Aller à l'essentiel : le kintsugi

Nous traversons une crise sanitaire d'abord qui a des répercussions économiques et financières énormes. Du jamais vu. Ce constat en appelle trois autres

  • Les gouvernements et les banques centrales ont décidé de soutenir massivement l'économie au travers de mesures pour aider les entreprises de toutes tailles à traverser cet énorme trou d'air. 
  • La prise de conscience de la très forte dépendance aux autres a été brutale au travers de chaines d'approvisionnement rompues soudainement. 
  • Enfin, le télétravail s'est imposé pour des millions de gens sans préparation. 

Une des conséquences évidentes de ce contexte est que dans le futur, il va falloir imaginer l'impensable ! Or Il est frappant de voir que dans tous les pans de la Société, dans une majorité de discours, de prises de position, de réflexions, un mot revient toujours et encore : Résilience. 

Arrêtons nous quelques minutes sur ce terme ; La résilience est un processus psychique qui permet à un individu de survivre à une blessure, à avoir appris de cette expérience, et à "vivre avec". Boris Cyrulnik s'est érigé en spécialiste de la résilience et a expliqué à plusieurs reprises ce concept qu'il a contribué à populariser. Récemment, en Mars 2020, Cyrulnik a dit "Pour l'instant, nous sommes dans l'affrontement de la crise. La résilience est la reprise d'un nouveau développement après le confinement, après le traumatisme." 

Il nous semble pourtant que ce terme – à défaut du concept - est trop utilisé par différents publics, et en devient même galvaudé ; avec cette idée que la résilience serait une sorte d'ardoise magique qui permet d'oublier ce qui s'est passé et de repartir "comme avant".    

Soyons clairs, nous souhaitons plutôt une résilience augmentée. A l'issue de cette crise sans précédent, nous – les êtres humains, les entreprises, la Société – avons besoin d'un rebond enrichi par l'expérience du passé certes mais encore plus par tout ce que nous aurons découvert dans nos environnements personnel ou collectif pendant la période inédite du confinement et du "confitravail". C'est pourquoi, nous lui préférons le concept du Kintsugi. 

Le Kintsugi est dans la culture japonaise l'art de réparer des porcelaines brisées avec une technique qui laisse apparente les cassures en les soulignant avec des joints en or. L'objet qui a vécu et traversé des épreuves est ainsi symboliquement transfiguré. Sa fracture ne signifie plus sa fin, mais le début d'un autre cycle, d'un renouveau. C'est l'invention de ce nouveau cycle, sans effacer l'empreinte du passé et de ses épreuves et expériences, mais embelli, enrichi par la réparation visible qui nous semble porteur d'avenir. Et cet avenir sera guidé par l'essentiel : aller à l'essentiel pour faire plus avec moins. 

En d'autres termes : 

  • Gagner en efficacité, voire automatiser si c'est possible, 
  • Juger de l'importance et de la pertinence des actions, 
  • Se concentrer sur ce qui est capital pour créer de la valeur. 

Dans l'entreprise, pour réussir ce futur et "réparer" les impacts de la crise, il faut se poser les bonnes questions à différents niveaux : au niveau de l'individu, au niveau d'un collectif d'individus, au niveau de l'organisation tout entière, au niveau de ses clients et fournisseurs et enfin au niveau de son éco-système tout entier. Quelles sont ces questions au niveau individuel ? Listons en quelques-unes qui nous semblent clés : 

  • Quels sont mes objectifs et mes valeurs ? 
  • Qu'est-ce qui est important pour moi ? Qu'est-ce qui me donne de l'énergie pour démarrer une nouvelle journée ? 
  • Dans ma liste de tâches, quelles sont les actions qui auront le plus d'impact sur mon avenir ? 
  • Quelles sont les décisions qui ont eu le plus d'influence sur le long terme ? 
  • De quoi ai-je vraiment besoin ? 

Pour y répondre et bien appréhender ses besoins vitaux, les entreprises doivent aborder 5 thèmes majeurs : 

  • Retravailler la vision de l'entreprise post-crise et préciser sa raison d'être. Sans ce cadre fondateur, impossible d'aller à l'essentiel, de définir les besoins vitaux aux différents niveaux de l'organisation cités plus haut ; 
  • Evaluer la capacité de l'organisation à "aller à l'essentiel" et donc identifier les besoins de formation/éducation pour décider des actions menant à l'essentiel. Il s'agit de postures souvent inhabituelles, de savoir faire décisionnel basé sur des critères et des priorités nouvelles ; 
  • Identifier le niveau de risques acceptable pour l'organisation dont la vision et la raison d'être ont été redessinées, dans l'optique d'aller à l'essentiel et de créer un maximum de valeur business pour le client ; 
  • Communiquer avec pédagogie le corpus "aller à l'essentiel" et tout particulièrement la vision, la raison d'être et le niveau de risques acceptable ; de façon à ce que, à chaque niveau de l'entreprise, les individus puissent agir individuellement et/ou collectivement pour délivrer plus de valeur avec moins ; 
  • Mesurer enfin la diffusion de cette nouvelle culture d'entreprise et l'accroissement de valeur délivrée au travers des actions pour aller à l'essentiel.

Ces 5 thèmes devront se nourrir de la culture de l'entreprise modifiée et améliorée par les acquis humains et collectifs de la période du confinement – par exemple la confiance accrue dans les individus, mais aussi les besoins d'authenticité et de transparence révélés, la puissance du collectif ou l'efficacité des circuits courts -. Voilà ce que nous dicte la métaphore du Kintsugi. 

En conclusion, il s'agit de co-construire un futur plus fort, plus efficace, délivrer plus de valeur tout en offrant aux femmes et aux hommes de l'entreprise un cadre en adéquation avec les valeurs que la crise nous a obligés à reconsidérer.