Chris Pangilinan (Uber) "Uber a vendu plus de 50 000 tickets de transport en commun à Denver"

Du calcul d'itinéraires à la vente de billets, le directeur de la politique mondiale de transports publics d'Uber explique au JDN ses ambitions dans le secteur et les modèles économiques envisagés.

JDN. Après une première expérimentation à Denver, Uber a commencé à généraliser l'affichage des transports en commun associés à un calculateur d'itinéraire dans l'appli, aux côtés des VTC et du free-floating. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Chris Pangilinan dirige la politique mondiale de transports publics d'Uber. © Uber

Chris Pangilinan. Depuis janvier, nous avons lancé cette fonctionnalité dans neuf villes, qui font partie de nos plus gros marchés : Boston, Londres, Chicago, San Francisco, Mexico City, Paris, New York, Washington et New Delhi. Nous la proposerons dans quatre villes supplémentaires d'ici la fin de l'année.

Cette option est souvent enterrée assez bas dans les modes proposés par l'appli, de sorte que l'utilisateur qui ne scrolle pas pourrait ne jamais l'apercevoir. Prévoyez-vous de lui donner davantage d'exposition ?

Nous réalisons des tests pour voir comment les utilisateurs interagissent avec. Nous sommes toujours en phase d'apprentissage. Selon l'endroit et l'heure, l'option peut s'afficher en troisième position (donc visible sans avoir besoin de scroller, ndlr) et même en première, en fonction du trajet le plus pratique, des transports en commun disponibles, mais aussi de vos propres habitudes de voyage.

L'élément clé pour que cette fonctionnalité décolle est la possibilité d'acheter ses tickets directement dans l'appli, ce qui est seulement possible à Denver. Est-ce prévu ailleurs ?

Le paiement est vital car il permet de prendre les transports publics sans quitter l'appli Uber. Mais c'est plus difficile à mettre en place que le calcul d'itinéraire. Car si des standards existent pour l'open data sur les données de transports, ce n'est pas le cas du paiement. Chaque opérateur et autorité de transport est différente, tout comme leurs prestataires. Nous voulons proposer l'intégration jusqu'au paiement dans les autres villes aussi. A Paris, nous n'avons pas encore réalisé d'avancées concrètes à ce sujet.

Quel est le modèle économique de cette nouvelle activité ? Allez-vous prélever des commissions sur les ventes de billets ?

A Denver, nous ne prélevons aucune commission, c'est Masabi, le partenaire de Denver spécialiste de la vente de billets, qui en prend une. Pour l'instant, rien n'est arrêté, mais il pourrait y avoir une manière de trouver  un modèle économique autour de la vente de tickets si nous permettons à une autorité de transport d'améliorer ses ventes. Nous avons vendu plus de 50 000 tickets via l'appli Uber à Denver.

Cette approche est-elle reproductible en Europe ? Croyez-vous que les villes vont vous laisser vous rémunérer sur des transports publics subventionnés et déficitaires ?

"ll pourrait y avoir un modèle économique autour des tickets si nous permettons d'améliorer les ventes"

Elles ne perdent pas forcément d'argent. En Europe, de nombreux appels d'offres sont organisés dans les transports publics pour travailler avec des entreprises privées, alors qu'ils sont beaucoup plus gérés par le secteur public aux Etats-Unis. L'Europe est donc plus ouverte à la collaboration avec le privé. Lorsque je travaillais pour des autorités de transport (à New York et San Francisco, ndlr), j'étais ravi de pouvoir vendre davantage de billets. Les acteurs des transports publics sont toujours aux prises avec une question : qui possède les clients et l'expérience client ? J'aimerais voir un monde dans lequel le secteur public nous considérerait comme un partenaire pour améliorer cette expérience et un facilitateur qui leur apporte davantage de clients.

Une grande partie des usagers des transports en commun ont déjà des abonnements et n'ont donc pas besoin de vous pour y accéder. Voulez-vous vraiment les aider à réaliser qu'ils pourraient prendre les transports au lieu d'un Uber ?

Notre réflexion à moyen et long terme est que si nous pouvons donner au client ce dont il a besoin, nous en tirerons avantage. Souvent, les transports en commun sont plus rapides et moins chers que les VTC. On ne peut pas prendre un Uber X tous les jours. C'est pour cela que nous offrons davantage d'options comme les vélos, les trottinettes, et désormais les transports en commun. Evidemment, cela comporte des risques. Mais nous constatons que les villes dans lesquelles Uber rencontre le plus de succès, comme Paris, New York ou Londres, sont celles où les habitants utilisent beaucoup les transports en commun. Par ailleurs, cela participe à un plus grand plan pour réduire l'utilisation de la voiture individuelle. Si nous y arrivons, nous pensons qu'à long terme ces utilisateurs seront plus susceptibles de commander des VTC ou de la nourriture sur Uber Eats.

C'est donc une fonctionnalité sans modèle économique uniquement conçue pour maintenir les utilisateurs dans l'appli Uber ?

Je ne dirais pas qu'il n'y a aucun business model. C'est vrai qu'elle ne génère pas de revenus directs, mais c'est une première étape pour offrir des options de transport supplémentaires.

Chris Pangilinan est le directeur de la politique mondiale de transports publics d'Uber. Ingénieur des transports de formation, il travaillait auparavant dans les transports en commun, notamment pour les autorités de transport de New York et San Francisco ainsi que le département des Transports américain.