Les prestataires de la smart city à l'assaut des petites villes

Les prestataires de la smart city à l'assaut des petites villes Vinci, Schneider Electric, IBM ou encore Cisco multiplient les solutions à moindres coûts pour séduire les élus.

Comment faire de sa ville une smart city quand on ne dispose pas des moyens de Paris ou Lyon ? Facile, répondent de nombreux prestataires, qui ont tout intérêt à voir leurs solutions dépasser le cercle restreint des grandes agglomérations.

Olivier Crouzet, directeur régional Vinci Energies France Centre Ouest, travaille par exemple sur l'efficacité énergétique des communes : "Nous avons déployé une solution smart lighting à Aubinges (Cher), ville qui n'a pourtant que 250 habitants. Concrètement, les luminaires LED sont équipés de capteurs infrarouges capables de détecter la présence de piétons ou de voitures et ainsi d'adapter la luminosité au trafic. Pour la ville, cela représente 60% de gain d'énergie", explique Olivier Crouzet.

A Aubinges, dans le Cher, les luminaires connectés offrent un gain d'énergie de 60%

Budget serré oblige, pas de place au hasard des expérimentations : "Au lieu de remplacer l'éclairage vieillissant par de l'éclairage classique, nous incorporons de nouveaux équipements intelligents. Le surcoût que cela représente est amorti par les gains d'économies d'énergie après entre 7 et 10 ans d'utilisation, sachant que les infrastructures ont une durée de vie de 25 ans", précise-t-il.

Autre projet mené dans le Cher par Citeos, la marque lumière et équipements urbains de Vinci Energies : "Une centaine de bornes de recharge pour véhicules électriques seront installées d'ici fin 2016 dans des villes et villages de 600 habitants en moyenne." Une application en ligne permet notamment aux usagers de se diriger en fonction de la disponibilité des bornes, placées à peu près tous les 20 kilomètres sur tout le département.

En plus d'être abordables, avec un coût total d'environ 7 000 euros chacune, elles auraient selon lui toute leur place dans les communes les plus reculées : "Si la mobilité électrique a bien un sens, c'est dans le rural, car les gens y ont besoin en général de faire 30-40 kilomètres par jour, moins que dans les métropoles où les transports sont développés. Des distances parfaitement adaptées à l'autonomie des batteries."

100 bornes de recharge pour véhicules électriques seront installées dans le Cher d'ici fin 2016. © Vinci Energies

Toujours dans le Cher, Vinci Energies propose aussi des solutions intelligentes de gestion du stationnement, notamment pour l'accueil des touristes. "La ville de Sancerre nous a demandé d'installer des capteurs et des panneaux à messages variables pour diriger au mieux les visiteurs vers les places de parking disponibles. Ce qui intéresse le maire, c'est l'accueil, car 30 à 40% du trafic dans sa commune est lié aux usagers qui cherchent une place", explique le responsable de Vinci Energies. "Pour les 200 places équipées de détecteurs de présence, j'estime l'investissement à environ 100 000 euros. La demande de subvention est toujours en cours, mais nous espérons réaliser ce projet en 2017", ajoute-t-il.

Cap à l'ouest, maintenant, et plus précisément à Brest, où Schneider Electric développe un projet smart grid sur tout un quartier : Les Capucins. Intégrée au projet de rénovation de cette ancienne friche industrielle, la solution open data de l'entreprise française permettra d'optimiser la consommation énergétique, selon Thierry Djahel, directeur développement et prospective pour Schneider Electric : "La plateforme que nous avons créé délivrera une vision globale des consommations par bâtiment et par typologie (bureaux, commerces, et logements)."

Concrètement, les usagers auront accès via un portail en ligne aux données de mesure des flux (électricité, chauffage, eau chaude sanitaire, eau froide, gaz) ainsi qu'à des indicateurs environnementaux comme la nature de la production, les émissions de CO2 ou de gaz à effet de serre, par exemple. Ils auront ainsi la possibilité de comparer leur propre consommation avec les moyennes observées au niveau du quartier.

S'il ne s'agira dans un premier temps que d'information et de sensibilisation, Schneider Electric voit déjà plus loin : "Cette plateforme permettra à l'avenir d'accéder à une tarification plus évoluée de l'électricité, avec la possibilité pour les utilisateurs de ne plus consommer en heures de pointe. Ils obtiendront des tarifs plus avantageux s'ils acceptent de stopper leurs usages à certains moments, comme couper le chauffage dans l'après-midi pour les logements, par exemple. C'est essentiel car cet effacement du réseau sera indispensable face à l'augmentation des prix de l'énergie", affirme Thierry Djahel.

IBM travaille sur la gestion intelligente de l'eau dans des villes de 20 000 à 30 000 habitants

Lancé en novembre 2015, le projet repose sur une convention de recherche et développement progressive étalée sur quatre ans pour un coût total estimé à 200 000 euros, cofinancés pour une moitié par la commune et pour l'autre par l'entreprise. Concernant l'avancée des travaux, "les premiers développements seront visibles avant l'été".

Autre ressource qui intéresse la smart city : l'eau. Un domaine dans lequel s'est lancé le géant américain de l'informatique IBM. "Nous signons des partenariats avec des industriels déjà impliqués dans des villes de 20 000 à 30 000 habitants, comme Veolia, avec qui nous travaillons sur une solution de gestion intelligente de l'eau. Elle permet notamment de déclarer sous 72 heures une fuite et ainsi de réduire de 5 à 10% les pertes d'eau", explique Philippe Sajhau, vice-président Smart Cities d'IBM France.

S'il ne peut révéler le nom des communes concernées pour des raisons de confidentialité, le spécialiste confirme que l'entreprise veut développer ses outils de maintenance prédictive dans les petites et moyennes villes françaises : "Nous allons lancer d'ici la fin du deuxième trimestre 2016 l'application POEM, déjà testée ailleurs en Europe, qui permettra à la fois aux habitants de signaler les problèmes techniques dans leur ville mais aussi qui déterminera en temps réel l'état d'usure des installations pour en tenir informés les services techniques municipaux."

"Notre solution permettra aux administrations de réduire leur budget de maintenance de 15 à 25%"

"Notre solution permettra aux administrations de réduire leur budget de maintenance de 15 à 25%", avance Philippe Sajhau. En ce qui concerne le coût, IBM a tout prévu : "Nous voulons facturer au nombre d'habitants pour moduler le prix en fonction du budget des villes", affirme-t-il. Selon lui, l'effort demandé aux villes serait largement compensé : "L'innovation doit être financée mais la meilleure façon de la financer, c'est d'optimiser les dépenses."

Et IBM n'est pas le seul acteur du secteur IT à s'être emparé de la problématique smart city dans les communes les plus modestes. Son compatriote Cisco compte aussi étendre à des villes plus petites les solutions qu'il a développées dans les grandes métropoles.

"Notre proposition de valeur est de raccorder la ville de manière sécurisée en mettant en œuvre une plateforme de communication multiservices basée sur des technologies comme la fibre, le wifi ou LoRa afin de connecter les capteurs variés de données environnementales, de déplacements par exemple", explique Emmanuel Schneider, directeur du programme d'accélération digitale de Cisco.

Premier cas d'usage possible, la gestion du parking payant : "En mettant en place un paiement à l'avance du ticket de stationnement, la verbalisation devient plus efficace car il est possible de mieux cibler les contrôles. Concrètement, nous utilisons les données des capteurs ou des caméras de détection de présence pour mesurer le nombre de voitures qui se sont garées et le taux de rotation. En comparant ces données au nombre de billets achetés, nous pouvons déterminer là où il y a le plus de contrevenants. C'est un enjeu majeur car aujourd'hui seul 10 ou 15% payent leurs amendes", raconte-t-il.

"Les élus commencent vraiment à comprendre les avantages des solutions connectées et à s'y investir"

"Nous pouvons ensuite réadapter ce système pour optimiser le ramassage des déchets, par exemple, avec ces mêmes capteurs qui détecteraient là où les citoyens ont sorti leurs poubelles et donc là où les camions doivent passer. Et avec le réseau déjà installé, il ne faut compter qu'une petite demi-heure pour installer la technologie sur une poubelle et une heure pour mettre l'information en réseau", poursuit Emmanuel Schneider.

Là encore, l'impératif de confidentialité des marchés publics empêche l'entreprise de divulguer le nom des communes partenaires.  Mais le spécialiste de Cisco affirme qu'elles seront de plus en plus nombreuses à se laisser tenter : "Quand les administrations commencent à voir les avantages de ces solutions connectées, elles sont tout de suite intéressées. Les élus commencent vraiment à le comprendre et à s'y investir."