Nicolas Wolikow (Qare) "Nous proposons l'accès à des médecins généralistes et à 15 spécialités, en illimité"

Le cofondateur et CEO de Qare, Nicolas Wolikow, détaille le concept de sa start-up de télémédecine et évoque le cadre réglementaire qui pourrait fortement évoluer.

Nicolas Wolikow, cofondateur de Qare. © Qare

JDN. Qare s'est lancé sur le créneau de la télémédecine. Qu'est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?

Nicolas Wolikow. Nous sommes les seuls à opérer en BtoC : nos concurrents proposent soit leurs services à des collaborateurs d'entreprises affiliées, soit aux adhérents d'assureurs ou de mutuelles. Nous proposons l'accès à des médecins généralistes et à 15 spécialités, en illimité pour 29 euros par mois pour une personne seule ou 49 euros pour une famille. Nous voulons faire profiter tout le monde d'un meilleur accès aux soins : facile, simple et de qualité. Nous proposons la possibilité d'être orienté vers un professionnel en physique et de se faire livrer les médicaments.

Quelles zones couvrez-vous ?

Nous sommes présents dans toute la France et à Londres. C'est d'ailleurs à Londres que nous nous sommes lancés, à destination des Français expatriés, en avril 2017. Je voulais commencer par un pilote et Londres, avec 250 000 Français. C'était un excellent choix pour obtenir le meilleur retour d'expérience possible. Les expatriés n'ont, par définition, pas accès au système de soins français et recherchent pourtant à parler dans leur langue à des spécialistes formés dans leur pays. Et Londres est avancé en termes de médecine à distance, il n'y a donc pas de peur. Nous avons proposé notre service pour 1£ pour susciter un maximum de retours. Le 15 novembre 2017, nous avons fixé le prix du forfait à Londres et avons ouvert simultanément la France, sachant que nos efforts marketing ont commencé en janvier dernier. Nous préparons l'ouverture à Dublin, à nouveau pour les Français expatriés.

Allez-vous viser d'autres pays d'Europe ?

En Europe, la règle qui s'applique est la territorialité du praticien. Si un médecin exerce en France, il doit se conformer aux obligations du droit français mais est autorisé à soigner des patients allemands, italiens ou français. Ses ordonnances sont valables dans toute l'Union européenne. Dans les 12 à 24 prochains mois nous envisageons donc de nous ouvrir à d'autres communautés françaises à l'étranger via un réseau d'ambassadeurs. Nous n'avons pas encore de plan pour nous adresser à d'autres nationalités mais nous y réfléchirons en temps venu.

Combien d'abonnés avez-vous séduits, qui sont-ils ?

Nous avons récemment dépassé les 1000 abonnés payants. A 80% ils ont opté pour un forfait individuel, à 20% pour le forfait famille. Suite à notre démarrage à Londres, cette ville représente encore 60% de nos clients contre 40% pour la France mais la proportion est en train de s'inverser très rapidement. Nos objectifs sont simples : plus de patients, plus de médecins, plus de consultations. Après chaque consultation, nous évaluons la satisfaction des patients, sur la qualité technique et le déroulement de la consultation. On atteint 96% de satisfaction. Nous ne ferons jamais noter les médecins mais nous voulons connaître la satisfaction. Nous envisageons d'anonymiser les commentaires des utilisateurs pour les mettre en ligne. De même, nous envisageons d'implémenter un Net Promoter Score. Enfin, nos utilisateurs reviennent. Un Français qui consulte en médecine physique c'est 4 à 6 passages par an ; nous atteignons le même ratio. Pour vous donner un ordre d'idée, les services de télémédecine des assureurs ou des entreprises sont utilisés à 0,1 ou 0,2%. Leur intérêt est de ne pas être utilisés ; nous voulons au contraire promouvoir l'usage et un programme de parrainage va permettre à nos meilleurs clients de nous faire connaître.

Pouvez-vous proposer tous les services que propose un médecin traditionnel ?

Nous sommes assujettis à une licence d'exercice qui nous a été délivrée par l'Agence Régionale de Santé d'Ile-de-France, car notre siège social se situe dans cette région. Cette licence définit le périmètre de notre activité. Nous ne pouvons pas délivrer d'arrêt de travail ni de certificat d'aptitude au sport. De même, nous ne pouvons pas prescrire de psychotropes. La plupart des services de télémédecine disposent des mêmes limites. De plus nous avons des obligations relatives à la confidentialité des données. L'ensemble des données santé sont hébergées par OVH Santé qui dispose des agréments adéquats, nos ordonnances ne sont pas envoyées par mail mais mises à disposition sur notre plateforme sécurisée. De même, nous avons fait le choix d'appliquer un code unique sur nos ordonnances, ce qui empêche de les réutiliser en les réimprimant.

Quel est votre modèle économique ?

Nous sommes une plateforme de mise en relation entre patients et médecins, soit pour une consultation immédiate, soit avec une prise de rendez-vous. Pour l'instant, nous rémunérons les médecins à l'heure et nos clients paient un abonnement sans engagement et à tarif fixe qui leur permet un accès illimité à nos médecins et professionnels de santé. Aucun médecin ne travaille pour nous à 100% de son temps et cela est important pour nous. Pour nos médecins, il s'agit d'une activité complémentaire à leurs consultations en cabinet comme ils en ont d'autres : activités libérales ou hospitalières…

Les évolutions règlementaires vont-elles faire évoluer votre modèle ?

La télémédecine va réellement entrer dans le parcours de soin prochainement. Les négociations entre l'Assurance maladie et les syndicats de médecins ont lieu en ce moment et des recommandations seront formulées au 31 mars 2018. L'objectif est d'encadrer la télémédecine : pour qui, pour quelles pathologies… Nous sommes très heureux de ces discussions. Mais la lisibilité de l'environnement à 3, 6 mois n'est pas hyper claire. Si les téléconsultations du type de celles que nous faisons sur Qare sont un jour inclues dans le parcours de soins, nous adapterons peut-être notre modèle pour proposer un paiement, et donc un remboursement, à l'acte..

D'autres plateformes, comme DoctoConsult par exemple, se positionnement en tant qu'outil pour les professionnels de santé qui souhaitent proposer de la télémédecine, ce n'est pas votre chemin ?

Nous n'avons pas encore tranché car, comme je vous l'ai dit, la réglementation est très mouvante. Nous proposons déjà de nombreux outils pour les médecins mais pour l'instant, nous préférons rester sur notre modèle de marketplace.

Comment intégrez-vous les médecins ?

La télémédecine est hyper flexible pour les médecins. Ils peuvent consulter en télémédecine aux horaires qui les arrangent le plus. Ensuite à nous de mettre l'intelligence IT pour qu'il y ait les bons médecins aux bons moments avec les bonnes spécialités. Avoir plus de pédiatres le mercredi cela fait sens. Tout comme avoir plus de psy le dimanche ! Cependant nous voulons garantir une expérience unique à nos clients. Dit autrement, notre modèle est décentralisé mais nous souhaitons qu'il soit standardisé. Tous nos médecins reçoivent un kit : nous leur demandons de porter une blouse Qare et ils sont formés à nos outils et à la pratique particulière de la télémédecine. Ainsi, la phase d'anamnèse (lorsque le médecin restitue ce que lui a dit le patient pour faire le point, ndlr) est inspirée de ce qui se pratique en physique mais est adaptée. Enfin, nous avons plusieurs partenariats pour offrir plus de services sur la plateforme. Le Vidal est accessible au format électronique. Si le patient souhaite voir un médecin en cabinet, il peut utiliser – à Londres uniquement pour l'instant –  FindDoc et le service de livraison de médicaments à domicile est réalisé avec PharmaExpress.

Comment financez-vous votre modèle ?

La société a été créée en septembre 2016. Nous avons effectué une levée de fonds de 2,5 millions d'euros auprès de Kamet, le fonds d'InsurTech lancé par Axa. En avril 2017, Kamet a injecté 6 millions d'euros supplémentaires pour un round A. Même si nous sommes financés par un fonds lancé par Axa, nous avons une structure totalement distincte et indépendante. Nous réfléchissons actuellement à des synergies commerciales et métiers qui pourraient être intéressantes et nous n'excluons pas des partages d'expériences.

Nicolas Wolikow est le cofondateur et le CEO de Qare. Il a un parcours entrepreneurial au cours duquel il a notamment participé aux aventures Dailymotion ou Meetic. Il a également travaillé plus de 8 ans dans l'univers des services médicaux au sein d'International SOS. Nicolas a vécu également plus de 15 ans en expatriation.