Luc Barnaud (Natixis) "Avec la blockchain, nos clients pourraient mettre des documents dans un coffre-fort digital"

A l'approche de la Nuit du Directeur Digital, le CDO de Natixis revient sur le développement d'une plateforme d'entrée en relation avec la grande clientèle.

Le JDN propose pour la cinquième année consécutive un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.

JDN. Quel est le projet le plus innovant que vous avez mené en 2018 ? 

Luc Barnaud, chief digital and technology officer de Natixis. © Natixis

Luc Barnaud. Nous avons créé Client Pass, une plateforme digitale d'entrée en relation client destinée à nos collaborateurs et à nos clients grandes entreprises et institutions financières internationales. L'entrée en relation est un moment clé et complexe car il doit répondre à des exigences réglementaires fortes et différentes d'un pays à l'autre. Il faut par exemple s'assurer que le client ne soit pas soumis à des embargos et il y a aussi un enjeu fort de lutte contre le blanchiment. A tel point que ce processus pouvait prendre de nombreuses semaines voire des mois avant de pouvoir traiter des opérations avec le client.

Notre portail Client Pass permet à nos clients de suivre toutes les étapes d'entrée en relation, de la remise de documents à leur vérification, en passant par la gestion des délégations et la signature électronique. L'outil s'adapte au pays où sont effectuées les transactions et contextualise le parcours pour coller à la réglementation locale. Dans un souci de symétrie des attentions et d'efficacité, nos collaborateurs utilisent aussi la plateforme pour gérer et suivre l'ensemble des étapes.

Comment a été mené ce chantier en interne ?

Nous l'avons démarré en 2017 en mode collaboratif entre les différentes équipes concernées, à savoir les équipes commerciales, les services risques, juridiques et conformité ainsi que les équipes du digital et technologie. Nous avons travaillé en mode design thinking et avons intégré des clients et des utilisateurs internes tout au long du projet. Pour la réalisation de la plateforme, nous avons fait appel à nos propres équipes de développeurs et de designers, et nous nous sommes appuyés sur Fenergo, une fintech irlandaise spécialisée dans le KYC (know your customer, ndlr), dont le moteur gère les étapes successives de l'entrée en relation. Sur la signature électronique, nous avons fait appel à la solution Universign. La phase pilote a démarré l'été dernier avec une dizaine de clients et nous avons ouvert la plateforme fin 2018. 

Qui utilise la plateforme ?

Aujourd'hui, la plateforme est utilisée par près de 2 000 collaborateurs de Natixis, et plus d'un millier de dossiers y a été initié. Tous n'ont pas encore abouti mais on estime entre 20 et 30% le gain de temps par tâche, sans compter la plus grande fluidité entre les différentes phases du processus. On espère donc que cela réduira considérablement les délais d'entrée en relation et améliorera d'autant la satisfaction des clients.

Avez-vous rencontré des difficultés pour créer cette plateforme ?

Nous n'avons pas connu de grande difficulté. Nous nous sommes plutôt focalisés sur des points d'attention. Nous avons toujours fait en sorte de garder une démarche très client centric et avons fait un gros travail en interne pour faire travailler ensemble des directions qui contribuent à l'entrée en relation avec le client. Il a aussi fallu être vigilant sur l'aspect international car nous avons des entrées en relation depuis New York, Londres, Hong-Kong, Moscou… Enfin, il a fallu prendre le temps d'accompagner les 2 000 utilisateurs sur l'appropriation des nouveaux outils.

Quelle est la prochaine étape ?

Nous allons faire évoluer l'outil au fil du temps grâce aux retours des collaborateurs de Natixis et de nos clients. Grâce aux données générées par cette plateforme, nous allons pouvoir piloter finement notre performance et entrer dans un processus d'amélioration continu de ce nouveau service digitalisé.

"La plateforme d'entrée en relation client est utilisée par près de 2 000 collaborateurs de Natixis"

Notre solution est aussi conçue pour pouvoir tirer partie des évolutions futures. Nous pensons qu'une solution commune au monde bancaire va émerger sur les processus d'entrée en relation avec le client. Et la technologie blockchain serait une réponse car elle permet de sécuriser les pièces et les rendre infalsifiables. Avec la blockchain, les clients pourraient mettre différentes pièces administratives dans un coffre-fort digital distribué et sécurisé et délivrer, aux banques de leur choix, des "jetons d'accès" aux documents nécessaires. Ce schéma n'est pas théorique et nous avons déjà réalisé des POC avec des clients et la start-up R3 (éditeur de logiciels blockchains, ndlr). A terme, Natixis pourrait donc connecter Client Pass à ces coffres forts électroniques.

Résumé du projet :

Pourquoi est-il innovant ?

 "Client Pass apporte une vraie rupture. Là où les emails, les papiers et les multiples courriers étaient de rigueur, nous utilisons désormais des outils digitaux simplifiant la vie de nos clients et de nos équipes comme la transmission et la signature électronique de documents à valeur juridique. Notre solution est conçue pour pouvoir tirer parti des évolutions futures, notamment celles reposant sur des solutions mutualisées sur base de la technologie blockchain. "

Pourquoi est-il stratégique ?

 "L'entrée en relation représente un enjeu majeur pour la banque en raison des risques de non-conformité, des coûts et délais induits par ce processus et bien évidemment un enjeu commercial de satisfaction clients et de time to market. Client Pass nous a permis de déployer un processus homogène et conforme aux réglementations des pays où Natixis opère. Nous avons aussi réduit le coût lié à la gestion interne d'un process lourd et gagné en efficacité opérationnelle au quotidien "

Pourquoi est-il transformateur ?

 "C'est un cas d'école d'un projet mené en transverse et d'un déploiement en mode agile, là où traditionnellement les initiatives se faisaient en silos. Nous avons fait travailler ensemble des clients, nos équipes de la Banque de la Grande Clientèle et des fonctions support via une méthodologie de design thinking en faisant converger l'expérience des utilisateurs internes et externes de la solution. Cette nouvelle démarche transformera durablement et qualitativement les échanges entre nos équipes et les clients. "

Pourquoi est-il accélérateur ?

 "Que ce soit sous le prisme du change management ou de la digitalisation, l'acculturation en interne est primordiale pour initier des changements de transformation sur le long terme. L'accent que nous avons mis sur l'accompagnement des utilisateurs a été un accélérateur de savoir-faire que nous mettons à profit d'autres projets en cours "