Maintenant plus que jamais, il s'agit d'agilité

"Il faut agir, agir, agir" disait Alain, car « on n’aime guère un bonheur qui vous tombe, on veut l’avoir fait ». L’action comme condition du bonheur pour l’homme, l’agilité comme condition du succès pour l’entreprise, et au centre la grande question : comment ?

Le passage à une société mondialisée de l’information bouleverse les équilibres socio-économiques traditionnels. Bien au-delà des technologies, c’est bien le mode de fonctionnement stratégique, organisationnel et managérial des entreprises qui est amené à évoluer. A l’écoute des clients et de l’environnement, les entreprises devront être capables de reconfigurations permanentes et rapides, là où leurs modèles opérationnels et leur système d’information étaient historiquement fondés sur la stabilité et le temps long.

Alors comment ? Comment l’agilité peut-être devenir la clé du succès ? Retour sur une dimension clé de l’entreprise agile, là où tout commence : la planification dynamique. Complexité, interdépendance et incertitude : plaidoyer pour la planification dynamique. L’entreprise agile, telle que théorisée il y a 20 ans par Olivier Badot, n’est plus un idéal organisationnel mais une nécessité.  

Il s’agit, non plus d’être en capacité d’anticiper les événements extérieurs à l’entreprise – dont les conséquences sont hors de son champ de contrôle – mais plutôt de s’adapter rapidement à ces changements au fur et à mesure qu’ils se révèlent.

On trouve ici les fondements de la planification dynamique : 1. l’entreprise prend acte que l’état du monde évolue sans cesse et continuera à évoluer. 2. Elle comprend que les changements qui l’impacteront se révéleront progressivement et ne peuvent être anticipés, 3. Elle intègre donc le fait que le facteur temps – soit la vitesse à laquelle elle peut planifier et replanifier – devient fondamental. Et enfin 4. Elle doit accepter que même ses objectifs, voire sa stratégie changent en cours d’exécution. 

C’est un changement de paradigme, qui signe l’obsolescence des outils de planification statiques, et avec eux des ERP classiques. Tous ces outils ont été conçus à une époque où l’environnement des entreprises était relativement stable – qu’il s’agisse de leur(s) modèle(s) économiques, des différentes dimensions de leur activité, ou de leur gamme de produits ou de services. Ils se sont alors attachés à décrire cette réalité, pour mieux la standardiser et l’automatiser : d’où les modèles de planification périodiques classiques, et l’accent porté sur l’efficience par l’optimisation des ressources (Enterprise Resource Optimization). Mais aussi l’idée qu’il était acceptable que le planificateur (la maîtrise d’ouvrage) délègue l’outillage de ses processus (et même leur configuration) à une maîtrise d’œuvre (parfois elle-même déléguée) puisque le modèle opérationnel devait être stable.  Ces dichotomies successives entre l’entreprise et son environnement, entre la planification et l’exécution, entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sont aujourd’hui battues en brèche. Elles sont devenues obsolètes.

Car outiller l’entreprise "agile", c’est avant tout repenser les modes de fonctionnement de l’entreprise mais aussi l’architecture de son système d’information en faisant de l’agilité opérationnelle la priorité stratégique. Et comme le disait John Maynard Keynes, ce changement n’est pas facile car il nécessite "qu’avant de comprendre les idées nouvelles, on échappe aux idées anciennes."

S’agissant des méthodes et des processus de planification, 3 changements fondamentaux sont à opérer :

  1.       Réunir planification et exécution 

Il faut d’abord mettre fin à cette conception cartésienne du management qui sépare la planification de l’exécution. Si la stratégie bute sur la mise en œuvre, c’est simplement qu’elle est mal conçue au sens où elle ne tient pas compte de la réalité de l’organisation. Réunir planification et exécution, c’est d’abord faire en sorte que le processus de planification soit en prise directe avec la réalité de l’entreprise, son organisation, ses différentes dimensions, son activité, bref, son système d’information. En somme, en finir avec la ségrégation de 2 mondes : planification et exécution. Et redonner la main aux acteurs de terrain.

  2.       Changer de paradigme : outiller l’agilité 

Dans un monde en perpétuelle évolution, il faut aussi que l’entreprise soit en mesure d’acquérir de nouvelles informations à tout instant, et les intégrer dans ses modèles de planification. La "dimensionnalité" de l’entreprise évolue sans cesse – jusqu’à intégrer des dimensions et des facteurs externes – tel le facteur climatique par exemple - et avec elle les modèles de planification. Finis les modèles statiques ou limités à quelques dimensions structurées, finis les concepts de type "clés comptables", difficiles et couteux à faire évoluer au fil du temps. La modélisation doit être agile, tout comme les processus. Et pour l’être, elle doit s’assurer que non seulement les plans peuvent changer, mais simultanément l’organisation, les processus, les dimensions, l’allocation du capital et des ressources au sein de l’entreprise – en somme son modèle opérationnel, voire son modèle économique.  Ou encore outiller de nouveaux services, de simulation à la volée par exemple - pré/post acquisition, pré-post changement d’organisation – ou de benchmarking (interne ou externe).

  3.       Rendre au métier le contrôle de son destin 

Enfin, et peut être surtout, la planification dynamique redéfinit les rôles au sein de l’entreprise. L’agilité opérationnelle, en matière de planification, c’est d’abord la reprise en main de leur destin par les maitrises d’ouvrage, et au-delà, par les acteurs de terrain. Il n’est plus acceptable que la conception des modèles de planification, tout comme la maintenance des processus de l’entreprise relève de taches "techniques" de paramétrage ou de maintenance, déléguées aux mains d’experts. Ce mode de travail et de ségrégation des taches, d’un autre temps, est devenu au fil des ans un frein majeur à l’agilité des entreprises, autant qu’un poste de coût croissant. Il explique d’ailleurs le besoin d’alternative réclamé par les métiers aujourd’hui, et leur aspiration profonde à changer la donne : comme une réaction à l’existant, comme un appel à agir, agir, agir.

Car oui, à l’heure de la transition écologique, de l’économie numérique, mais aussi du retour au multilatéralisme, ce qui est important n’est pas tant l’élaboration et l’industrialisation du plan que l’adaptation au changement. Ce qui qualifie un système d’information moderne dans un environnement changeant n’est pas sa complétude (par rapport à quoi ?), ou sa capacite à répondre aux problèmes passés (ils n’aideront pas à résoudre les nouveaux). C’est sa capacite à rendre l’agilité à grande échelle possible dans des écosystèmes ouverts.

Faut-il s’étonner que le bonheur soit une idée neuve ?