Thérapies numériques : entre opportunités et défis

Les thérapies digitales (digital therapeutics ou DTx en anglais) ont le vent en poupe. Partenariats entre startups et laboratoires pharmaceutiques, agréments délivrés par la Food and Drug Administration (FDA) ou encore opérations récentes de fusions-acquisitions (à l'image du rachat de Livongo par Teladoc) sont autant de signes de la maturation du secteur.

En parallèle, régulateurs et assureurs travaillent sur de nouvelles façons d’évaluer et de prendre en charge ce nouveau type de traitement. Le meilleur exemple étant le Digital Care Act allemand, promulgué en 2020 pour fournir un remboursement anticipé des thérapies numériques…et qui devrait être prochainement adopté à l’identique en France si l’on se fie aux annones récentes d’Emmanuel Macron.

Thérapie digitale, de quoi parle-t-on ?

Logiciels ou applications, les thérapies digitales sont destinées à apporter des bénéfices médicaux, seuls ou en combinaison avec une autre modalité (médicament, intervention physique…). Point crucial, ces bénéfices doivent être démontrés par des preuves cliniques probantes, en accord avec les standards actuels de la médecine.

En tant que logiciels, les DTx proposent une forme de thérapie facilement distribuable à grande échelle et avec peu d'effets secondaires. Elles présentent donc un fort potentiel dans des aires thérapeutiques pour lesquelles des besoins importants restent non couverts et/ou l’accès à des spécialistes est difficile voire bloquant. En particulier pour des pathologies pouvant être (au moins partiellement) traitées par une intervention non pharmacologique telle qu’une thérapie comportementale, une expérience immersive ou encore un programme guidé d’exercice physique.

Dans la douleur chronique par exemple, les effets secondaires et les risques associés aux opioïdes ont été largement documentés. Gouvernements, systèmes de santé et patients recherchent activement des alternatives plus sûres mais efficaces. Alternative qu’offre notamment Lucine, qui développe des DTx impactant des mécanismes biologiques de la douleur chronique. Autre illustration dans le cas des troubles de l'apprentissage, BMotion Technologies a développé un dispositif de rééducation appelé Mila utilisant des rythmes pour aider les enfants souffrant de dyslexie. Ces stimuli rythmiques agissent sur des mécanismes cognitifs bien connus, qui interfèrent avec les compétences d'apprentissage de base des enfants.

Des gains à la hauteur des défis

Mais ces thérapies, aussi prometteuses soient-elles, doivent encore faire face à plusieurs défis.

En plus de l’importance de fournir des preuves cliniques, la thérapie digitale doit être suffisamment engageante pour favoriser une utilisation soutenue. En d'autres termes, les produits DTx doivent être attrayants et offrir une expérience patient satisfaisante afin de garantir l’observance des patients. Dans cet esprit, les jeux vidéo thérapeutiques sont particulièrement intéressants, même si l’approche n’est pas triviale et nécessite une vraie compétence dans la création d’expériences ludiques.

L’accès aux patients est un autre défi qu'aucun acteur n'a complètement résolu. 3 approches différentes sont possibles (et non mutuellement exclusives) :

  •  Les DTx de prescription : en tant que médicaments numériques, il est cohérent que les thérapies digitales soient prescrites par des médecins. Des pionniers tels que Akili Interactive ou Pear Therapeutics ont choisi cette voie, obtenant d’abord le précieux sésame qu’est l’agrément FDA. Mais, l'approbation réglementaire n’est pas une fin en soi : faire en sorte que les médecins soient à l'aise avec le produit et ses modalités de prescription demande du temps et des ressources. Ressources qui sont par définition plus limitées pour les start-ups que pour les grands groupes.
  •  Autre option : certains DTx visent à tirer parti des assureurs plutôt que des médecins afin d'atteindre les patients. Une approche plus courante aux États-Unis      où le paysage de l’assurance santé est beaucoup plus fragmenté et où les payeurs ont plus de latitude pour définir les traitements couverts pour leurs membres. Bien que l'approche puisse sembler plus facile, elle comporte des inconvénients. Les payeurs ne sont généralement pas les organisations les plus efficaces pour gérer l'acquisition d'utilisateurs. Ce n'est pas parce qu'ils approuvent un traitement que leurs membres se précipiteront pour l'adopter, contrairement à la recommandation d'un médecin qui a généralement plus de poids.
  •  S’adresser directement au patient est une autre option pour atteindre le marché rapidement. Ce n'est cependant pas une approche facile en Europe, car les citoyens ne sont pas habitués à payer de leur propre poche pour leur santé. Elle a cependant du sens aujourd’hui, les patients devenant de plus en plus acteurs de leur santé. 

De nombreux autres défis restent à relever afin de consolider la position des thérapies digitales comme une option véritablement crédible (gestion de la qualité, distribution au patient, gestion des données…), mais le domaine est fascinant à suivre et le chemin parcouru en quelques années bien réel. La réponse qu’elles apportent à la fois à un besoin des patients, des professionnels de santé et des payeurs laisse présager un bel avenir.