Industriels, gare aux pièges du NB-IoT

Industriels, gare aux pièges du NB-IoT Le réseau NB-IoT est progressivement adopté par les industriels français. Mais les habitués aux réseaux LPWAN ne doivent pas sous-estimer les différences de paramètres en passant à l'IP.

Le réseau NB-IoT séduit de plus en plus les fabricants d'objets connectés : les modules NB-IoT ont représenté 30% des livraisons de modules IoT cellulaires dans le monde au troisième trimestre 2020, qui ont grimpé de 8% sur la période par rapport au trimestre précédent, selon une étude du cabinet Counterpoint. Une tendance qui commence à s'affirmer en France, selon l'éditeur français IoTerop. Mais attention, les fabricants habitués à recourir aux autres réseaux LPWAN – LoRa et Sigfox – doivent avoir en tête que de nombreuses différences interviennent dans la façon de gérer la connexion des objets, au risque de perdre des données ou de ne pas obtenir la qualité de service espérée.

La première différence en passant au cellulaire est l'utilisation de l'IP. "Dans le cas de LoRa ou Sigfox, il n'y a que de la radio jusqu'au serveur. Avec le cellulaire, l'IP intervient et la diversité des protocoles pour connecter les capteurs au réseau peut représenter une difficulté", souligne Maurice Zembra, président et cofondateur de Vertical M2M, un éditeur français de logiciel IoT qui travaille depuis plus de deux ans sur le NB-IoT. En effet, différents protocoles sont utilisés dans le transport des messages, comme MQTT, TCP/IP, LwM2M, CoAP ou encore HTTP. En adoptant ce réseau, insérer une puce réseau ne suffit donc pas, il est également nécessaire de configurer les paramètres sur sa plateforme IoT. "Les utilisateurs n'ont pas ce détail à l'esprit, ce qui est un problème réel typique des difficultés liées à la connectivité", souligne Frédéric Desbiens, program manager IoT and edge computing à la fondation Eclipse. Fort de plus de 330 membres dans le monde, la fondation a mené entre mai et juillet 2020 son étude mondiale annuelle "2020 IoT Developer Survey Key Findings", qui révèle que la connectivité est la deuxième problématique majeure des développeurs IoT, après la sécurité.

Le fabricant français d'objets connectés Adeunis, qui a commercialisé plus de cinq millions d'objets connectés, a dû faire face à cette question du choix du meilleur protocole dans la mise au point de son nouveau capteur Pulse, destiné à la télérelève des compteurs d'eau en NB-IoT. "Le protocole IP utilisé par le produit détermine la façon avec laquelle le serveur doit récupérer les données. Il faut donc choisir un des formats. Ces choix sont à faire au moment de la conception du capteur et il s'est avéré que MQTT n'est pas compatible avec les usages que l'on pousse dans nos produits", souligne Jean-Luc Baudoin, directeur général délégué chez Adeunis.

Le LwM2M à privilégier

Autre exemple avec Birdz, la filiale IoT de Veolia, qui a intégré le NB-IoT à sa plateforme pour un projet réalisé avec l'opérateur T-Mobile à l'attention de Veolia en Allemagne sur l'environnement et la gestion des déchets. "Trois types de capteurs ont été utilisés, et tous les trois remontent leurs données via le réseau NB-IoT avec des protocoles différents : de l'UDP pour les compteurs d'eau, du TCP/IP pour les capteurs de niveau, et du MQTT pour les capteurs de bruit pour lequel nous avons dû installer un broker MQTT", détaille Eric Alnet, product manager applications chez Birdz. Le projet a pris un mois de mise en place. "MQTT demande un effort supplémentaire dans l'intégration", reconnaît Frédéric Desbiens, de la fondation Eclipse. Les membres de cette dernière travaillent depuis un an sur le programme Sparkplug afin que les logiciels qui implémentent MQTT aient un format de données standardisé.

MQTT, l'un des protocoles les plus populaires parmi les développeurs, ne s'avère "pas adapté au NB-IoT et de nombreux constructeurs souffrent de sa lourdeur et de la surconsommation qu'il génère avant de s'en rendre compte", constate Hatem Oueslati, CEO et cofondateur d'IoTerop, éditeur de logiciels français expert du protocole LwM2M. Adeunis s'est ainsi associé à IoTerop pour intégrer la solution IOWA de ce dernier afin de collecter les données et de minimiser l'utilisation de la batterie du capteur en utilisant le protocole LwM2M. Un choix également préconisé par l'opérateur espagnol Telit pour qui "ce protocole est celui qui répond le mieux aux exigences spécifiques des technologies LPWA". Selon l'entreprise de tests MachNation, lorsqu'un appareil rapporte des observations à un rythme de deux fois par minute, LwM2M utilise 88% de données en moins que MQTT.

"Selon les études de marché, le NB-IoT et LoRaWAN domineront le marché"

Autre différence contre laquelle Vertical M2M met en garde : la gestion de l'énergie en cellulaire, qui impacte la durée de vie de l'objet. "Plusieurs mécanismes d'attachement au réseau doivent être configurés", explique Maurice Zembra. De son côté, Adeunis souligne un autre point d'attention lié à cette gestion de l'énergie : le design des capteurs. Les parties radio et alimentation ont dû être retravaillées intégralement par rapport aux autres capteurs fonctionnant avec LoRaWAN et Sigfox pour les adapter à l'antenne ou au système de gestion de l'autonomie. Ce qui a induit des coûts supplémentaires : "Si le coût des abonnements en NB-IoT est du même ordre de grandeur que ceux en LoRaWAN, les coûts des modules sont encore plus élevés, à plus de 12 euros, et le design spécifique lié aux spécificités du NB-IoT apporte forcément un coût supplémentaire, indique Jean-Luc Baudoin. Au final, le coût global, qui ira en diminuant avec le temps, peut être évalué à 50% de plus vis-à-vis d'un produit LoRaWAN."

Ces défis relevés, le NB-IoT se démarque par ses avantages, à savoir de faibles coûts de communication, un débit et une sécurité accrus, une connectivité offrant une large couverture radio et une pénétration en deep-indoor sur des réseaux licenciés. Ainsi en Allemagne, NB-IoT est l'un des réseaux IoT les plus répandus d'après Birdz. "Selon les études de marché, le NB-IoT et LoRaWAN domineront le marché, ils sont donc incontournables. Adopter ce réseau sert par ailleurs notre stratégie à l'international", affirme Jean-Luc Baudoin, chez Adeunis, qui prévoit d'élargir la gamme de ses produits en NB-IoT dans les 18 mois, notamment dans le smart building. "Il est évident que le NB-IoT va prendre de l'ampleur, il y a déjà une très grande maturité de cette technologie en Australie", affirme Hatem Oueslati. SFR, seul opérateur en France à opérer le NB-IoT, indique avoir couvert aujourd'hui 70% du territoire.