Maxime Blondeau (Enseignant) "L'IoT va changer notre conception du territoire"

Enseignant, conférencier et entrepreneur, Maxime Blondeau publie quotidiennement des cartes géographiques sur son compte LinkedIn pour faire prendre conscience à chacun de l'importance du territoire dans notre quotidien.

Maxime Blondeau, enseignant et conférencier. © Maxime Blondeau

JDN. Vous êtes intervenu jeudi 21 septembre chez Renault SA à Guyancourt pour une formation sur l'écologie vs la technologie. Vous affirmez que la technologie change notre perception du territoire. Qu'en est-il de l'IoT ?

Maxime Blondeau. On ne prête pas attention au territoire de la même façon avec ou sans technologie. Les objets connectés peuvent nous en rapprocher, ou bien nous en éloigner, en fonction de l'usage que l'on en fait. Dans le cas d'une montre connectée, si on corrèle les données avec d'autres informations, par exemple le tracé de nos pas avec la cartographie du paysage et de la végétation traversée, cela nous en rapproche. Au contraire, si l'on reste les yeux rivés à son écran, on délègue notre rapport du territoire à l'objet et cela nous en éloigne. Le cas est similaire avec le smartphone : on peut avoir un usage qui nous rapproche du territoire, par exemple avec les applications de reconnaissance de plantes qui nous informent de manière positive sur ce qui nous environne. Ou avoir un usage qui nous en éloigne, si on passe son temps sur l'écran à parcourir les réseaux sociaux.

Que faire pour encourager les Français à utiliser les objets connectés de manière positive en prenant en compte leur environnement ?

La sensibilisation est essentielle pour aboutir à une prise de conscience du territoire. Elle doit s'effectuer selon moi à quatre niveaux, qui doivent se penser ensemble : par le niveau sensoriel, qui doit apporter une expérience corporelle immédiate. Par le narratif, c'est-à-dire par la façon dont on se raconte le monde. Par un niveau scientifique, apportant des données sur le territoire. Et par un aspect technique, renvoyant à des technologies ou des industries présentes sur le territoire. Ce sont ces quatre niveaux que j'essaie de développer quotidiennement dans mes posts LinkedIn. Pour le niveau sensoriel, je choisis toujours les cartes que je partage en fonction de la beauté de leurs couleurs. Je construis un storytelling pour l'aspect narratif, dans lequel j'essaie d'apporter des connaissances et je mentionne des industries ou des dispositifs pour le niveau technique. Par exemple dans cette carte de Cape Town, je raconte la crise de l'eau qu'a connu la ville en mars 2018, et les mesures adoptées pour s'en sortir. Parmi ces quatre niveaux, l'IoT intervient dans les deux derniers niveaux ; la question est de savoir quel rôle la technologie va jouer dans les deux premiers, concernant le sensoriel et le narratif, et si les objets connectés vont nous couper du monde.

Quand on parle du thème de l'IoT et du territoire, on pense aussi aux usages liés à la smart city. Pourtant, ces objets connectés semblent invisibilisés aux yeux des citoyens…

Exactement, les objets connectés sont associés à l'individu.  Et les citoyens n'en perçoivent pas le bénéfice pour la société. Il faut passer par davantage d'éducation, qui sous-tend la prise de conscience de l'individu de vivre sur un territoire. C'est pour cette raison que je multiplie les conférences.

Comment expliquez-vous que l'IoT ne soit pas associé à des usages d'intérêt général ?

C'est lié à un problème de gouvernance. Les choix technologiques ne sont ni participatifs, ni démocratiques. On apprend aux Français que l'innovation avance d'elle-même. Qu'après la 5G apparaîtra la 6G, qu'après l'iPhone 15 sortira l'iPhone 16. Le consommateur n'est jamais associé au design du produit par exemple, ou à la technique utilisée. Il a ainsi le sentiment de subir, et c'est ce qui provoque parfois un sentiment de méfiance vis-à-vis de solutions technologiques.  

Et qu'en est-il des entreprises, que vous accompagnez via votre activité de conseil Alma Mater ?

Les entreprises ne recourent pas encore assez aux systèmes d'informations géographiques (SIG). Couplés à des données énergétiques, ces SIG peuvent générer des informations essentielles qui doivent être intégrées aux modèles d'affaires, comme la comptabilité alternative. J'ai néanmoins observé, à travers la quarantaine d'organisations privées et collectivités que j'accompagne, que les enjeux autour de l'éco-responsabilité accroissent par ailleurs une prise de conscience sur l'économie circulaire, sur le rapport à la biodiversité et sur l'impact de l'activité sur le territoire. Pour vous donner un exemple, j'accompagne la SS2I française Constellation, qui a pris conscience il y a deux ans et demi de l'impact de son activité sur le territoire et a opéré un virage complet : elle organise des formations pour sensibiliser ses salariés, accompagne ses clients dans leur bilan carbone et l'entreprise a même créé un événement, Tech for Climate, en espérant jouer un rôle mesurable à son échelle.

Maxime Blondeau est enseignant-chercheur et conférencier. Après un lancement de carrière en entreprise dans les ressources humaines et le numérique, il s'est orienté vers l'engagement militant, associatif et politique en 2015, au moment de la COP21 et des attentats du 13 novembre à Paris. A l'été 2021, il a lancé avec Maxime de Rostolan et le navigateur Arthur Le Vaillant, une coopérative d'intérêt collectif, Sailcoop, pour offrir une alternative à l'avion pour les courtes et longues distances. En 2022, il a créé sa société de conseil, de formation et de prospective à destination des entreprises, Alma Mater.