Le krach immobilier peut-il sauver la planète ?

Après 3200 milliards investis en immobilier ces 15 dernières années, rien n'a changé, voire pire. L'immobilier est toujours le plus gros consommateur d'énergie et le premier émetteur de CO2.

Depuis la crise de 2008, toutes les classes d’actifs en immobilier ont vu leur niveau de valorisation exploser, tant chez les professionnels que chez les particuliers, en direct comme en indirect. Sur la période, on a vu les prix du bureau augmenter de 67%, ceux de la logistique de 99% et, évidemment, ceux du logement de 33% à l’échelle européenne.

Cette explosion des prix a été portée par des conditions de financement particulièrement favorables et une abondance des liquidités qui a engendré une forte hausse des transactions sur les actifs réels, avec en tête l’immobilier. Ceci, aussi bien chez les professionnels, chez qui ce sont près de 3 200 Mds€ qui ont été déployés entre 2008 et 2022 à l’échelle européenne, qu’au niveau des particuliers.

15 ans d’abondance des capitaux en immobilier : quel bilan social et environnemental ?

Après cette période d’abondance de capitaux, nous aurions pu nous attendre à une transformation en profondeur du secteur le plus consommateur en énergie (30%) et le plus contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (27%2). Pourtant, c’est tout l’inverse qui s’est produit.

Malgré un ralentissement mécanique produit par le Covid, la consommation énergétique des bâtiments a bondi de plus de 4% par rapport à 2020. La plus forte hausse depuis près de 10 ans... Dans le même temps, les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’utilisation des bâtiments ont atteint un niveau record d’environ 10 gigatonnes de CO2 en 2021, soit une hausse de 5% par rapport à l’année précédente mais aussi de 2% par rapport au record historique de 20193.

Côté social, même son de cloche. Juste avant la pandémie, la Fondation Abbé Pierre indiquait que près de 10% des ménages européens avaient une charge immobilière trop importante, que 16% vivaient dans des logements surpeuplés et 8% ne parvenaient pas à se chauffer convenablement. Plus choquant encore, le nombre de personnes sans domicile a explosé un peu partout en Europe sur la période avec +150% en Allemagne, +160% en Irlande ou encore +50% en France sur la période 2012 – 2019. Depuis, l’inflation a fait son apparition et la pression sur les ménages les plus modestes a encore augmenté, faisant grimper la part des plus pauvres en situation d’impayé de +20%...

Une correction inévitable

Après un cycle porté par une espérance de croissance en capital, de compression des taux et de performance par la dette, le changement de configuration économique devrait (enfin) rebattre les cartes. Les signaux d’un Krach, ou plutôt de l’explosion de la bulle, semblent de plus en plus manifestes : spéculation excessive, hausse des taux (x3 en 18 mois), restriction du crédit (-40% de crédits accordés depuis le début de l’année) et surtout changement réglementaires (loi climat, plafonnement des loyers, etc.).

Ces signaux commencent d’ailleurs à se traduire dans les prix de manière très concrète avec des écarts importants selon les géographies et les classes d’actifs. Tout d’abord sur le résidentiel, Eurostat annonçait en avril dernier la première baisse généralisée dans 15 des 27 pays membres de la zone euro à -1,5% - une première depuis 2015. Côté bureau, la plus grosse classe d’actifs chez les professionnels, la correction était bien plus forte avec un repli de plus de 10%5 sur un an.

Concernant les géographies, les marchés les plus sensibles aux variations de taux seront les plus touchés, que ce soit pour les ménages ou les institutions financières. On peut notamment relever les contre-performances de l’Allemagne (-5%) dont le parc est majoritairement détenu par des foncières cotées, la Suède (-12%) et même Paris (-6%) qui avait connu la plus forte hausse à l’échelle nationale6. La tendance devrait très certainement se confirmer parallèlement aux hausses de taux. Selon le FMI, chaque nouvelle hausse de 100 points de base devrait donner lieu à une baisse supplémentaire de 1,5%.

Une opportunité unique pour transformer l’immobilier

Qui dit baisse des prix, dit hausse des rendements. Cette nouvelle équation va recréer chez les investisseurs de l’attraction pour le résidentiel, qui représentait près de 20% du patrimoine immobilier des institutionnels dans les années 80 et dont la part se situe aujourd’hui juste en dessous des 2%. Une véritable aubaine pour des investisseurs qui ont bien compris que le risque d’exploitation n’était vraiment pas comparable à celui des bureaux traditionnels, que le télétravail continue d’affecter (le bureau en IDF est passé de 2,6 millions de m2 pré-Covid à 4,6 millions de m2 de surfaces vacantes aujourd’hui).

Leur retour dans l’équation pourrait arriver à point nommé puisqu’ils ont les équipes et le savoir-faire pour transformer le parc de logement et enfin relever le défi énergétique de cette classe d’actif.

Et contrairement à certaines idées reçues, la révolution ne se fera pas par innovation de rupture, mais par la rénovation structurelle d’un parc immobilier existant, car les européens habitent majoritairement en zone urbaine (75%8) et que les réserves foncières disponibles dans ces localisations sont quasiment inexistantes. Ainsi, le choix qui s’offre à nous est simple : soit nous continuons l’artificialisation des sols, la création de territoires paupérisés à un prix au moins 2x supérieur à une rénovation lourde, soit nous réhabilitons et densifions notre parc immobilier existant tout en réduisant notre consommation énergétique par 179 .

Les premiers à mener cette transformation bénéficieront de décotes importantes à l’acquisition (de l’ordre de 15%) et devraient, parallèlement à ces bonnes affaires, bénéficier d’une prime à la sortie appelées Green Premium, tout en réduisant les charges de leurs locataires. Un alignement des planètes pourrait alors enfin s’opérer pour le résidentiel.

Il faudra néanmoins attendre du régulateur des politiques incitatives pour les investisseurs qui participent à cette transition, et favoriser les investisseurs structurants par rapport aux spéculateurs. Il est bien souvent plus avantageux de louer une passoire thermique équipée en mobilier Low Cost, venant de l’autre bout du monde, que de louer sur le long terme à un ménage de la classe moyenne un logement nu dans un immeuble restructuré.