L'indispensable pacte d'associés et les clauses à ne surtout pas négliger
Sous-estimant la nécessité d'encadrer leurs relations, de nombreux entrepreneurs font l'impasse sur la rédaction d'un pacte d'associés, pourtant indispensable pour se prémunir de tout conflit en cas de séparation. Focus sur le rôle de ce document essentiel et les clauses à ne pas oublier.
Qui n’a pas rencontré un entrepreneur expliquant que sa société a été à deux doigts de couler suite à un désaccord entre associés quelque temps après sa création ? La raison ? Parfois la naïveté de penser qu’il suffit de bien s’entendre avec quelqu’un pour travailler ensemble.
La création d’une entreprise demande un investissement total et équitable entre des associés. Dans la réalité, ce point n’est pas toujours suffisamment mesuré lors d’une création, et l’associé le moins actif peut vite agacer les autres…. Dès lors, l’idée de se tuer à la tâche pour partager la "création de valeur" avec un associé dormant peut vite tourner au drame. Autre écueil classique : fonder une création sur une idée sans réellement partager le même objectif long terme entre associés. Si, dans une création avec deux associés, l’un souhaite rester maitre à bord alors que le second est très ouvert à l’idée de faire rentrer des investisseurs et viser une revente, le clash, à terme, est inévitable…L'association peut s’apparenter à un mariage, dès lors, il est préférable d’établir les règles de son fonctionnement, en indiquant noir sur blanc la procédure en cas d’une éventuelle séparation : c’est l’objet du pacte d’associés.
Des dirigeants encore trop peu sensibilisés
De nombreux entrepreneurs négligent cette question et estiment ne pas avoir besoin d’encadrer leurs relations dans un pacte. Il est tentant de penser que rien ne viendra perturber la collaboration naissante avec un ami, un membre de sa famille ou un ancien camarade de promo. Mais il y a des situations qu’il est impératif d’encadrer en amont et auxquels les statuts fondateurs de la société ne sont pas forcément amenés à répondre : est-ce que tous les associés seront munis d’un mandat social ou d’un contrat de travail en plus de leur participation au capital ? Auront-ils un rôle passif dans la société, sans endosser de responsabilité ? En cas de proposition d’achat par un tiers, est-ce qu’une minorité de blocage est à prévoir ou à l’inverse une clause de vente forcée qui laisse la décision à l’associé majoritaire s’il y a ? etc.
Anticiper, anticiper, anticiper
Les causes de mésentente sont multiples. Il y a les divergences de stratégies par exemple. Si tous les associés démarrent avec un objectif et une vision commune, que se passe-t-il en cas de désaccord persistant sur un virage stratégique à prendre plus tard ?
Autre cause fréquente : l’investissement inégal des associés au sein de la société. Un associé titulaire d’une part du capital non négligeable mais dont le rôle implique un investissement moindre dans le fonctionnement quotidien de la société, peut engendrer frustration et sentiment d’injustice chez les autres.
Les cas d’abus de majorité ou de minorité ne sont pas en reste. Lorsque des associés majoritaires votent une décision dans le but de léser les minoritaires, ou lorsque ces derniers refusent de voter une décision indispensable à la survie de la société dans le but de servir leurs propres intérêts, comme une augmentation de capital par exemple.
Faute de gestion, abus de biens sociaux, non-respect de la procédure des conventions réglementées, sont également à l’origine de nombreux conflits entre associés et doivent être anticipés.
Certaines de ces situations naissent d’un manque de confiance des associés vis-à-vis d’un dirigeant majoritaire qui ne donne pas assez de visibilité sur les dépenses engagées par exemple. Des mesures simples – reporting régulier, nécessité d'un accord collégial à partir d’une somme définie selon les sujets - doivent donc être prévues dans le pacte d’associés afin d’anticiper ces conflits évitables
Les clauses indispensables du pacte d’associés
S’il présente de nombreux avantages, notamment sa confidentialité, le pacte d’associés est un document complexe à rédiger qui nécessite souvent le soutien d’un professionnel tiers. La grande liberté laissée aux associés dans sa rédaction en fait l’une des principales difficultés. Ce n’est pas ma recommandation, mais sur le principe, un pacte d’associés pour une SA ou SAS peut parfaitement prévoir de régler un conflit aux dés ou via une partie d’échecs…
Les clauses du pacte ne doivent pas entrer en contradiction avec celles des statuts. Attention à ne pas rédiger de clauses trop imprécises ou au contraire trop rigides, ce qui viendrait à créer des situations de blocages, que le pacte est initialement destiné à éviter.
Outre les clauses “générales” qui concernent la durée du pacte, la non-concurrence ou la confidentialité, le pacte sert à encadrer l’organisation des pouvoirs, les droits financiers et la répartition du capital entre signataires.
Devront être prévues toutes les clauses relatives au droit de vote, impliquant la possibilité de prévoir pour certains associés un droit de véto, la renonciation du droit de vote pour une durée limitée, un droit de consultation ou encore un droit d’information renforcée.
Les clauses relatives à l’actionnariat viennent quant à elles encadrer les droits d’ordre financier généralement au profit des minoritaires. C’est dans ce chapitre que pourront être fixées des clauses de répartition des bénéfices, des droits de souscription en cas d’augmentation de capital ou encore une clause de stabilisation des capitaux propres.
Enfin, de nombreuses clauses auront vocation à encadrer l’entrée et la sortie des associés telles que les clauses d’agrément, de préemption, de sortie conjointe, d’anti-dilution, d’exclusion (buy or sell), ou encore les clauses de good ou bad leaver qui obligent l’associé à céder ses titres à un prix déterminé (ce prix variera en fonction du caractère fautif ou non de son départ).
La rédaction du pacte d’associés est complexe, les clauses sont nombreuses et doivent être négociées dans l’intérêt de chacun. Un oubli ou une rédaction approximative peut avoir de graves conséquences sur la viabilité de la société.