La préservation des équilibres psychologiques en temps de crise

La stratégie de lutte face à la Covid-19 s'est adaptée aux territoires. Elle essaie désormais de prendre en compte les effets préjudiciables sur le plan psychologique en plus de s'intéresser uniquement à l'économie.

Le bilan de la guerre

Le confinement de mars 2020, mis en place pour freiner la propagation épidémique, a soutenu l’économie mais a fait l’impasse sur les atteintes de la santé mentale. Cette cécité a laissé le champ libre à une nette dégradation de l’équilibre psychologique des individus et des collectifs. Pour le plus manifeste, on retrouve une augmentation de 30 % des violences intrafamiliales et un doublement du taux des états dépressifs.

Comprendre pour prévenir

Les conséquences psychologiques nuisibles d’un confinement quasi carcéral sont connues des chercheurs, mais pas du grand public, ni apparemment des politiques. Un éclairage sur les processus involutifs ainsi activés par ce type d’enfermement permettrait une meilleure prévention, aussi bien au niveau des décideurs politiques, que des gouvernances des organisations de travail.

Un confinement restreint les libertés et constitue une privation de satisfaction. Nous ne pouvons plus faire ce que nous voulons et souvent l’interdiction renforce l’envie. Cette situation qui contrarie nos appétences génère de la frustration et un sentiment de manque. Les petits plaisirs du quotidien disparaissent et nous découvrons leur importance dans l’équilibre de nos états d’humeur. Si nous avons pu évoluer psychiquement, nous sommes passés de la demande insatiable « tout et tout de suite » du nourrisson à une capacité d’acceptation d’un déplaisir temporaire et de supporter l’attente de la satisfaction. Nous parvenons à un confort mental quand nos perceptions des déplaisirs et les plaisirs immédiats et différés sont en équilibre à nos yeux. Sur nos balances affectives, un déplaisir réclame sa compensation en plaisir.

Le confinement constitue une source de déséquilibre

Le confinement déstabilise notre balancier humoral. D’un côté il impose des privations, et de l’autre il produit du déplaisir. Nous ne pouvons plus jouir de ce que la vie hors domicile nous offrait (restaurants, spectacles, moments conviviaux…) et nous plongeons dans un déficit de satisfaction. En même temps, nous devons continuer de faire des efforts afin d’assumer nos engagements (études, travail, éducation, entretien du quotidien…), ce qui renforce le mal-être lié au déplaisir.

Plus la forme de confinement est radicale et plus les effets sont préjudiciables sur la santé mentale et productrice de pathologies :

  • Pour les individus : somatisations, traumatismes, anxiété, stress pathologique, dépression, addictions, passages à l’acte violents et suicidaires…
  • Pour les collectifs : montée du risque psychosocial, désengagement, manifestations contre les restrictions sanitaires.

Des inégalités face à cette déstabilisation

Les conditions d’enfermement à domicile sont vécues de manières très différentes. Habiter dans un petit appartement en zone urbaine, avec plusieurs enfants, tout en assurant un télétravail et la scolarisation à domicile, a bien été repéré comme plus pesant que de vivre dans une grande maison avec jardin.

Sur le plan psychologique, nous n’avons pas tous les mêmes capacités de résilience, ni la même qualité de soutien social. En fonction de toutes ces différences, les conséquences ne sont pas similaires pour tous. Certains ont vu leur santé se dégrader et d’autres ont profité de cette période pour réfléchir et s’orienter vers davantage de plénitude. Le retour sur l’expérience des périodes de restriction précédentes plaide en la faveur de l’intégration de techniques de gestion du stress dans l’éducation des plus jeunes et l’accroissement du développement personnel au travail, comme l’apprentissage de la régulation émotionnelle.

Réduire l’impact du confinement sur le moral

Dans la mesure où nous ne disposons pas d’autres moyens efficaces que le confinement dans le contexte actuel pour la lutte contre la pandémie, il convient d’engager une réflexion stratégique sur les conditions de sa mise en œuvre. Cette dernière devrait viser à respecter de manière prioritaire les modalités qui viendront réduire les effets négatifs sur la santé psychique des confinés.

Pour l’économique, l’aide financière a été mise en avant. Pour le psychologique, il faudrait intégrer plus de souplesse dans l’application des règles de contraintes, installer des compensations aux situations déplaisantes, favoriser la responsabilisation à la place de l’infantilisation, offrir des occasions de plaisir sans déplacement… C’est dans cette perspective que les décisions semblent avoir été prises pour ce troisième confinement. Le gouvernement a pris acte que les confinés ne supportaient plus d’être strictement assignés à résidence. Il est judicieux de les encourager à continuer dans cette voie, car les atteintes de notre santé mentale ne produisent pas toujours immédiatement des symptômes, mais ceux-ci apparaîtront certainement à moyen et long terme. Le pacte psychosocial repose sur son acceptabilité, il est nécessaire de laisser entrevoir une issue positive pour son effectivité.