Pour déconfiner en toute sécurité, l'IoT séduit industriels et grands groupes

Pour déconfiner en toute sécurité, l'IoT séduit industriels et grands groupes Les technologies de l'IoT ont été réorientées pour mesurer les distances entre les individus et faciliter le déconfinement. Des tests sont en cours en France et à l'étranger.

La distanciation physique d'au moins un mètre entre chaque individu est la première mesure indiquée dans le protocole de déconfinement à destination des entreprises, publié en France par le ministère du Travail. Un usage pour lequel les objets connectés ont une carte à jouer. "Pour certains secteurs comme l'industrie ou le bâtiment, le marquage au sol n'est pas efficace. Il leur faut une solution dynamique qui s'adapte à leurs contraintes", affirme François Kruta, cofondateur d'Ubudu, entreprise française spécialisée dans la géolocalisation indoor.

"Les employés sont généralement absorbés dans leurs tâches et ne se rendent pas compte s'ils respectent ou non la bonne distance. Ils apprécient davantage avoir une alerte automatique plutôt qu'une remarque d'un de leurs collègues", ajoute Cécile Schmollgruber, CEO de Stereolabs, société française experte dans les caméras 3D, qui a ajouté la fonction de mesure des distances à sa caméra Zed 2, lancée fin décembre 2019 sur le marché. Munie de capteurs haute résolution, la caméra de Stereolabs envoie les images sur une gateway pour les analyser avec des algorithmes de vision par ordinateur et d'intelligence artificielle. Si la distance entre deux personnes n'est pas respectée, la caméra passe par Echo, le haut-parleur intelligent d'Amazon, et de son assistant vocal Alexa pour diffuser une alerte sonore personnalisée. "Nous avons travaillé sur le message pour que l'usage ne soit pas désagréable", complète-t-elle.

Le son moins efficace dans l'industrie

Au-delà des caméras, différents objets connectés ont été mis au service de la distanciation physique. L'entreprise belge Rombit, l'une des premières à avoir annoncé un dispositif dédié à la situation de crise sanitaire, a choisi un bracelet connecté. "Rombit travaillait sur le bracelet Romware ONE dédié à la sécurité des personnes depuis près d'un an et demi et en était à la veille de son lancement lorsque l'épidémie s'est déclarée. Comme toutes les technologies nécessaires étaient en place pour une utilisation dédiée à la distanciation physique dans des environnements industriels, Rombit a réussi à ajuster le Romware ONE très rapidement", confie John Baekelmans, CEO de Rombit. Son nouveau bracelet Romware Covid Radius est basé sur la technologie ultra wideband (UWB) et ne nécessite ni localisation, ni transfert de données d'identification ou d'autres données personnelles. 

Le bracelet Romware Covid Radius vibre et s'allume quand une distance n'est pas respectée. © Rombit

Une première phase de test a commencé début mai au port d'Anvers. Huit personnes travaillant sur une des écluses du port (où il n'est pas aisé d'assurer une distance de 1,5 mètre entre les employés) utilisent le bracelet et en feront un bilan avant que l'usage ne soit étendu aux autres équipes. Lorsque deux travailleurs s'approchent trop près l'un de l'autre, leur bracelet se met à vibrer et affiche une lumière rouge. "Leur activité nécessite des vibrations et une lumière LED, car les sons sont moins efficaces dans les environnements industriels bruyants", souligne Lennart Verstappen, porte-parole du port d'Anvers.

La précision de la position pour garantir une bonne distance est ce qui a fait pencher Ubudu vers l'ultra wideband, assurant une efficacité à 30 centimètres près et permettant ainsi d'éviter les faux-positifs. "Quand nous avons réadapté notre tag de géolocalisation pour un usage de distanciation physique, l'enjeu a été de trouver des moteurs de vibration en stock suffisant pour effectuer une production de masse de l'équipement", précise François Kruta. Ubudu dispose d'ingénieurs à Paris, Varsovie, Singapour et Hong Kong, qui lui ont permis d'effectuer les ajustements en quelques jours seulement. Plus de 10 000 tags étaient déjà en précommande en France pour anticiper le déconfinement du 11 mai.

Ubudu propose deux modes de fonctionnement : un usage préventif pour lequel le boîtier vibre quand la distance n'est pas respectée, sans que les données du porteur ne soient remontées. Et une fonctionnalité avancée, où cette les données sont envoyées dans le cloud, pour une analyse présentée dans des dashboards. Une option pour permettre aux entreprises de déceler les moments de relâchement ou les zones où la distanciation est difficile à appliquer. L'utilisation de la caméra est ce qui a permis à Stereolabs de réaménager ses locaux pour assurer la distanciation physique.

Un usage sur le long-terme

Pour répondre aux besoins de la distanciation physique, seuls se démarqueront les acteurs disposant de stocks conséquents, assure François Kruta, chez Ubudu : "S'ils n'ont pas déjà une expertise et une solution prête à l'emploi en grand volume, les fournisseurs ne pourront pas se positionner sur ce créneau, pour lequel il faut une réponse rapide." Un avis partagé par Amélie Caudron, CEO d'Invoxia, fournisseur français de trackers GPS. "Plusieurs milliers de badges sont en cours de production après une semaine d'adaptation", indique-t-elle. L'entreprise teste avec un premier acteur du Cac 40 une solution sous forme de badge doté d'une connectivité hybride, en Bluetooth et en LoRaWAN. qui alerte en cas de non-respect des distances.

"La distanciation physique va s'ancrer dans les usages pendant plusieurs mois, voire des années"

Le marché s'annonce conséquent pour ces entreprises de l'IoT. "Le déconfinement commence en France, mais nous recevons aussi des appels à projet européens car tous les Etats sont concernés", se félicite Cécile Schmollgruber, chez Stereolabs. Rombit a pour sa part reçu plus de 2 000 demandes du monde entier, dont de grands industriels français. Les acteurs interrogés s'attendent par ailleurs à ce que la distanciation physique représente un usage sur le long terme. Des scientifiques de Harvard estiment que ces mesures seront nécessaires jusqu'en 2022. "La distanciation physique va s'ancrer dans les usages pendant plusieurs mois, voire des années", estime Amélie Caudron, chez Invoxia.

Au-delà de la période de déconfinement, les usages développés pour la distanciation physique auront des applications sur le long-terme. "Nos clients pourront utiliser cette solution pour un usage pérenne, par exemple pour tracer des équipements en santé. Une simple mise à jour logicielle permettra de modifier les paramètres", confirme François Kruta, chez Ubudu. Chez Stereolabs aussi, l'on pense déjà au futur de la solution : "Il y a un marché colossal concernant les périmètres de sécurité. Dans l'industrie, il est indispensable de garder un espace autour des robots. Grâce à ces solutions, il est possible d'établir une barrière virtuelle autour des robots et d'alerter un employé quand il pénètre à l'intérieur de cette zone", détaille Cécile Schmollgruber. Et John Baekelmans, CEO de Rombit de conclure : "La crise sanitaire amène à une prise de conscience. L'IoT est un outil important pour accroître la sécurité de chaque individu sur son lieu de travail. Pendant et après les mesures prises pour le Covid-19."