Avec cet argument, votre patron ne pourra pas vous refuser de télétravailler
Au printemps 2020, la France a basculé massivement dans le télétravail, sous l'impulsion de la crise sanitaire. Ce qui, à l'époque, relevait d'un impératif d'urgence est devenu, en quelques mois, une transformation profonde des habitudes de travail, touchant tous les secteurs où la distance est possible.
Mais le vent tourne. Depuis quelques mois, certaines entreprises, grandes ou petites, affichent leur volonté de faire revenir leurs équipes sur place. Les directions invoquent la nécessité de renforcer le collectif, d'assurer une meilleure circulation de l'information, voire de prévenir un prétendu relâchement des effectifs. Certains brandissent, de façon plus ou moins avouée, la menace d'une perte de productivité liée à l'isolement ou à la démotivation à distance.
Pourtant, cet argument s'effrite face à l'évidence des chiffres. Les études scientifiques les plus sérieuses convergent : le télétravail améliore bel et bien la productivité des salariés. L'étude fondatrice menée par l'équipe de l'économiste Nicholas Bloom à Stanford, sur un immense centre d'appels en Chine, a révélé un gain de productivité de 13 % sur neuf mois pour les employés travaillant à domicile.

En France, une analyse de la Banque de France croisant des données d'enquête et des résultats comptables de près de 1 500 entreprises industrielles indique une amélioration de la productivité globale de 0,61 % pour chaque point de pourcentage supplémentaire de télétravailleurs. En extrapolant, le passage de 5 à 25% de salariés travaillant à distance pourrait faire progresser la productivité nationale de 10% à long terme.
D'autres études, menées en Europe ou aux États-Unis, évoquent des gains allant de 5 à 20% selon les secteurs et les modalités d'organisation. Les raisons de cette amélioration sont bien identifiés : économie de temps sur les trajets, réduction du stress, environnement plus calme et moins d'interruptions, flexibilité dans l'organisation des journées.
Pourtant, derrière le discours officiel du retour au bureau, une autre réalité se dessine. Le durcissement soudain des politiques de présence sert parfois (pour ne pas dire souvent) de prétexte à un dégraissage silencieux des effectifs. Plutôt que d'assumer un plan social coûteux, certaines directions préfèrent pousser à la démission les salariés les plus attachés à leur liberté nouvelle. Mais ce jeu est à double tranchant : les entreprises qui s'entêtent à nier les bénéfices du télétravail risquent de voir partir leurs meilleurs éléments, tandis que celles qui investissent dans une organisation hybride récoltent, elles, des gains durables en efficacité et en engagement. En somme, la bataille du télétravail ne fait que commencer – mais les faits, désormais, ne laissent plus place au doute.