si tout est rentré dans l'ordre et que le marché des cryptos s'est même envolé, il révèle cependant les fragilités structurelles du secteur et de la finance décentralisée (DeFi), qui sont malgré eux trop liés à la finance traditionnelle.

Le problème : une dépendance de la DeFi à la finance traditionnelle

La distinction nécessaire entre les protocoles et les tokens

Tout le problème de la finance décentralisée est sa compréhension par le grand public. En effet, d'aucuns confondent les protocoles des tokens proposés sur ces protocoles. Et la confusion s'amplifie quand on sait que certains de ces tokens sont les jetons natifs du protocole en question, comme l'UNI d'Uniswap.

La finance décentralisée, c'est principalement une collection de pools de liquidités dans lesquels certains utilisateurs viennent déposer leurs cryptos afin qu'elles soient ensuite prêtées à d'autres. C'est également la possibilité d'échanger une crypto contre une autre sans carnet d'ordres. Afin de garantir une certaine stabilité, une majorité des pools de liquidités les plus importants sont composés de stablecoins.

Le problème, c'est que trois stablecoins écrasent ce marché : l'USDT, l'USDC et le DAI. Les deux premiers sont deux stablecoins centralisés, tandis que le troisième, dont la gestion est pourtant décentralisée, est majoritairement garanti par de… l'USDC. C'est la raison pour laquelle le DAI a subi le même sort que l'USDC le week-end du 11 mars, avant de revenir à la normale.

La fin de l'UST, un renforcement pour les stablecoins centralisés

La solution est donc a priori toute trouvée : il faut se défaire des stablecoins centralisés. En effet, ces derniers sont en fait garantis par leur société émettrice. Par exemple, Tether pour l'USDT, Circle pour l'USDC et Paxos pour le BUSD, bien que ce dernier vit peut-être ses derniers mois depuis que le régulateur financier américain a demandé à Paxos d'arrêter l'émission du stablecoin de Binance.

La meilleure garantie, c'est de posséder 1 dollar sur un compte bancaire pour 1 stablecoin émis. Ainsi, s'il y a 10 milliards de stablecoins A, la société émettrice du stablecoin A doit posséder 10 milliards de dollars sur un ou plusieurs comptes bancaires. Cela permet d'honorer les demandes d'échanges.

Le problème, c'est que se défaire des stablecoins centralisés est loin d'être chose aisée. La cause principale, c'est l'effondrement de l'UST en mai 2022, qui était un stablecoin purement algorithmique, dont la garantie était gérée par des mécanismes automatisés d'arbitrages entre l'UST et le LUNA, le token de l'écosystème Terra. La confiance envers ces stablecoins a été perdue et la sûreté a alors été représentée par les stablecoins centralisés.

La solution : l'avènement de solutions purement décentralisées

La dépendance structurelle de la DeFi aux stablecoins centralisés

La DeFi repose donc sur des pools de liquidités principalement composés de stablecoins centralisés. En d'autres termes, la finance décentralisée dépend de la finance centralisée. Les banques dépositaires de Tether et Circle doivent donc être en bonne santé financière. Leur faillite pourrait engendrer la chute d'un écosystème censé s'en affranchir.

D'aucuns contestent cette dépendance, à commencer par les maximalistes Bitcoin, qui utilisent peu la finance décentralisée. Il n'est effectivement pas normal qu'il y ait des liens aussi importants entre la finance traditionnelle dénoncée par Satoshi Nakamoto dans son whitepaper et l'écosystème crypto.

Néanmoins, aujourd'hui, le mal est fait. La finance décentralisée est totalement dépendante de stablecoins centralisés et donc, par ricochet, des banques. Au moment où ces lignes sont écrites, nous parlons d'environ 100 milliards de dollars de capitalisation pour ces stablecoins (DAI inclus), soit 10% de la capitalisation du marché crypto.

L'avènement nécessaire de solutions algorithmiques

Le problème principal a été évoqué dans notre article précédent : une crise bancaire, avec des faillites en cascade, entraînerait la fin probable de la finance décentralisée telle que nous la connaissons aujourd'hui. Certains appellent donc à se défaire de cette dépendance aux stablecoins centralisés pour laisser place aux stablecoins décentralisés.

A ce jour, il en existe quelques-uns sur le marché. Tout d'abord, on a le DAI. Mais l'émetteur a choisi de garantir une majorité des DAI en circulation avec l'USDC. Nous avons aussi l'USDD de Tron, le FRAX de Frax Finance ou encore l'AMPL d'Ampleforth. Toutefois, aucun n'a su se faire une place de choix dans les protocoles de finance décentralisée.

Est-ce simplement un problème de popularité ? Est-ce plutôt un manque de confiance envers ces stablecoins ? Toujours est-il qu'il semble indispensable que des stablecoins algorithmiques surpassent les stablecoins centralisés pour réduire, voire mettre fin, à la dépendance de la DeFi au secteur bancaire.