Accepter les "idées grotesques" pour stimuler l'innovation et la transformation

Pour une innovation efficace, les entreprises doivent encourager et tester les idées originales, même impopulaires, favorisant une croissance structurée, durable et une transformation réussie.

Compte tenu des défis auxquels sont confrontées les entreprises aujourd’hui, des perturbations de la supply chain à la crainte d’un ralentissement économique, il n’a jamais été aussi important de privilégier l’innovation. Il convient donc de se demander comment peut-on favoriser une culture tournée vers l’innovation afin de repousser les limites technologiques, tout en mettant les ingénieurs, développeurs  et responsables produits dans les bonnes conditions pour atteindre ce but ? Et à mesure que les entreprises se développent, quels sont les défis rencontrés lorsqu’il s’agit de  faire adopter des idées innovantes auprès des employés et des clients ?
Ce sont des problématiques que rencontrent fréquemment les CTO au cours de leurs carrières, avec, en ligne de mire, la promotion de l’innovation. L’une des approches intéressantes en la matière, c’est celle qui vise à donner une chance aux “idées grotesques”. Il s’agit souvent d’idées initialement impopulaires mais possédant potentiellement le plus de valeur. Il est fréquent que des innovations notables naissent de ces “idées grotesques” derrière lesquelles se cachent de possibles perles rares. 

Pour donner aux idées laides une chance de vivre, les ingénieurs sont encouragés à développer leurs idées, à créer un prototype, à le tester et à analyser les résultats. Ce processus, souvent appelé "prototype et test", exige d'une organisation qu'elle maîtrise parfaitement ses données pour mesurer efficacement ces résultats et décider si l'idée a du potentiel ou non.

Afin d’offrir aux “idées grotesques” une chance de vivre, les ingénieurs sont encouragés à développer leurs idées, créer un prototype, tester et analyser les résultats. Ce processus de mise à l’essai requiert une entreprise ayant une excellente maîtrise de ses données afin de pouvoir  mesurer efficacement les résultats et ainsi statuer du potentiel de l’idée. Le problème de ce type de pratique réside dans la nécessité de vérifier régulièrement les données afin de suivre les résultats de manière cohérente. Le processus peut même s’avérer improductif si les ingénieurs poursuivent un trop grand nombre “d’idées grotesques”. 

A mesure que les entrées se développent, il ne suffit plus de donner leur chance à ces idées puisque les équipes d’ingénieurs créatives auront beaucoup d’idées concurrentes. Pour bâtir une culture de l’innovation, il faudra donc également créer une structure capable de filtrer et sélectionner les idées les plus pertinentes. 

De la piraterie à la marine de guerre 

La mise en œuvre des processus nécessaires afin de favoriser une culture de l’innovation exige du travail et de la discipline. Ce travail de transformation, au sein de l’équipe d’ingénieurs ou à l’échelle de toute l’entreprise se déroule souvent en coulisses et n’est pas forcément visible. Il peut cependant impacter considérablement la capacité d’innovation d’une organisation. 

Cette transformation peut être comparée à la transformation d’un équipage de pirate en un équipage de la marine. Parmi les pirates peuvent être présentes des personnes talentueuses, mais manquant de discipline et de cohésion. Les idées sont poursuivies et explorées sans véritable cap. En revanche, la marine est disciplinée, rationnelle et dispose d’une hiérarchie établie. L’ensemble de l’équipage travaille à la réalisation d’un objectif commun, les responsabilités sont clairement définies. 

La mise en œuvre d’un processus d’introduction de nouveaux produits (NPI, pour New Product Introduction) est un exemple de ce qui peut contribuer à cette transformation. C’est un processus qui sert de cadre pour faire passer un produit du stade de l’idée initiale à celui de prototype, puis de produit final. C’est une méthode formalisée, systématique et structurée pour mettre en œuvre le prototype et la méthodologie d’essai. 

Avant de mettre en place le NPI, certaines entreprises privilégient par exemple des méthodes informelles où le responsable produit s’entretient avec des clients puis présente un dossier commercial aux équipes puis lance le processus de développement. Dans certains cas, il se trouve que les produits produits et mis sur le marché sont bien trop marginaux pour répondre à une large demande. Dans d'autres cas, le produit touche une demande large sans que l’occasion de développer une campagne marketing ne soit saisie, ou bien que le produit soit si demandé qu’il submerge les équipes d’ingénieurs. 

Le processus NPI implique que chaque innovation doit bénéficier d’un soutien total de l’entreprise. Il est nécessaire de comprendre ce qui est en train d’être élaboré, sa raison d’être et la manière de lui associer une tarification. Le produit n’est lancé que lorsque l’ensemble des aspects du lancement sont abordés : s’agit-il d’une amélioration d’un service existant ou d’un produit entièrement nouveau ? Comment lancer cette nouvelle fonctionnalité ? Une campagne marketing est-elle nécessaire pour accompagner  le lancement ? 

Le NPI permet d’éliminer les idées superflues, de tester les prototypes et d’en récolter les fruits plus rapidement. La plupart des entreprises ne l’implémentent cependant pas avant d’avoir une certaine taille, pourtant, il est préférable de mettre en place le NPI le plus tôt possible. 

Bien franchir les étapes de mise à l’échelle 

L’adoption et la maîtrise de processus tels que le NPI ne visent pas seulement à favoriser l’innovation. Cela fait partie du parcours plus large d’une entreprise qui passe du statut de start-up à celui de scale-up puis à celui d’une organisation mature. Sur ce chemin, elle découvrira d’autres domaines qui nécessitent une transformation et une meilleure prise en compte des données. Peut-être que les processus d’antan ne sont plus adaptés et qu’il est nécessaire de les rafraîchir. Certaines entreprises sont tentées de vouloir prendre un raccourci en reconstruisant leur culture et leur produit à partir de zéro. Si l’entreprise possède dix ans d’existence, de nouvelles technologies ont vu le jour et les employés sont désormais plus expérimentés. La tentation est donc grande de penser qu’il sera possible de repartir d’une feuille vierge en bénéficiant des nouvelles technologies et du savoir accumulé. Pourtant de nombreuses entreprises ont tenté cette approche mais peu d’entre elles sont couronnées de succès.

Ce parcours de transformation, qui peut inclure la rationalisation d'un produit ou de processus internes - ainsi que la mise en œuvre de nouveaux processus qui favorisent l'innovation - peut être désordonné. Mais il est essentiel pour les entreprises de s'engager dans cette voie si elles veulent croître de manière durable et évolutive mais surtout construire une culture de l'innovation. L'autre voie, qui consiste à tout reconstruire à partir de zéro, peut sembler plus facile mais, dans la pratique, elle a tout simplement moins de chances de réussir. La dure vérité est qu'il n'y a pas de chemin facile vers l'innovation.