Sophie Marot-Rémy (Euler Hermes) "Notre API est une nouvelle façon de vendre de l'assurance"

Alors que la Nuit du Directeur Digital se rapproche, la chief digital officer d'Euler Hermes présente au JDN le chantier majeur qu'elle conduit pour transformer l'entreprise.

JDN. Comment Euler Hermes s'est-il adapté à l'évolution du e-commerce BtoB ?

Sophie Marot-Rémy est la CDO d'Euler Hermes. © Euler Hermes

Sophie Marot-Rémy. Les pratiques de l'e-commerce grand public se transposent aujourd'hui dans le monde BtoB, avec un phénomène de rattrapage très rapide. Selon une étude de PwC, 16 % des PME françaises souscrivent aujourd'hui à une assurance en ligne. Elles seront 41 % d'ici fin 2022. L'autre tendance de fond porte sur la mutation des échanges commerciaux et l'essor de places de marché BtoB. De la location de grues à la vente de sacs de ciment ou de prestations, un grand nombre de biens et de services peuvent déjà transiter sur des marketplaces professionnelles.

Le marché est encore émergent mais connaît un fort développement. Ces marketplaces sont tenues par des "pure players", comme Amazon Business ou CdiscountPro mais nous voyons aussi apparaitre des acteurs traditionnels du BTP.

Pour se démarquer, ces marketplaces doivent proposer des services additionnels à valeur ajoutée à leurs clients entreprises en offrant par exemple des facilités et des délais de paiement. C'est là que nous intervenons. L'assurance-crédit proposée par Euler Hermes protège les entreprises contre le risque d'impayé. Elle peut ainsi être un argument commercial supplémentaire et un vecteur de confiance sur une plateforme. A la condition de s'intégrer facilement dans un parcours, à la manière d'une assurances voyage dans la vente d'un billet de train.

Comment avez-vous adapté votre offre à cette nouvelle donne ?

D'un côté, nous construisons de nouveaux parcours de souscription adaptés à la vente en ligne. Nous avons ainsi digitalisé notre offre d'assurance contre la fraude pour les PME avec un questionnaire simplifié et la possibilité de signer son contrat en ligne. De l'autre côté, nous travaillons à l'intégration de nos offres directement dans des plateformes externes existantes. Nous avons développé pour cela une API à destination des marketplaces, des fintech, mais aussi d'acteurs plus traditionnels comme les factors. Baptisée Single Invoice Cover, elle détermine, en temps réel, la possibilité ou non de couvrir une facture de manière unitaire. Pour analyser le risque, évaluer la solvabilité du créancier et déterminer en conséquence le prix de la couverture d'assurance, l'API interroge notre système d'informations.

Pour notre premier test, nous avons travaillé en co-innovation avec la startup Metalshub, spécialisée dans le négoce de métaux. Sur sa marketplace, des sociétés viennent acheter des métaux pour des montants s'élevant à des dizaines voire des centaines de milliers d'euros. Cette API est véritablement une nouvelle manière de proposer de l'assurance. Ce premier partenariat en appelle d'autres. Nous rencontrons beaucoup d'acteurs et découvrons de nouveaux modèles économiques. Cela demande des adaptations continues mais tout le monde est convaincu du bien-fondé de la démarche.

Quelles étaient les parties prenantes de ce projet ?

Cette API, de même que nos projets de vente en ligne, sont de belles réussites collectives. Bien sûr, ils ont été conçus avec des développeurs mais ils impliquent tous les métiers traditionnels de l'assurance car ils posent des problèmes assurantiels et juridiques mettant en jeu des actuaires, des juristes, des spécialistes de la souscription et du risque... Tous ces acteurs ont travaillé ensemble en recourant aux méthodes agiles.

Ces projets constituent un vrai virage pour nous. Ils changent notre approche, requestionnent nos produits existants et l'expérience client. En venant assurer des besoins précis, le principe de mutualisation des risques sur lequel est basé le business model traditionnel de l'assurance est remis en question. Cette personnalisation est déjà à l'œuvre dans l'assurance automobile avec l'assurance au kilomètre et plus récemment du "pay how you drive" où la prime est entre autre ajustée en fonction du comportement du conducteur au volant

Face à ces bouleversements profonds, il nous a semblé indispensable d'accompagner notre stratégie de transformation d'un programme d'acculturation au numérique afin d'embarquer tous les collaborateurs, aux côtés de la DRH et de la direction de la communication. Plus de 700 personnes ont été formées en France en 2017. Si notre API devient une nouvelle offre sur étagère, nos commerciaux devront savoir vendre un produit mêlant assurance et technologie, ce qui demande de nouvelles compétences. Enfin, nous sensibilisons nos courtiers traditionnels sur les mutations à venir pour qu'ils puissent accompagner leurs clients au changement.

En résumé

  • Pourquoi ce projet est-il innovant ?

L'API développée par Euler Hermes permet de s'intégrer à des circuits de distribution d'acteurs tiers. Elle permet de déterminer, en temps réel, la possibilité ou non de garantir une transaction commerciale puis de fixer un prix pour cette assurance.

  • Pourquoi ce projet est-il stratégique ?

Ce projet répond à la montée en puissance de la souscription d'assurance en ligne et à l'essor des marketplaces B2B. En intégrant la couverture du risque de crédit, Euler Hermes propose à ces plateformes un facteur différenciant.

  • Pourquoi ce projet est-il transformateur ?

Avec cette API, les marketplaces deviennent un nouveau canal de distribution. Plus globalement, le projet requestionne le positionnement des offres existantes et change le métier traditionnel d'assureur, basé sur le principe de mutualisation.

  • Pourquoi ce projet est-il accélérateur ?

Le projet a associé des développeurs et les métiers traditionnels du groupe (actuaires, juristes…), travaillant de concert grâce aux méthodes agiles. Il s'inscrit dans le cadre de la transformation numérique d'Euler Hermes incluant un vaste programme d'acculturation au digital.

Le JDN propose pour la quatrième année consécutive le 19 juin prochain un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.