Pierre-Etienne Bardin (La Poste) "Nous voulons renforcer la lutte contre la fraude à la carte bancaire à La Banque Postale"
À l'approche de la Nuit du Directeur Digital, le CDO du groupe La Poste revient pour le JDN sur un projet majeur qu'il a conduit en 2018 dans le cadre d'un programme de transformation numérique lancé il y a quatre ans.
Le JDN propose pour la cinquième année consécutive un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.
JDN. Quel est le projet le plus important sur lequel vous avez travaillé en 2018 ?
Pierre-Etienne Bardin. Je suis arrivé à La Poste il y a à peine plus d'un an pour y occuper des fonctions transversales en matière de transformation numérique. Mon objectif est que l'ensemble de ses branches deviennent data driven tout en poursuivant un programme lancé il y a déjà quatre ans.
Parmi nos projets en cours, l'un des principaux concerne La Banque Postale où nous avons identifié quatre grands leviers d'accélération : rendre les ressources rares plus disponibles autour des données et faire davantage collaborer entre eux nos 260 000 salariés, dont 20 000 à La Banque postale ; trouver un langage commun pour gérer ces différentes données comme un élément du patrimoine de la Poste ; constituer une sorte de data lake autour du big data - connaissance client, plate-forme big data industrielle, ressources patrimoniales ; développer l'intelligence artificielle afin d'améliorer l'efficacité opérationnelle et la création de nouveaux services, notamment à travers notre filiale ProbaYes spécialisée dans la santé, les véhicules autonomes, la défense ou la logistique. Cette dernière entité (60 personnes basées à Grenoble) n'intervient d'ailleurs pas que pour le compte de La Poste mais aussi pour d'autres clients extérieurs, notamment dans l'industrie 4.0.
Et qu'est-ce que cela donne concrètement ?
Nous avons quatre axes d'amélioration : lutter plus efficacement contre la détection de fraude à la carte bancaire, transposer nos innovations aux branches métiers du groupe, introduire un moteur d'intelligence artificielle connecté à La Banque Postale (ainsi qu'à la Société générale, ndlr) et procéder par acculturation, notamment par le biais du e-learning, à l'intérieur de l'ensemble du groupe.
Nous faisons pour cela appel à trois éditeurs de logiciels spécialisés : Cloudera pour le big data, Dataiku pour les initiatives issues de start-up et Tableau Software pour la restitution de données issues du big data dans un contexte où nos applications d'intelligence artificielle sont en open source.
Au total, le premier cercle des collaborateurs concernés dans le groupe est d'environ 700 personnes et près de 3 000 avec l'ensemble des équipes projet. Ce programme est d'ailleurs en train de s'achever. Ensuite, nous passerons au plan 2020/2023 avec une échéance plus lointaine dans le cadre du futur programme La Poste 2030.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans le déploiement de ce programme ?
Il y a toujours un biais culturel pour faire partager des données à des dizaines de milliers de collaborateurs, cela nécessite de casser certains silos. On peut faire évoluer les mentalités, notamment par le biais de la montée en compétences et de la formation. Il y a aussi la question de la qualité des données sur laquelle nous travaillons beaucoup, notamment leur labellisation et leur facilité d'accès, y compris pour les données non-structurées, et le choix d'un prestataire en termes de patrimoine de données. Une sélection est en cours même si ce choix n'interviendra pas avant l'automne prochain.
Quel est votre budget et de combien de collaborateurs disposez-vous ?
J'ai plusieurs budgets spécifiques, soit une vingtaine de millions d'euros par an pour divers leviers d'accélération, y compris à travers notre filiale ProbaYes en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Cela représente au total une centaine de collaborateurs directs. Au plan hiérarchique, je dépens de la branche communication et transformation numérique de La Poste, autrement dit de Nathalie Collin, DGA du groupe.
En résumé :
Pourquoi ce projet est-il innovant ?
"Ce projet est innovant car il fait appel aux technologies les plus avancées en termes de données et de détection des fraudes."
Pourquoi ce projet est-il stratégique ?
"Parce qu'il contribue à répondre aux enjeux de La Banque Postale en matière de lutte anti-fraude et de sécurité financière. C'est un sujet important de la transformation numérique du groupe. L'effort contre ce type de criminalité est souvent mutualisé avec d'autres banques de la place."
Pourquoi ce projet est-il transformateur ?
"Parce qu'il nous permet de mieux appréhender les nouvelles technologies en créant de la valeur et en améliorant les processus internes. Il faut toujours des early adopters pour faire tache d'huile dans l'ensemble du groupe".
Pourquoi ce projet est-il accélérateur ?
"Parce que l'on démontre que les nouveaux leviers de création de valeur sont naturels et pertinents, notamment en matière d'efficacité opérationnelle et de réduction des coûts."