Jamie Siminoff (fondateur de Ring) "Le marché des entreprises est un relais de croissance important pour Ring"

Après avoir créé un interphone vidéo connecté dans son garage, Jamie Siminoff a fait de Ring un des leaders de la sécurité domotique. Racheté plus d'un milliard de dollars par Amazon en 2018, le groupe s'étend désormais en Europe.

JDN. Ring s'est d'abord fait connaître à la télévision américaine lors de l'émission Shark Tank (équivalent de QVEMA, ndlr). Comment avez-vous vécu le refus du jury d'investir dans votre projet ?

Jamie Siminoff. Malgré le refus de financement par les investisseurs de Shark Tank, notre participation à l'émission a été bénéfique pour notre start-up Ring. Le timing de notre participation était également idéal, car nous étions en période de fortes ventes pour les fêtes de Noël et je venais de recevoir près de 20 000 Doorbot, le tout premier interphone vidéo connecté en Wifi. J'étais alors littéralement fauché et j'avais la sensation de brûler l'argent de ma famille dans mon garage en travaillant sur ce projet. La diffusion en prime time sur la chaîne ABC nous a offert une visibilité et une crédibilité supplémentaires, ainsi qu'un grand nombre de précommandes qui ont permis de générer du volume et de la trésorerie. Cette participation à Shark Tank nous a sauvé et a permis à Ring de devenir aujourd'hui la plus grande entreprise dans le secteur de la sécurité résidentielle.  Il faut savoir reconnaître que le facteur chance joue parfois un rôle déterminant dans un succès entrepreneurial.

Quelle gamme de produits propose aujourd'hui l'entreprise et quels sont ses principaux marchés ?

Notre premier produit lancé aux US a été le Ring Video Doorbell, une sonnette vidéo équipée de caméra HD permettant de savoir ce qui se passe devant son palier grâce à un système de notifications en temps réel. Depuis, Ring a étoffé son offre et propose aussi des caméras et des systèmes de surveillance dont notamment des alarmes. Les Etats-Unis demeurent notre plus gros marché mais l'Europe est également important. Nous avons démarré en Grande-Bretagne et nos produits sont désormais distribués presque partout en Europe depuis l'an dernier. Pour accélérer notre développement, nous misons notamment sur le Ring Intercom, un produit que nous avons lancé en Grande-Bretagne et en Allemagne en octobre 2022. La distribution du Ring Intercom en France devrait débuter cette année.

En quoi ce produit est-il adapté au marché européen ?

Le Ring Intercom permet de mettre à niveau un interphone existant. Concrètement, il suffit de raccorder cet appareil à son combiné d'interphone avec une connexion câblée, ce qui est autorisé dans la plupart des contrats locatifs en Europe. Ce produit répond au même problème que notre produit historique, le Ring Video Doorbell, à savoir pouvoir parler à quiconque se trouve à l'entrée de votre immeuble et pouvoir faire entrer vos visiteurs où que vous soyez grâce à l'application. La différence est qu'il n'y a ici pas de fonction vidéo.

Ring a été racheté par Amazon en 2018 pour plus d'un milliard de dollars. Est-ce que ces interphones connectés ont également pour objectif de faciliter la livraison de colis Amazon ?

A l'ère de l'e-commerce, si ce produit peut contribuer à simplifier la réception de colis, alors tant mieux. Mais pour être transparent, nous n'avons pas eu d'indication de créer des produits spécifiquement pour l'activité e-commerce d'Amazon. Notre mission est de rendre les quartiers plus sûrs. En réalité, Amazon nous laisse opérer de manière très indépendante.

Comment voyez-vous les produits Ring se faire une place dans la future maison connectée et quelles sont les intégrations avec Alexa ?

Je crois que nous n'en sommes qu'aux prémices de la maison connectée. D'ici dix à vingt ans, nous aurons probablement différentes technologies intégrées dans nos domiciles. Alexa sera l'intelligence de nos domiciles et nous aidera à accomplir différentes tâches, que ce soit pour allumer ou éteindre des appareils. Concernant Ring, nous avons évidemment mis en place des intégrations en lien avec la sécurité et l'information autour de l'accès au logement. Il est par exemple possible de demander à Alexa d'activer votre alarme. Si quelqu'un sonne à votre porte, le visage de cet invité apparaîtra également sur l'écran de votre Echo Show. Ces intégrations sont finalement assez logiques.

Ring a souvent été pointé du doigt pour ses collaborations avec les services de police. Quels sont les termes de ces partenariats ?

Je pense que le terme partenariat n'est pas le bon. Notre mission est de rendre les quartiers plus sûrs et l'une des manières pour y arriver est de faciliter les relations entre toutes les parties prenantes, que ce soit les pompiers, les propriétaires, les services de l'Etat, les associations, les groupes privés et bien entendu les services de police. Notre application Neighbors – c'est aussi le nom que Ring donne à ses clients, disponible aux US, simplifie ces échanges en permettant au voisinage d'échanger et de partager différentes informations. Il ne s'agit pas forcément d'informations liées à des faits criminels. Les utilisateurs peuvent par exemple l'utiliser pour alerter sur la perte de leur animal domestique. Par ailleurs, les forces de l'ordre n'ont accès aux enregistrements vidéo des clients de Ring que si ceux-ci ont souscrit à l'option Ring Protect Plan et acceptent de partager les enregistrements.

Concrètement, dans quelles conditions les services de police peuvent-ils accéder aux vidéos enregistrées par des caméras Ring ? (Amazon a reconnu dans un courrier en juillet 2022 avoir transmis sans autorisation des utilisateurs des enregistrements aux autorités dans des situations d'urgence à onze reprises)

Prenons le fonctionnement actuel dans la plupart des pays : si des services de police ont besoin d'accéder à des vidéos enregistrées avec vos appareils, ils vont sûrement se rendre à votre domicile et vous demander votre autorisation pour y accéder. Cette méthode est très coûteuse et chronophage. De plus, elle n'est pas anonyme. Notre système fonctionne différemment. En cas d'incident ou de crime dans votre quartier, nous vous informons via l'application et vous proposons de partager, ou non, vos enregistrements. A aucun moment les services de police ne sont au courant qu'il vous a été demandé de partager ces fichiers ou que vous avez refusé, le cas échéant. L'intégralité du procédé est complètement anonyme et l'utilisateur est libre d'accepter ou non. En général, beaucoup de nos utilisateurs acceptent de partager ces informations car ils souhaitent contribuer à rendre leur quartier plus sûr. 

Comment voyez-vous Ring évoluer dans les années à venir ? Prévoyez-vous de développer des produits davantage orientés vers la cible professionnelle ?

Ring est aujourd'hui l'entreprise qui dispose des meilleurs dispositifs de sécurité résidentielle au monde et de la meilleure interface utilisateur. Nous comptons déjà parmi nos clients des entreprises sans avoir véritablement de stratégie dédiée envers les professionnels. Il est clair qu'il s'agit d'un relais de croissance important pour nous. Nous ajouterons sûrement des fonctionnalités pour cette cible BtoB, mais tout en restant une entreprise orientée vers les particuliers.

Jamie (James) Siminoff est le fondateur et CEO de Ring. Il crée la première sonnette vidéo Wi-Fi au monde en 2011 dans son garage, baptisée à cette époque DoorBot. En 2013, Ring est lancé puis racheté en 2018 par Amazon. Auparavant, il avait fondé et vendu plusieurs entreprises, dont PhoneTag, la première entreprise de transcription de la messagerie vocale, et Unsubscribe.com, un service visant à aider les utilisateurs d'email à nettoyer leur boîte mails des messages commerciaux. Il est diplômé en Entrepreneuriat du Babson College.