Green deal : peut-on (enfin) y croire ?

Depuis 2015 la prise de conscience des risques qu'encoure l'humanité en raison du changement climatique, de l'atteinte à la biodiversité ou des pollutions s'est imposée, à la faveur qui plus est de la crise Covid-19.

Une lente prise de conscience au niveau international

L’alerte avait été donnée dès 2002 par le Président Jacques Chirac lors du Sommet de la Terre à Johannesburg à l’occasion de son discours choc sur « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Il faudra néanmoins attendre une dizaine d’années pour que les questions de limites planétaires et de réchauffement climatique, lequel modifie l’équilibre écologique et biologique, trouvent une résonance au niveau international et national. "Décarboner" les économies pour assurer la survie de la planète et de l’humanité est devenu au cours des dernières années le mot d’ordre. Il s’est traduit par des ambitions et des objectifs en matière de transition écologique et de développement durable qui se sont exprimés dans le cadre de politiques volontaristes. L’adoption par les 193 États membres de l’ONU des 17 objectifs de développement durable (ODD) en septembre 2015 en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en a été la première manifestation. Ces objectifs couvrent l’intégralité des enjeux du développement durable tels que le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau mais aussi la pauvreté, l’égalité des genres, la prospérité économique ou encore la paix, l’agriculture, l’éducation...

Ces objectifs ont été soutenus par une évolution du cadre réglementaire et législatif, matérialisée notamment par la signature des Accords de Paris sur les changements climatiques en 2016 et au niveau français par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) d’août 2015. Le projet de loi "Climat et résilience", reprenant certaines propositions de la Convention citoyenne pour le climat présentées en juin 2020, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans ce même mouvement, à savoir abandonner progressivement les énergies fossiles et respecter la trajectoire vers la neutralité carbone à horizon 2050.

Des plans de financement ambitieux au niveau français et européen

Ces politiques volontaristes sont soutenues par d’ambitieux plans de financement en faveur de la transition écologique et énergétique adoptés au niveau national et communautaire. Sur les 100 milliards d’euros du plan "Relance France" consacré à l’écologie, la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale, présenté en septembre 2020 par le gouvernement, 30 milliards seront fléchés vers des investissements "verts". A ceux-ci viennent s’ajouter d’autres actions s’inscrivant dans le même objectif de décarbonation de l’économie, et relevant d’autres volets du plan "Relance France".

Au niveau européen, le plan de relance adopté par les 27 États membres de l’Union en juillet 2020, d’un montant global de 750 milliards d’euros, affiche des objectifs ambitieux également en matière de transition écologique et énergétique : le scénario envisagé est celui d’une neutralité carbone en Europe en 2050, avec la disparition des émissions nettes de CO2 à cette date. Pour y parvenir, aux 17,5 milliards du plan de relance viennent s’ajouter 356,4 milliards au titre du budget long terme de l’UE (cadre financier 2021-2027), soit un total de 373,9 milliards d’euros. Pour pouvoir bénéficier des prêts et subventions octroyés au titre du plan "Next Generation EU", 37% des dépenses d’investissement et de réformes proposées par chaque État devront être alignées sur les objectifs environnementaux européens, dont la neutralité carbone à horizon 2050.

En France, l’État entend mobiliser ses opérateurs pour l’atteinte des objectifs du plan de relance en matière de transition écologique : décarboner l’industrie en réduisant les émissions carbone de la France de 40% d’ici à 2030 et soutenir les filières d’avenir pour faire de la France la 1ère économie européenne bas carbone.

Il en est ainsi de l’Ademe dont les budgets d’intervention ont été doublés par rapport à 2020 pour atteindre 3,7 milliards d’euros pour 2021-2022. Les enjeux pour l’Ademe, ainsi que pour d’autres opérateurs publics comme Bpifrance, sont conséquents : mobiliser leurs dispositifs de soutien et d’accompagnement au service de ces ambitions, et contribuer au développement d’une filière industrielle d’excellence dans le domaine de la transition écologique et énergétique.

Dans le cadre d’un plan d’accompagnement de 250 millions d’euros présenté en juin 2020, Bpifrance a de son côté lancé en septembre 2020 le label Coq Vert, dans la lignée du Coq Bleu de la French Fab et du Coq Rouge de la French Tech. Son objectif est de fédérer un ensemble d’entrepreneurs ayant déjà amorcé leur transition, autour de la Communauté du Coq Vert ; une mesure parmi les 10 de ce plan qui doit accompagner les entreprises de tous secteurs dans leur transition écologique et à réduire ainsi leur empreinte carbone.

Le compte y-est-il pour autant ?

Le rapport publié le 10 mars dernier par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) et l’université d’Oxford – "Are we building back better", est venu nuancer ce tableau général. Selon ses conclusions, appuyées sur les données de l’observatoire mondial de la relance collectées auprès des 50 plus grands pays, seuls 18% des dépenses consacrées aux plans de relance de l’économie post Covid-19 peuvent être considérées comme vertes.

Des montants qui ne sont pas à la hauteur des enjeux que représentent le changement climatique, la préservation de la biodiversité et la pollution. Pour y répondre, le rapport invite les Etats à orienter leurs investissements dans 5 secteurs prioritaires : énergies renouvelables, transports verts, rénovation des bâtiments et efficacité énergétique, biodiversité et R&D.

La France, tout comme la Finlande, le Danemark, la Norvège, l’Allemagne ou encore la Pologne, font à ce titre figure de bon élève et des exemples à suivre par les autres Etats. Une occasion manquée en revanche pour le Royaume-Uni ou encore l’Australie, pour lesquels les investissements « verts » représentent une part mineure de plans de relance pourtant ambitieux.