Nicolas Debock (Idinvest) "Il y a toujours de l'argent disponible pour les start-up"

Le managing director du fonds de capital-risque français, qui sera présent au Saloon Private Equity le 17 septembre prochain, revient sur les derniers mois mouvementés dans la French Tech.

JDN. Vous participez au Saloon Private Equity, un événement en ligne dédié au private equity qui aura lieu le 17 septembre prochain. Quel est le message principal que vous souhaitez faire passer aux start-up ?

Nicolas Debock est managing director chez Idinvest Partners. © Idinvest Partners

Nicolas Debock. L'écosystème de la tech est passé à travers la crise du Covid-19 même si tout le monde a vécu des soubresauts. Depuis fin juin-début juillet, ça a l'air de repartir. Est-ce que c'est du long terme ou est-ce qu'une grosse crise économique va arriver ? Je ne sais pas. Concernant la chaîne de financement des start-up, à savoir le capital-risque, il y a toujours de l'argent disponible. Le fait que de nombreux VC, notamment des internationaux, se retrouvent dans un événement en est l'illustration.  

Comment avez-vous vécu ces derniers mois en tant que fonds de capital-risque ? Quels arbitrages avez-vous dû faire ?

J'ai l'impression que la plupart des fonds ont vécu cette période de la même façon. Dès qu'on a commencé à réaliser que l'économie était à l'arrêt et que de nombreux business allaient fortement être impactés, on a fait des boards urgence, même si la plupart étaient prévus puisqu'on était à la fin d'un trimestre. Nous avons parlé beaucoup plus fréquemment avec les entreprises de nos portefeuilles. Certes, notre métier consiste à trouver les bonnes boîtes, mais le travail qui nous prend le plus de temps est l'accompagnement des entreprises sur le long terme.

Quand il y a une grosse crise économique et sanitaire comme celle que nous connaissons, on se pose beaucoup de questions : faut-il réduire les coûts ? Est-ce qu'on profite d'être en hyper croissance pour accélérer ? Nous avons dû faire face à différents scénarios. Par exemple, nous avons dans notre portefeuille une société dont le métier est d'organiser des événements physiques, qui est donc passé à zéro de CA du jour au lendemain. A l'inverse, nous avons une société, sorte de House Party pour adolescents, qui pendant le confinement aux Etats-Unis a très bien marché avec des chiffres deux à trois fois plus gros que d'habitude.

Comment anticipez-vous la fin de l'année en termes de levées ? Est-ce que ça va être l'embouteillage ou au contraire plutôt calme ?

Comme de nombreuses start-up ont eu recours aux prêts garantis par l'Etat (PGE, ndlr), aides et bridges (instrument qui vise à financer des equity bridges entre deux levées de fonds, ndlr), elles ont donc moins besoin d'argent pour l'instant. Toutes celles qui ont pu récupérer du cash ces derniers mois ont décalé le moment de lever des fonds.

"Toutes les start-up qui ont pu récupérer du cash ces derniers mois ont décalé le moment de lever des fonds"

Peut-être que certaines vont même décaler ad vitam aeternam leur levée et qu'elles vont réussir à stabiliser leur modèle économique et devenir rentable. Tandis que d'autres ont levé juste de quoi passer la crise et vont se retrouver bientôt en besoin de cash. Certaines ont utilisé plusieurs mécanismes et repoussé la levée dans très longtemps. Même si le moment de lever est décalé, le PGE ne va de toute façon pas transformer des sociétés qui n'allaient pas bien en société qui va bien. Avoir de l'argent gratuit n'est pas un modèle économique.

Quelles tendances voyez-vous émerger depuis plusieurs mois dans l'univers des start-up ?

Nos actionnaires demandent à ce que nous investissions dans des entreprises qui respectent l'environnement, tout ce qui tourne autour de la RSE. Le monde de l'investissement change, de nouvelles personnes issus d'autres milieux arrivent. Et ce qui les intéressent c'est le changement climatique. Des solutions qu'on voyait beaucoup se développer avant le Covid-19 autour de la santé connectée et de la santé mentale vont accélérer. L'écosystème des API a mûri, l'exemple le plus connu étant Stripe dans le paiement. Ce qui inspire plein d'autres gens. Ensuite, on assiste à la "fintechisation" du monde. Pendant longtemps on a vu des fintech pures, des néobanques, des Lydia… Maintenant, on voit l'insertion de solutions financières dans d'autres services : des solutions pour financer le besoin en fonds de roulement des e-marchands, des outils de gestion de trésorerie aux PME... Tout cela est rendu possible grâce à la facilité d'accès aux comptes en banque via l'open banking et les API.  

Emmanuel Macron veut 25 licornes d'ici à 2025… Est-ce faisable ? Comment y parvenir ?

C'est faisable mais cela prend du temps de faire une licorne. L'Europe a les moyens de faire de très grosses sociétés même s'il y a un décalage avec la Silicon Valley et les Etats-Unis. On voit des entrepreneurs de plus en plus ambitieux, qui pensent très vite international. Et la taille des marchés grossit énormément.

"On voit des entrepreneurs de plus en plus ambitieux, qui pensent très vite international"

Si vous aviez lancé un logiciel de réservation de coiffeurs il y a quelques années, vous auriez pu construire une société avec un chiffre d'affaires de 10-20 millions d'euros car peu de gens avaient basculé en ligne. Aujourd'hui, tous les coiffeurs passent en ligne, ce qui fait que votre société pourrait enregistrer un chiffre d'affaires de 50-100 millions. Une fois que vous aurez atteint les 50-100 millions, il sera temps de rajouter des étages à la fusée pour devenir une licorne. Les tours de capital-développement sont de plus en plus nombreux. Les fonds qui pouvaient mettre 40-50 millions sur la table peuvent aujourd'hui en mettre 100. De plus en plus d'étrangers regardent l'Europe car ils disent qu'il est moins cher investir dans des sociétés en forte croissance. Même si c'est de moins en moins vrai puisque par conséquence ça fait monter les prix.  

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Nicolas Debock est managing director au sein de l'équipe Capital Innovation d'Idinvest Partners. Avant de rejoindre le fonds de capital-risque, il a passé sept années dans le venture capital chez Xange et Balderton, où il a réalisé de nombreux investissements en fintech, SaaS et marketplaces ,et a été en charge des marchés français et sud européen. Avant cela, il a été responsable des relations start-up pour Le Groupe La Poste.