Industrie du cycle : des opportunités en période de turbulences

L'industrie du cycle connaît d'importantes dichotomies entre très fortes ventes suite au déconfinement, et des réductions jamais vues lors des soldes de janvier. Décryptage de la situation économique

Après une très forte demande (plus de 30% de ventes en trois ans) marquée par le déconfinement, l’industrie du cycle connaît une période difficile avec des problèmes de stocks et de trésorerie. L’engouement post-pandémie pour le vélo a entraîné des ruptures de chaînes d’approvisionnement, qui ont conduit à des commandes surdimensionnées par prudence. Ces dernières ont elles-même conduit à une rationalisation de la demande (dû à la réouverture des transports en commun, de l'hiver, de l'allongement des délais de livraison) ainsi qu’à des stocks gonflés. 

Ainsi, lorsque les détaillants ont vu la demande de vélos s’intensifier, ils ont augmenté leurs commandes afin d’assurer leur stock – nous estimons ces augmentations à hauteur de 25%. Lorsque les commandes ne sont pas arrivées à temps – délais de livraison multipliés par 3, 4 ou plus pour certains composants – les détaillants ont commandé la même quantité à d’autres fournisseurs afin de leur permettre d’assurer un certain niveau de volume d’affaires. Les marques ont donc fait de même, demandant aux usines de fabriquer plus que ce dont elles auraient normalement eu besoin, nous estimons cela à hauteur de 70%.

Nous arrivons ainsi à une période où, deux ans plus tard, les pièces manquantes sont arrivées, les usines ont rattrapé les commandes en souffrance, les cargos ont pris la mer, les grèves portuaires ont pris fin. Au même moment, en 2022, l’industrie du vélo subit les répercussions de l’inflation et de la guerre en Ukraine. Les coûts de revient des vélos ont ainsi augmenté de 20%. Cela se traduit par une augmentation du coût des matières premières : selon CONEBI (Confederation of the European Bicycle Industry), le prix de l’aluminium a augmenté de 100% depuis mars 2020. De même pour le prix de l’acier (+50%), de la fibre de carbone (+30%), du caoutchouc (+70%) et du lithium (+400%).

Aujourd'hui, en 2023, alors que tous les entrepôts et les magasins ont leurs stocks pleins, nous assistons à des discours sur la récession et l’inflation qui bloquent les portefeuilles des particuliers, et faisons face à une baisse de la demande des consommateurs (qui reste à des niveaux relativement élevés pour le vélo à assistance électrique, mais en forte baisse pour le vélo musculaire). Parallèlement, le marché des vélos d’occasion, notamment en ligne, a le vent en poupe.

Un coup dur pour la filière, mais que pour un temps

Les distributeurs et magasins de vélos font ainsi face à une double problématique : des sur-stock et des problèmes de trésorerie alors que la saison n’a pas commencé. Pour remédier à cela, leur seule option est de brader leurs prix. Ainsi, tous les acteurs de l’industrie du cycle – fabricants, distributeurs, revendeurs –  sacrifient leurs marges et leur trésorerie afin de faire du financement de stock. La promotion moyenne sur le prix d'un vélo est environ 3 fois plus importante qu’en temps normal.

Ayant souvent des caractéristiques similaires, les vélos ont tous tendance à suivre la même baisse de prix. Néanmoins ce n’est pas le cas lorsqu’ils ont des caractéristiques techniques vraiment différenciantes (par exemple transmission par courroie, vélos connectés qui permettent une vraie différenciation dans l’expérience d’usage du vélo, dispositif de lutte contre le vol, fonctionnalités de sécurité pour l’usager, amélioration de l’expérience de pédalage avec le passage automatique de vitesse…). Comme peu de vélos sont différenciés, le marché est donc tiré vers le bas. Lorsque la crise sera terminée et que les stocks se seront écoulés, l’augmentation du prix des matières premières sera sûrement prise en compte à sa valeur réelle, le prix final va donc bondir. C’est le moment de faire une belle affaire !

De belles ventes en perspectives mais peu de marge pour l’industrie

Si le début de l’année 2023 affichait des marqueurs plutôt négatifs, toutes les études prouvent pourtant que le marché du vélo est sain, avec une forte dynamique, due à la transition vers une mobilité plus durable. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé le 20 janvier 2023 le lancement d’un premier financement de 100 M€ pour des projets d’infrastructures cyclables, et ce dans le cadre du Plan Vélo et Mobilités Actives annoncé par Elisabeth Borne le 20 septembre 2022, d’un montant total de 250 M€. On observe la même tendance à l’échelle de l’Union Européenne. En effet l’ECF (European Cyclist Federation) appelle à l'adoption d'une stratégie cycliste européenne globale, en collaboration notamment Cycling Industries Europe et la Confédération de l'Industrie Européenne de la Bicyclette.

L'aménagement de la part des villes et des collectivités suit son cours, ce qui prouve qu'il n'y pas de décroissance au niveau du marché vélo. Toutefois, la filière doit se structurer et se doter d’un observatoire afin de bénéficier de prévisions plus fines et d’éviter de reproduire le schéma post-pandémique.

Le secteur n’a pas le choix que de s’adapter et de  trouver un équilibre pour 2023-2024. Pour les marques, il s’agit de deux stratégies qui s’opposent : soit adopter une stratégie attentiste qui peut peser sur sa trésorerie sur et attendre que cela passe, soit être acteur de son destin et travailler sa différenciation pour à court et moyen terme regagner en marge et séduire plus de cyclistes !