Un voisin peut s'accaparer votre bien immobilier en toute légalité si vous le laissez faire

Un voisin peut s'accaparer votre bien immobilier en toute légalité si vous le laissez faire La pratique est tout à fait légale et touche de nombreux villages et plusieurs copropriétés en ville.

Proudhon écrivait "la propriété, c'est le vol". Mais savait-il seulement qu'il est possible de devenir propriétaire en volant ? Si beaucoup pensent que le droit de propriété est inaliénable en France, ils se trompent lourdement. Certes, ce droit est inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à l'article 17 : "la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé [...] si ce n'est sous la condition d'une juste indemnité". Pourtant, il est tout à fait légal en France de voler le bien immobilier d'autrui, et ce, sans verser le moindre impôt ou débourser le moindre euro.

En effet, le droit français recèle une particularité juridique surprenante. Les articles 2255 à 2277 du Code civil définissent cette procédure permettant de s'approprier gratuitement un bien immobilier. En pratique, ce sont souvent les biens d'un voisin qui sont pris pour cible. Un cagibi, une cave, un abri de jardin, un garage... Rien n'y échappe ! Cette appropriation repose sur un concept juridique méconnu appelé "usucapion" ou encore "prescription acquisitive". Autant de termes pompeux qui signifient en réalité qu'une personne peut récupérer le titre de propriété d'un bien même si le propriétaire lésé est encore en vie.

Concrètement, si une personne se comporte comme le propriétaire d'un bien immobilier pendant un délai précis (même en l'absence de titre de propriété officiel), alors elle peut devenir effectivement le nouveau propriétaire du bien. Cela implique d'agir comme un propriétaire, c'est-à-dire, d'occuper le bien, d'en assurer l'entretien, d'y effectuer des travaux et de payer les charges associées. Dans les faits, l'usucapion intervient le plus souvent dans les zones rurales ou dans les copropriétés en ville. Les cas d'usucapion concernent majoritairement des parcelles de terrain agricole dont les limites peuvent s'avérer floues au fil des générations, ou certaines parties communes d'une copropriété dont l'usage ne correspond pas aux titres de propriété officiels.

Le délai de prescription acquisitive est fixé à 30 ans. En clair, pendant trois décennies, la personne intéressée par un bien doit se comporter comme le véritable propriétaire sans que le propriétaire légitime ne revendique ses droits sur la propriété. Dans de nombreuses villes et villages, des habitudes considérées par tous comme acquises perdurent depuis plusieurs générations sans que personne ne songe à les remettre en question. Ces pratiques que des voisins estiment naturelles peuvent ainsi faire basculer le titre de propriété d'une famille à l'autre.

A titre d'exemple, un arrêt de la Cour de cassation (arrêt n° 14-16071), datant du 8 octobre 2015, illustre parfaitement ce phénomène d'appropriation. Dans cette affaire, les juges ont reconnu qu'un syndicat de copropriétaires était devenu le détenteur légitime d'un garage que tous les copropriétaires utilisaient depuis plus de 30 ans.

Le propriétaire initial avait mis ce garage à leur disposition sans jamais revendiquer son droit de propriété. Ainsi, le propriétaire a été dépossédé de son bien au profit du syndicat.