Les bulles de données, danger numéro 1 des déploiements IoT à grande échelle

Les bulles de données, danger numéro 1 des déploiements IoT à grande échelle Avec la multiplication du nombre de capteurs, les entreprises doivent veiller à ce que chaque donnée IoT soit traitée et qu'aucune ne disparaisse dans la chaîne de remontée.

Les grands groupes se mettent au flex office, mais analyser les données de leurs espaces de travail ne s'est pas effectué sans difficultés. Malgré des capteurs de présence dans les bureaux par exemple, elles ne parvenaient pas à savoir lesquels étaient réellement occupés car les capteurs ne remontaient pas d'information. "Ces objets pouvaient être arrachés, déplacés ou ne plus fonctionner", explique un professionnel. Ces entreprises faisaient face à un problème de bulles de données, c'est-à-dire que des informations n'étaient pas traitées dans l'architecture IoT

Plusieurs raisons peuvent mener à la création de bulles de données : un capteur mal installé, la saturation du réseau, des données remontées à un mauvais emplacement dans le système… "Ce problème intervient car beaucoup d'entreprises ont voulu mettre des capteurs partout, ils reçoivent plein d'alertes différentes, ne savent pas forcément comment les traiter, et au final, ce n'est pas efficace", explique Mounir el Yagoubi, cofondateur d'AskSensors, une start-up française qui propose une plateforme IoT open-source. Dell Technologies observe également ce problème dans le cas d'industries qui ont plusieurs usines réparties dans le monde et qui ne parviennent pas à centraliser toutes les informations.

Les entreprises déployant des capteurs à grande échelle sont particulièrement exposées à la création de bulles de données. Pour PTC, fournisseur de technologies dédiées à l'IoT, l'accès à la donnée est le plus compliqué à organiser : "Il faut veiller à ne pas dupliquer une donnée déjà existante, savoir où la récupérer et comment la mettre à disposition des bons acteurs. La numérisation des processus explique ce problème, que l'IoT vient aggraver, car tous les systèmes n'ont pas été conçus pour intégrer des quantités importantes de données. Ce n'est cependant pas une problématique récente, elle se pose depuis près de trente ans dans l'industrie", détaille Greg Eva, IoT presales business development manager chez PTC, qui préconise une approche data-driven à ses clients. 

Manager l'ensemble des processus

Pour l'ensemble des acteurs interrogés, la situation la plus critique est celle des smart cities. "Il n'y a pas pire car elles rassemblent une multitude d'acteurs, souligne Greg Eva. La surveillance d'une rue par exemple intéresse la police, des prestataires comme Suez pour optimiser la collecte des déchets, ou la gestion de l'électricité. Il faudrait donc paramétrer l'accès à ces données en fonction du profil des acteurs et de l'utilisation qu'ils en font." Pour la ville de Dijon, qui a mis en place une plateforme unique destinée à optimiser les services publics, la création de bulles de données est donc l'un des challenges rencontrés. "L'objectif est de désilotter les services et de mélanger les interfaces pour y apporter de la valeur mais nous avons du mal à imaginer toutes les interconnexions à faire", reconnaît Pierre Andrade, directeur du digital chez Suez en France.

Pour éviter que les informations de capteurs ne se perdent, plusieurs solutions de détection existent. A commencer sur le hardware. "L'IoT a rendu simple le déploiement de capteurs mais le plus important est de fiabiliser la remontée de donnée. Nous voulons certifier que la chaîne qui remonte les données soit correctement analysée. C'est la raison pour laquelle nous avons un algorithme embarqué dans nos capteurs pour envoyer une alerte si un capteur de présence est arraché", raconte Pierre-Olivier Bessol d'Ubigreen, une solution qui conçoit des solutions de smart building et qui a déjà déployé plus de 100 000 capteurs auprès de ses clients. De même, l'entreprise ffly4u utilise de l'intelligence artificielle dans ses capteurs pour qu'ils puissent renvoyer automatiquement une donnée sur le réseau si elle se perd.

"Nos capteurs sont capables d'écouter le réseau"

Le réseau de communication représente un autre point d'attention car une saturation, si un grand nombre de capteurs envoient des données au même moment, peut entraîner la perte de data. "En plus de la mémorisation des données, nos capteurs sont capables d'écouter le réseau pour savoir quand les envoyer", explique Laurent Rousseau, PDG de Oceasoft, concepteur français de capteurs intelligents et connectés pour l'industrie, qui avance aussi la possibilité – plus onéreuse – d'effectuer des redondances ou de doubler le réseau.

Enfin, d'autres misent sur le logiciel pour l'orchestration des données. "Nous avons été confrontés à ce problème de perte de données avec le nombre d'images fournies par nos drones, submergeant le système. Nous avons ainsi créé un système capable de stocker, d'historiser, de structurer et d'exploiter les données. Eviter les bulles de données passe par un bon management des processus", assure Michaël de Lagarde, CEO du fabricant de drone Delair. Un avis partagé par Guillaume Bonneton, partner chez GP Bullhound, banque internationale d'affaires et de conseil dans le secteur technologique : "Pour que les systèmes ne se mettent pas en grippe, il faut à la fois un datalake propre, mais aussi mettre en place un système d'information décisionnaire qui va chercher les données, et non un système où les capteurs font parvenir une masse d'information à la plateforme." Un sujet d'autant plus important que l'organisme prévoit, dans son rapport "Smart manufacturing : the rises of machine" publié en juin dernier, un nombre de 75 milliards de capteurs IoT déployés en 2025.

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