Les ados : le nouveau champ de bataille des fintech

Les néobanques pour les moins de 18 ans fleurissent depuis plusieurs mois en Europe. Dernière entrée en date : la Britannique Revolut.

Le mois dernier, Revolut, l'une des plus grandes entreprises européennes de technologie financière (“fintech”), avec plus de 10 millions d'utilisateurs dans le monde, a lancé Revolut Junior. Cette application destinée aux enfants de 7 à 17 ans vise à leur apprendre à gérer leur argent de poche, sous la supervision de leurs parents. Avec Revolut Junior, Revolut propose un compte bancaire interdisant les découverts, assorti d’une application et d’une carte bancaire que l'enfant peut utiliser lui-même. S’ils le souhaitent, les parents peuvent recevoir des notifications lorsque leur enfant effectue des dépenses.

Une offre bancaire pour les ados et les enfants déjà bien étoffée  

En soi, ce n’est pas une révolution. Les grandes banques proposent déjà des comptes bancaires pour enfants qui rapportent des intérêts à ces derniers et leur permettent de régler des dépenses. Mais ils ne sont accessibles qu’aux enfants âgés d’au moins 11 ans. Monzo, la fintech rivale britannique de Revolut, ouvre également des comptes bancaires aux adolescents, mais uniquement à partir de 16 ou 17 ans. 

D’autres services tels que GoHenry (700 000 clients) et Osper ciblent les enfants à partir de 8 ans. Mais ils se limitent à des cartes d'argent de poche, en général assorties d'une cotisation mensuelle. Quand ces enfants deviendront adultes, ils passeront donc à un compte bancaire classique... dans un autre établissement. Revolut espère éviter cet écueil, en combinant les avantages d’une carte d’argent de poche avec une solution bancaire complète.

L’enjeu : fidéliser les clients le plus tôt possible

En effet, la plupart des gens restent fidèles à leur première banque toute leur vie. Les avoir pour clients le plus tôt possible est donc crucial, même si la rentabilité des activités bancaires associées aux enfants n’est pas énorme. Il est bien plus coûteux de tenter de convaincre les clients des banques concurrentes à en changer, que de les inviter à ouvrir leur premier compte bancaire. Lorsqu’ils auront 18 ans, les utilisateurs du service Revolut Junior se verront naturellement proposer l’offre réservée aux adultes.

En outre, ce marché n’est pas si inintéressant. Une étude, menée par F&C Investment Trust, révèle que plus de 70% des petits britanniques âgés de 6 à 11 ans affirment qu’ils ont constamment de l’argent liquide sur eux. La moitié explique que c’est “pour faire comme les grands”. Revolut veut également capitaliser sur les revenus croissants de la Génération Z. Rien qu'au Royaume-Uni, les personnes âgées de 6 à 18 ans ont empoché 4,5 milliards de livres sterling l'année dernière. Ces revenus proviennent essentiellement de leur argent de poche, mais aussi de leurs activités sur les médias sociaux. 

Des ados conquis, des parents complices

Pour les parents, l’intérêt de ces applications est évident. Les écoles n’enseignent pas aux enfants à gérer leur argent, et c’est à eux le plus souvent à eux qu’il incombe de le faire. De plus, les produits bancaires pour adolescents offrent des fonctionnalités pour inciter leurs enfants à épargner et d'autres pour leur permettre de superviser ses dépenses. Les parents peuvent souvent contrôler les commerçants chez lesquels leurs rejetons utilisent leur carte. Celle-ci interdit à leurs chères têtes blondes d’effectuer des achats dans des commerces dont l'accès est limité par l'âge.

Les solutions proposées par les fintech séduisent davantage cette clientèle d’ados qui a grandi un smartphone à la main, et pour qui les banques traditionnelles apparaissent procédurières. Les néobanques leur offrent souvent des solutions entièrement gérables en ligne, moins chères et plus innovantes, comme le robo-advising pour l’activité de conseils en investissement financier, qui est rappelons-le, une activité risquée... Les designs sont adaptés pour les séduire (cartes personnalisables, applications interactives…).

Les fintech françaises ne sont pas en reste

En France, les banques traditionnelles ont généralement elles aussi une offre destinée aux adolescents, et les banques en ligne ne sont pas en reste. Monabanq propose son “compte chèque jeune” pour les jeunes d’au moins 16 ans ; Boursorama a conçu Kador, un compte ciblant les ados de 12 à 17 ans de ses clients.

Mais on trouve aussi des fintech sur ce marché, telles la néobanque Xaalys, qui se consacre totalement aux ados âgés de 12 à 17 ans. Elle propose un compte bancaire payant (3 euros par mois plus un forfait de 10 euros pour la carte bancaire). Chez sa concurrente Pixpay, dont l’offre est similaire, l’âge minimum est même abaissé à 10 ans. Toutes deux fournissent une application miroir aux parents afin qu’ils puissent surveiller les activités bancaires de leurs enfants. Un troisième acteur, Kard, a même lancé une offre gratuite pour les 12 ans et plus, comprenant une carte Mastercard. A chaque utilisation, le compte du titulaire est interrogé pour vérifier qu’il dispose d’un encours suffisant. L’enjeu pour toutes consiste à capter le maximum de jeunes clients avant que les banques traditionnelles ne jettent toutes leurs forces dans la bataille. 

Néanmoins, la question de la profitabilité de ces fintech demeure ouverte. Le business-model des néobanques est largement basé sur les commissions d'interchange de 0,2 % prélevées sur les paiements par carte (et donc, réglées par les commerçants). Chez Kard, c’est même l’unique source de recettes. Et pour le moment, toutes ces fintech sont déficitaires...