Le management de la résilience : comment rebondir après une crise ?

Le temps est à présent venu de relancer progressivement l'économie et de renouer avec la proximité sociale mais cette reprise ne pourra se faire convenablement si les entreprises ne créent pas les conditions du "rebond".

  • Qu’est-ce que la résilience ?

Saviez-vous que ce qui différencie l’être humain des autres espèces animales est sa capacité à gérer la complexité, à apprendre, à s’adapter à son environnement et notamment à faire preuve de résilience ?

A l’origine, ce mot désignait la résistance d’un matériau à un choc. Au sens figuré, le dictionnaire parle à présent de "force morale, de qualité de quelqu’un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre".

Dans le milieu professionnel, la résilience est la capacité d’une personne, d’une équipe, d’une entreprise à absorber un choc, à rebondir après un traumatisme, à continuer de se développer et se projeter dans l’avenir.

  • Les principes de la résilience

Selon Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, la capacité qu’ont les personnes à "rebondir" après un choc traumatique repose sur 4 principaux facteurs :

·    1 facteur intrinsèque (lié à l’individu) :

Le tempérament de la personne, ses représentations, sa motivation. Généralement, les personnes résilientes refusent de rentrer dans un rôle de victime passive. Elles pardonnent, font preuve de positivisme, de courage et de persévérance pour se « remettre en selle » et continuer le cours de leur existence.

·    3 facteurs extrinsèques (liés à l’environnement) :

-     Un cadre protecteur affectif bienveillant.

-     La possibilité de partager ce qui a été vécu avec d’autres personnes.

-     Un entourage compréhensif et soutenant.

La capacité d’une entreprise à être résiliente ne repose donc pas uniquement sur les individus mais sur son aptitude à créer les conditions du "rebond" qui reposent sur une dynamique collaborative spécifique.

  • Un état d’esprit collectif avant tout

La résilience est avant tout un état d’esprit qui doit être ancré au niveau identitaire par le biais de valeurs collaboratives fondées sur deux principes :

1.  Le principe de "protection" :

-     La bienveillance, afin que chacun se sente accepté tel qu’il est, libre de pouvoir exprimer ses ressentis en toute confiance parce qu’il sait qu’ils seront accueillis par les autres sans jugement, ce qui suppose un haut niveau d’authenticité, d’attention, d’empathie et de tolérance dans la relation.

-     L’entraide, pour éviter le repli sur soi et faire en sorte que chacun se sente en sécurité, puisse être réconforté, encouragé et accompagné dans ses initiatives, ce qui suppose un haut niveau de coopération, de partage et de soutien mutuel.

2.  Le principe "d’’autorisation" :

-     Le positivisme, afin d’accepter la situation, la nécessité de changer, d’atténuer le stress, de retrouver de l’espoir, de renouer avec l’enthousiasme, d’accepter ce qui ne peut être changé et se concentrer sur les aspects positifs de la situation, les opportunités à saisir.

-     La responsabilité, pour éviter la victimisation, l’infantilisation et l’attentisme. Cette valeur a pour but de permettre aux collaborateurs de devenir auteur et acteur des conditions de leur « rebondissement ».

  • Des softskills individuels

La résilience est avant tout une capacité qui s’apprend et se développe et qui repose sur de nombreuses aptitudes, plus particulièrement :

-     La confiance en soi, aux autres, en un avenir meilleur. Indispensable pour se remettre en mouvement, cette capacité repose sur l’adoption de croyances positives qui permettent de gagner en assurance personnelle, de reconstruire avec les autres et d’oser prendre des risques.

-     La dissociation émotionnelle, afin d’admettre le choc, d’accepter ses émotions, de prendre de la hauteur, d’en tirer les enseignements pour réagir. Par exemple, la peur n’a pas pour objectif de paralyser un individu mais de l’inciter à agir pour retrouver de la sérénité.

-     L’adaptation, pour absorber les changements, trouver des solutions adaptées aux situations, notamment dans un contexte incertain et en perpétuelle mutation, pour s’ouvrir à de nouvelles perspectives, élargir les champs du possible, être réactif et proactif.

-     La persévérance, nécessaire pour surmonter les obstacles, avoir un regard critique sur la situation, ses capacités, distinguer lorsqu’il faut renoncer, suspendre ou poursuivre l’action, apprendre des erreurs et des échecs.

  • Les outils et les pratiques de la résilience

L’adoption de la culture de la résilience ne va pas de soi. Elle suppose d’instaurer certaines pratiques collaboratives.

En ce qui concerne la protection (bienveillance, entraide) :

-     Le rapport d’étonnement, afin d’évoquer ce qui a été surprenant (en positif et négatif) et proposer des idées d’amélioration (Starbucks),

-     Le retour d’expérience, pour exprimer ce qui a été facile/difficile, possible/impossible, ce que l’on a appris, ce qu’il convient de changer (Tornos),

-     Les rituels d’expression des humeurs pour libérer les ressentis afin de pouvoir les partager, les prendre en considération (Pole Emploi),

-     Des dispositifs d’expression d’idées (Mazars),

-     Des rituels d’échanges périodiques, pour permettre à ceux qui le souhaitent de solliciter une aide (Intermarché ITM-LAI).

-     Des séances de co-développement pour permettre aux personnes de bénéficier des conseils de leurs pairs (Fondation Action Enfance),

En ce qui concerne l’autorisation (positivisme, responsabilité):

-     Des challenges internes, pour insuffler un nouveau dynamisme (Colombus Consulting),

-     L’incitation à prendre librement des initiatives sans validation hiérarchique (Konica Minolta France),

-     La réalisation d’un "Pre Mortem" pour "tuer" l’idée afin de définir un plan d’appropriation réaliste en se posant deux questions : "Pourquoi cela n’a pas marché ?" et "Qu’aurions-du nous faire ?" (Pixar).

-     Des rituels de feedback tels que la démarche "Fail, Learn, Succed" qui consiste à évoquer les échecs vécus et à en partager les apprentissages (BlaBlaCar),

-     L’instauration d’une "prime de l’échec" dont l’attribution est conditionnée à l’importance de l’échec, sa déclaration, son analyse et le partage des enseignements avec les autres (Sony Music France).

Par ailleurs, le maintien de l’enthousiasme, essentiel au "rebond", peut se faire via des "Quick Win", ces petites victoires qui atténuent le sentiment d’incapacité à surmonter la situation, qui peuvent être affichées, comme cela est pratiqué chez EDF sur un "mur des réussites".

  • Comment instaurer une culture de la résilience ?

Étape 1 : Catharsis

Avant de s’engager dans l’action, les entreprises doivent impérativement prendre le temps d’échanger rapidement sur ce qui a été vécu de manière à identifier la nature et l’intensité des traumatismes vécus, à libérer l’expression des émotions négatives et des croyances limitantes pour pouvoir les traiter.

Étape 2 : Vision

Mobiliser tous ses collaborateurs autour d’un sens commun formalisé par une vision attractive, idéalement co-construite, symbole de renouveau, qui sert de cadre de référence à l’action.

Étape 3 : Valeurs

Fédérer autour de valeurs collaboratives communes, indispensable pour créer les conditions de la protection et de l’autorisation.

Étape 4 : Capacités

Révéler, valoriser et mutualiser les talents individuels pour les mettre au service du collectif.

Étape 5 : Pratiques

Expérimenter de nouvelles pratiques collaboratives pour développer la culture de la résilience et l’appropriation de cette capacité au niveau individuel et collectif.

Pour que les personnes puissent se sentir protégées et s’autorisent à rebondir, il est essentiel que les dirigeants et les managers montrent l’exemple et valorisent les petites victoires pour maintenir la dynamique.