En Terre-Adélie, l'IoT met au vert la base des scientifiques

En Terre-Adélie, l'IoT met au vert la base des scientifiques La collectivité des Terres australes et antarctiques françaises a fait appel à la société Elcimaï Environnement pour déterminer, grâce à l'IoT, les consommations de la base et comment passer aux énergies renouvelables.

De la neige à perte de vue et un froid glacial sont les deux premières images qui viennent à l'esprit quand on mentionne l'Antarctique. Et pourtant, les activités de mesure des scientifiques y sont nombreuses. L'IoT y a ainsi naturellement été introduit. La collectivité des Terres australes et antarctiques françaises (les Taaf) a fait appel en novembre 2020 à Elcimaï Environnement, société française spécialisée dans l'ingénierie, pour savoir comment se détacher énergétiquement du fioul, importé sur la base scientifique Dumont d'Urville pour alimenter les trois groupes électrogènes, au profit d'énergies renouvelables. Un chef de projet de l'entreprise s'est rendu sur place pendant trois semaines pour étudier la question. Son verdict ? Pour déterminer comment optimiser les consommations énergétiques et sur quelles énergies vertes basculer, il faut pouvoir effectuer des mesures précises afin de déterminer les appels de puissance. Une tâche pour laquelle l'IoT se révèle idéal.

Le matériel est arrivé à la base Dumont d'Urville par l'Astrolabe, le navire dédié à la desserte antarctique permettant la rotation de scientifiques sur place. Mais le patrouilleur polaire n'effectue que trois rotations par an, les objets connectés ont donc été envoyés en février, lors d'une de ses escales. Les scientifiques se sont chargés d'installer eux-mêmes la douzaine de capteurs sur les installations. "Présents en Terre-Adélie pour réaliser des mesures de carottage, de sismologie ou environnementales, ils ont l'habitude de manipuler de tels appareils. Nous avons juste eu des échanges pour les aiguiller dans le meilleur positionnement dans les armoires électriques", précise Francis Pelmont, directeur général d'Elcimaï Environnement.

C'est donc à 15 000 kilomètres des équipes d'Elcimaï Environnement, basées à Lyon, que la technologie brevetée par la société Gulplug a analysé les conditions environnementales : gestion de l'eau, des déchets, de l'électricité, consommation des bâtiments, etc. "C'est comme si nous étions sur place, sur ce territoire hostile, alors que nous sommes restés dans nos locaux. Ce contrôle à distance est l'un des grands avantages de l'IoT", se réjouit Francis Pelmont.

Les soixantièmes mugissants pour l'éolien

Une valise contenant une gateway récupère toutes les données des capteurs. © Elcimaï Environnement

Le seul challenge dans ce projet mené en Terre-Adélie n'est pas lié aux températures négatives, d'autant que le projet a été mené en été (qui a lieu de novembre à mars en Antarctique, ndlr) mais au réseau de communication. "Les communications dans les Taaf sont limitées en débit et en quantité. Il faut s'organiser pour réaliser des envois par paquet à des heures adaptées. Les communications passent par ailleurs par un protocole spécifique et nous avons eu quelques difficultés à trouver les bons paramétrages de serveurs", raconte Francis Pelmont. En une semaine, le problème a été réglé et les capteurs IoT ont commencé leurs mesures quotidiennes. Les informations ont ensuite été envoyées sur une gateway, puis dans le cloud.

En un mois, Elcimaï Environnement a obtenu toutes les données nécessaires pour conseiller les Taaf, qui définissent la stratégie sur les terres australes et antarctiques, ainsi que l'Institut polaire Paul-Emile Victor (l'Ipev), gestionnaire de la base et qui exploite les groupes électrogènes. "Nous avons pu les avertir que le système qui fait fondre la glace pour fournir de l'eau potable peut être optimisé et que les démarrages moteur de certains équipements peuvent être mieux réglés", indique Francis Pelmont.

Du côté des énergies renouvelables, l'analyse des données météorologiques, couplées à celles de l'IoT, a permis de trancher pour l'installation de panneaux photovoltaïques et d'éoliennes, les deux seules solutions dans ces contrées. Christophe Chavrier, chargé des études électriques chez Elcimaï Environnement, a pu calculer grâce aux mesures les systèmes photovoltaïque et éoliens à mettre en place, les systèmes de régulation à y associer et les stockages intermédiaires à fournir. "L'Antarctique se caractérise par ses vents violents, dont les soixantièmes mugissants. Il faudra donc installer des éoliennes à axe vertical, bien plus résistantes au vent et avec plus d'inertie", souligne le CEO. Les deux moyens doivent permettre de faire face à l'intermittence du renouvelable, sachant que les Taaf prévoient sur le long-terme d'ajouter de l'hydrogène sur place à partir d'une pile à combustible.

Aux dires du CEO, l'IoT a permis au projet de gagner un an dans sa réalisation. "Nous avons terminé nos mesures rapidement, les capteurs peuvent rester en place jusqu'à la prochaine rotation. D'autant qu'il serait intéressant de suivre les consommations sur le long-terme, pour voir les différences par grand froid ou selon la fréquentation puisque la population scientifique varie de 40 à 100 personnes selon la saison", détaille Francis Pelmont. Le matériel d'Elcimaï Environnement reprendra ensuite le large à bord de l'Astrolabe. Ce premier projet IoT en Terre-Adélie a toutefois permis aux scientifiques de briser la glace quant à cette technologie : les Taaf ont manifesté leur intérêt de s'équiper de leurs propres capteurs et la technologie pourrait ouvrir aux scientifiques de nouvelles possibilités dans leurs travaux. Grâce à Elcimaï Environnement, l'IoT est en bonne voie de s'enraciner sur le sixième continent.