MaaS : comment organiser une mobilité technologique, collaborative et durable ?

Une application MaaS doit s'appuyer sur une plateforme qui agrège de nombreuses données ainsi que de nombreuses fonctions technologiques – comme les algorithmes de personnalisation et un compte de mobilité unique.

En décembre 2019, la loi d'orientation des mobilités (LOM) ouvrait la porte au Mobility as a Service (MaaS) avec une ambition : rendre les transports du quotidien à la fois plus faciles, plus économiques et plus propres. Une transition qui ne peut s'effectuer du jour au lendemain et nécessite de renforcer le rôle des Autorités Organisatrices des Mobilités (AOM).

Qu'est-ce que le MaaS change à nos vies de voyageurs ?

Le Mobility as a service est un concept qui intrigue : les médias en parlent, les entreprises spéculent, les entreprises technologiques s’affutent, les AOM promettent. Et pourtant, au quotidien, nous continuons de prendre le train ou le métro comme d’habitude, ou presque. Concrètement, qu’est-ce que le MaaS va donc changer à nos vies ? Désormais, nous attendons d’être guidés tout au long de notre trajet et de pouvoir passer d’un mode de transport à l’autre de façon fluide et rapide. En sortant du métro, nous voulons être sûrs qu’une trottinette ou un vélo nous attende pour poursuivre le trajet et c’est là tout l’intérêt du MaaS : proposer des trajets personnalisés et attractifs, réserver nos moyens de transport successifs et fluidifier les transitions entre métros, bus, trottinettes…

Pour y parvenir, certaines applications mobiles existent déjà – qu’elles soient développées par Google, Apple, Citymapper, Uber, la SNCF, la RATP ou même une collectivité territoriale (ville, communauté de communes, région) – en vue de créer notre voyage. Comment ? Grâce à un système intelligent capable de nous prendre en main d’une porte à l’autre et de nous proposer des options personnalisées : choix du mode de transport le plus écologique, le plus confortable, le plus rapide ou le plus économique. Ces propositions tiennent compte de nos habitudes et de l’état du trafic. Le choix du voyageur peut aussi être influencé par des dispositifs d’incitation financière comme le Forfait Mobilités Durables qui oriente les voyageurs vers les modes de transports écoresponsables privilégiés par l’Autorité Organisatrice des Mobilités. Ces dispositifs financiers peuvent être intégrés dans les applications MaaS grâce à des mécanismes de bonus / malus analogues à des points de fidélité que l’AOM accorderait à chaque voyageur au travers d’un compte de mobilité unique.

Pour offrir tous ces services, une application MaaS doit s’appuyer sur une plateforme qui agrège de nombreuses données - comme les plans de transports, l’état du trafic temps réel d’une part et les préférences utilisateurs, les bonus/malus prévus par l’AOM d’autre part – ainsi que de nombreuses fonctions technologiques – comme les algorithmes de personnalisation et un compte de mobilité unique.

La construction d’un MaaS nécessite donc de tisser des partenariats avec les acteurs publics et privés pour organiser le partage des données et la mise en commun des technologies. Les facteurs clés de succès pour permettre l’émergence d’une telle plateforme seront la gouvernance et l’animation des acteurs de l’écosystème qui, comme nous allons le voir, doivent être portées par l’AOM.

Vers une gouvernance collaborative des mobilités ?

Autrefois organisée par mode de transport, la mobilité évolue désormais vers un écosystème intégrant un large panel d’options pour les voyageurs : covoiturage, autopartage, vélos et trottinettes, transport à la demande viennent ainsi compléter les traditionnels trains, métros, trams, bus et voiture particulière. Une multitude de choix qui fait écho à la multiplication des canaux d’information tels que Waze, Citymapper, Lignesdazur.com ou encore Oui.sncf.

En conséquence, chaque acteur ambitionne de devenir la plateforme d’agrégation la plus complète en se positionnant en point d’entrée unique du parcours du voyageur, puis en sous-traitant tout ou partie de la production du transport. C’est là que les AOM affichent une triple légitimité : démocratique, juridique et de fait. Pourquoi ? Parce que seul un acteur public peut être en mesure de devenir l’intégrateur de la mobilité sur un territoire donné, le MaaS ayant lui-même vocation à agréger de nombreuses offres issues de transporteurs multiples, associées à une information voyageur et à une billettique multimodales. Seul l’acteur public est légitime pour assurer l’adéquation entre l’offre de service de transports et la demande ; de même, seul l’AOM a la légitimité pour organiser le marché des services MaaS et assurer leur adéquation avec les besoins du territoire.

En ce sens, les AOM rendent possible une mobilité ouverte et inclusive, axée sur la notion de services publics et non sur la rentabilité économique : accessibilité pour tous les voyageurs, y compris les personnes à mobilité réduite ou éprouvant des difficultés de lecture, desserte de l’ensemble du territoire, tarification identique, promotion des modes de déplacement écologiques, etc.

Toutefois, il reste aux AOM à se doter d’une légitimité technique par le biais de plateformes MaaS performantes, c’est-à-dire capables de fournir aux voyageurs un service "sans couture", fluide de bout-en-bout, et une qualité d’expérience homogène tout au long du parcours utilisateur : information voyageur, calcul d’itinéraire, billettique, production du transport, appariement de l’offre et de la demande de mobilité…

Une performance technique qui émane le plus souvent du secteur privé et plus particulièrement des entreprises technologiques. C’est pourquoi les AOM ne peuvent atteindre ce but seules mais en co-construction avec l’ensemble des acteurs présents sur leur territoire : d’une part, les transporteurs, qui maîtrisent l’offre de transport et disposent du savoir-faire industriel ; et d’autre part, les entreprises et associations d’usagers, qui peuvent influer sur la demande de transport (limitation de la mobilité, lissage de la pointe par le décalage des horaires de travail…).  Les autorités doivent enfin capter et qualifier la demande de mobilité des différents publics pour concevoir, dans un mode collaboratif, des offres adéquates et programmer les investissements les plus adaptés.

Ainsi, dans un MaaS public, l’ajustement de l’offre à la demande se réalise au moins autant par la collaboration de l’ensemble des acteurs du territoire que par des algorithmes. On est loin du "walled garden’’ (écosystème fermé) et l’avenir est donc à la gouvernance collaborative des mobilités et aux partenariats technologiques public / privé. La réussite de cette gouvernance public-privé s’illustre notamment à travers la réussite du projet COMMUTE conduit par la Métropole de Toulouse et ses partenaires, acteurs publics et privés, qui parviennent à concilier attractivité du territoire et mobilité, en facilitant notamment le recours aux modes de transport minimisant les incidences écologiques grâce à des décisions conjointes transporteurs / métropole / employeurs éclairées par une analyse fine des données de mobilités du territoire.